Fritzlangueur

Fritzlangueur
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Film préféré de l'utilisateur Fritzlangueur

Publié le 8 décembre 2015
Capables du pire (« Voyage aux Pyrénées »), comme du meilleur (« Peindre ou faire l’amour ») les frères Larrieu survolent depuis quelques années déjà un paysage cinématographique français avec une certaine bonhommie et un esprit libre. Leurs films, dont les sujets sont toujours atypiques, parfois mystérieux, souvent grivois qui font la part belle aux comédiens, sont tout aussi étonnants que détonants. Abandonnant la face obscure et sombre du monde de leurs deux derniers opus (dont le très bon « Les derniers jours du monde »), ils nous reviennent avec un film aussi aérien que réjouissant, dont ils ont puisé la source auprès de Pattie, une jeune femme rencontrée dans ce petit village, véritable maitre queue de l’érotisme brut, ne pouvant que flatter leur esprit épicurien. Car pour les frères Larrieu, le sexe, celui dont on parle, car ici aucune scène n’est graveleuse ou directement pornographique, est avant tout une réflexion qui se porte sur l’autre, et de manière très générale, un mécanisme de vie. Il est souvent le révélateur secret d’une personnalité. Le scénario construit donc ici sur ce fondement, est particulièrement jubilatoire et foncièrement adroit. Le désir, avoué, coupable ou assumé, anime tous les personnages, dont les sens parlent à leurs cœurs. Ce même désir symbolisé par la présence fantomatique de Zaza, la mère, véritable incarnation de la déesse Hécate (protectrice de la fertilité et passeuse d’âme) dont l’emprise sur chaque protagoniste révèle envies ou frustrations. Souvent crus et triviaux, les dialogues ne sont jamais pour autant vulgaires. C’est l’esprit libertin qui prédomine sur le film, les frères Larrieu marchent sur les traces d’un Restif de La Bretonne. Cette belle composition presque littéraire, serait un peu vaine sans la présence des comédiens. Et le casting est irréprochable. Karin Viard qui tournait en rond depuis quelques temps, nous offre l’une de ses plus délirantes prestations, le naturel déconcertant avec lequel elle annonce ses exploits est hilarant d’autant plus qu’elle affiche une certaine retenue de jeu crédibilisant son rôle. Carré se défend bien face à elle, Dussolier est comme toujours excellent, Lavant hurluberluesque, Ritmanic solaire et Lopez (même si le rôle est court) ingénieux. On ne peut oublier non plus Poitrenaux et Rebbot tout aussi bons. « 21 nuits avec Pattie » est comme un beau film de vacances, où l’on serait convié à y passer un séjour ou détente, bonne humeur et fantaisie viennent rafraichir l’esprit empesé de notre noirceur quotidienne. C’est aussi un peu la pensée facétieuse des deux frères qui veut cela du reste. Leurs films si personnels (le lieu de tournage ici leur est très proche) sont généreux, ils aiment à partager leur vision hédonique de la vie, et s’ils ne réussissent pas toujours à atteindre ce niveau d’intelligence, ils savent quand même nous embarquer avec fascination ou délectation dans leur fantasque univers.

Publié le 8 décembre 2015
Il est toujours difficile de porter un jugement sur une fiction traitant de la Shoah. Nombreux sont les documentaires, ouvrages ou témoignages existants, que vouloir recomposer ou créer une réalité-fiction peut apparaître comme stérile, voire, pour les esprits vraiment chagrins, y déceler un vil mercantilisme. Laszlo Nemes semble éloigné de toutes ces considérations, il a bâti « Le fils de Saul » avec un talent certain, mais aussi une certaine ingénuité, qui tient sans doute au fait que c’est son premier film. L’action qui se passe autour des Sonderkommando, qui étaient les unités de prisonniers déportés dans les camps, triés sur le volet, qui devaient aider l’autorité nazie dans son horrible tâche d’extermination de la solution finale. Nemes s’attache à Saul, l’un d’eux, qui lors d’une séance pré-crématoire, croit reconnaître son fils parmi l’une des victimes. Il n’aura de cesse alors de se donner le moyen de l’enterrer dignement et de trouver un rabbin pour la lecture préalable du Kaddish Yatom. C’est de cette idée scénaristique que va découler tout le film et nous plonger au plus près dans le cœur de l’horreur. La reconstitution historique (inouïe) s’appuie sur un certain nombre de faits avérés que l’on retrouve notamment dans les cahiers de témoignages enterrés et retrouvés à la libération, sur les photos clandestines (il en existe trois), par les témoignages sur la révolte de Birkenau et autres rapports d’enquêtes… Ce sont autant d’éléments qui se retrouvent intégrés au récit fictionnel de manière très appliquée. Mais Nemes nous épargne toutefois un voyeurisme qui aurait été inadmissible. La plupart des scènes horribles sont pour la plupart habilement masquées (flou de second plan, obscurité, cadrages pudiques). L’ignominie est, de toute façon, présente à tous les plans, suggérée ou laissée à l’imagination, Nemes, s’attachant plus à cette quête d’humanité très spirituelle, qui saisit Saul (se considérant « mort » jusque là), en « père » qui ne veut pas abandonner son fils. Et le film y trouve toute sa grandeur. L’oppression est constante, obsédante, le film malmène le spectateur presque de bout en bout. Cette belle maîtrise se dilue toutefois un peu sur la fin qui apparaît comme un peu plus brouillonne, moins précise dans la manière dont elle est amenée et filmée. Il n’en reste pas moins que « Le fils de Saul » est un très bon film, extrêmement sincère et surtout, surtout, bouleversant.

Publié le 8 décembre 2015
Par son sujet déjà largement traité ces derniers temps « Retless » de Van Sant, « Nos étoiles contraires » de Josh Boone, je ressens comme un sentiment de malaise vis-à-vis de “This is not a love story”. Il est à noter qu’Alfonso Gomez Rejon, et l’on peut saluer ses louables efforts, réussit toutefois à se démarquer. Il impose une fausse distance au drame, personnifiée par Greg, un ado en marge, mais surtout avec une tonalité humoristique très décalée, tranchant de fait avec le drame poético-romantique (non non, ce n’est pas une attaque !) qu’a réalisé Van Sant, et occultant la machine à larmes (faciles quand même, il faut le dire) du très charmant « Nos étoiles contraires ». Greg, est donc forcé par sa mère, à devenir ami avec Rachel, atteinte d’une leucémie. Lui qui a du monde une vision auto réduite et caustique, se voit peu à peu bousculé dans son quotidien par l’intrusion de cette épreuve à laquelle il n’est absolument pas préparé. Ce sont donc ses doutes, sa rébellion contre le mauvais sort, et son humanité que l’on va découvrir avec lui l’espace de quelques semaines. Le film, chapitré, se veut en fait la mise en images du livre qu’il rédige. Et comme dans la progression d’un roman, c’est un ensemble de situations, de moments privilégiés ou de réflexions qui assemblés bout à bout révèleront au final l’adulte que devient Greg, et la leçon de vie extraordinaire qui en découle. Cette forme narrative s’avère souvent assez stérile à l’écran, là c’est tout le contraire qui se produit. Grace à un savant équilibre entre voix-off et les scènes, le ton enjoué qui malgré tout ne quitte jamais Greg, et la forme très aérienne et ludique de la mise en scène, Gomez Rejon réussit son coup. Il créé également un univers très délicat, entre Gondry (animation en bouts de ficelle, les remakes improbables) et Araki (personnages typés à l’âme triturée). Entre les formes visuelles retenues, les plans fantasques, quelques idées cocasses, hommage au cinéma « étranger » (Herzog et Truffaut en tête) on va de surprise en surprise ce qui provoque dès le début un vaste sentiment d’empathie pour le film. L’acteur principal, le jeune et attachant Thomas Mann n’y est pas étranger, de même RJ Cyler qui est vraiment formidable. Quant à Olivia Cooke sa prestance réussit à sublimer le « mauvais rôle » de faire-valoir qu’on lui attribue. « This is not a love story » par son originalité, apparaît dès lors comme l’un film les plus attachants et subtils de l’année. Alfonso Gomez Rejon s’y est beaucoup investi et il réussit à surclasser plus qu’honorablement, une production de genre dont on est un peu repu à force.

Publié le 8 décembre 2015
Il y a 25 ans, « La discrète » premier film de Christian Vincent, allait apporter à Fabrice Luchini une notoriété grand public qui lui faisait défaut jusque là (il était alors beaucoup plus reconnu dans le milieu du théâtre) et le propulser au rang des acteurs bancables du cinéma français. Depuis, sa carrière est somme toute assez sinusoïdale, souvent drôle ou percutant quand il est très bien dirigé (« Dans la maison », « Rien du tout ») beaucoup contestable quand on le laisse partir en vrille luchinienne (« Beaumarchais, l’insolent » ; « Jean-Philippe »). Je caressais le secret espoir, pour ces retrouvailles, d’être à la fois amusé par la verve caustique tout autant que charmé par la subtilité et l’élégance, qui étaient les véritables composantes de « La discrète », en plus du trio d’acteurs de l’époque qui faisait mouche. « L’hermine » s’avère être un film beaucoup plus anodin, voire anecdotique, une espèce de justification à offrir le rôle de la maturité à un acteur brillant dont le spectateur pense (injustement) avoir fait le tour. A l’image d’un Jean Gabin dans « Le Président » qui le « remettait en scène » alors, Lucchini trouve chez l’individu plaideur qu’est le juge Michel Racine (rien que le nom est un clin d’œil à lui seul) le rôle à dimension, la sienne et il y est magistral (sans jeu de mot). Car bien plus qu’une incarnation, il est une présence. Celle qui de tous instants, d’un rictus, d’un verbe acerbe, en mangeant une pomme véreuse, ou en amoureux éconduit, en robe de juge ou dans un manteau en alpaga taupe mal taillé… ce sont tous ces petits détails qui font de ce juge un homme éminemment touchant, un vrai personnage balzacien, pathétique mais aimable toutefois. Fabrice Luchini touche ici à la quasi perfection. Il est dommage que le film ne soit pas sur le même niveau d’ambition. Car entre l’histoire d’amour plus suggérée que vraiment traitée et les passages autour et dans le tribunal, tout est y convenu, de bonne facture certes, mais convenu. Pour autant, la présence complémentaire des autres acteurs (Sidse Babett Knudsen, Corinne Masiero entre tête) comble les vides. Mais il manque quand même quelques scènes fortes, en renforçant par exemple celle du juge Racine avec sa femme (jouée par Marie Rivière, à la limite de la figuration) qui est inutile en l’état, ou celle avec Ditte et sa fille Ann à la Brasserie trop banale et plus largement en apportant un peu plus de crédibilité sur l’environnement judiciaire. Christian Vincent donne un peu l’impression d’avoir été effrayé par le monstre sacré qu’il a engendré, au point d’en oublier presque le contenu de son film. Un peu comme si le marteau du président venait finir sa course sur une étole d’hermine, le coup porté est alors plus qu’amoindri.

Publié le 8 décembre 2015
« L’espace d’une vie est le même qu’on le passe en chantant ou en pleurant », la sagesse philosophale de ce proverbe pourrait être un excellent exergue au film de Hirokazu Koreeda, véritable épicentre d’un plaisir rare, l’Amour dans sa vision la plus large, celui qui touche à l’intime, à la vie. Sachi, Yoshino et Chicka, trois sœurs qui vivent ensemble dans la grande et vétuste maison de famille, décident après s’être rendues à l’enterrement de leur père, d’accueillir Suzu, leur demi-sœur, ce qui provoquera une espèce de rupture dans leur quotidien, et dans leur mode de fonctionnement. De ce scénario à la fois très simple et en même temps très complexe, découle une étude de personnalités brillante, calquée sur le rythme des quatre saisons, au niveau espace temps, mais également de manière beaucoup plus parabolique. Chacune des sœurs représentant un âge de la vie. Suzu, la jeune fille innocente en plein éveil, Chika à l’apogée de ses espérances, Yoshino qui semble avoir brulé ses belles saisons et enfin Sachi, le cœur en hiver. C’est un véritable livre d’heures que le réalisateur nous propose de parcourir, un récit spirituel profondément altruiste où s’entremêlent l’existentialisme de la tradition à celui de la modernité, une sorte de passerelle incorporelle entre les valeurs d’un passé rassurant et celles en constante évolution d’un avenir incertain, mais prometteur. Tout dans « Notre petite sœur » est éloquence, éloquence des sentiments, des images, des idées. Irradié par cette plénitude et cette sagesse qui traversent le film, j’ai été littéralement transporté autant que bouleversé. Aucun effet sensationnaliste, une simplicité à toute épreuve, cette juxtaposition de scènes n’a qu’un seul but livrer une épure de l‘amour, celui qui unit ces sœurs, leurs proches, celui qui respecte les traditions et les ainés tout en allant de l’avant. « Notre petite sœur » est un film hédoniste par excellence, aussi beau esthétiquement qu’en son fort intérieur, porté par un quatuor fabuleux d’actrices.

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