Fritzlangueur

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Film préféré de l'utilisateur Fritzlangueur

Publié le 8 décembre 2015
« Marguerite et Julien » se joue de l’illusion par un indigeste mélange de styles visuels et scénaristiques, au point que l’on se demande si tout cela ne se place pas sur un second degré, pour dissimuler une comédie détournée, non pas dramatique ou satirique, mais la bonne grosse potacherie qui fait qu’il se passe peu de temps sans qu’un franc éclat de rire jaillisse devant tant d’inventivité humoristique ? C’est globalement la seule certitude qui me vient à l’esprit. Passant outre cette mauvaise foi caractérisée, je vais tenter d’y apporter un peu plus d’explications. A commencer derechef par les acteurs principaux, Anaïs Demoustier et Jérémie Elkaïm, trop vieux pour les rôles respectifs, l’espace temps au pays des contes de Donzelli double en âge la décennie entre l’enfance et l’âge adulte. Là où il aurait fallu des acteurs jeunes et inconnus, Demoustier semble tout droit sortie de l’Appollonide (c’est dire de sa fraîcheur !) quant à Elkaïm, le chef’op gratifie chacune de ses rides par des gros plans indélicats quand il ne transforme pas son visage, avec ses éclairages accentués, en celui de l’homme qui rit ! La distorsion temporelle qui veut que se mélangent toutes les époques en une seule (nous allons quand même du 16ème au 20 ème siècle dans les accessoires), peut se concevoir, les anachronismes volontaires sont nombreux au cinéma (Anderson, Demy, Coppola…), à condition que cela ait un sens, une connotation parabolique, ou simplement un esprit de dérision. Jamais dans le film on ne sent une telle volonté, le scénario se révèle quand même plus qu’insignifiant et fainéant. On se demande encore à quel degré la version originale de Jean Gruault a été modifiée, on peut lui attribuer le pitch sans doute (dans l’esprit fait divers de « L’enfant sauvage », ou une certaine noirceur malsaine du type « L’amour à mort ») mais on peut douter toutefois qu’il soit l’auteur de ces dialogues indigents ou autres digressions scénaristiques. Cependant il y tient un petit rôle, peut-être a-t-il cautionné… peu importe le mauvais résultat est là. La mise en scène n’est pas en reste, au point que certaines scènes n’ont aucun liant, les personnages sont à un endroit à un moment, pfuitt à la scène suivante ils sont de manière improbable ailleurs (la fuite de Marguerite). Donzelli ne nous fait grâce de rien, gros plans hideux, arrêts sur images digne d’un débutant, aucune recherche ni approche psychologique des personnages, (un coup oui, un coup non) pour un ensemble assez bordélique peu cohérent. On comprend bien la plongée dans l’univers du conte ou du merveilleux (il faudrait vraiment être neuneu), aucune référence ne nous est épargnée (on y trouve même les petits ramoneurs de Mary Poppins !), ni du bestiaire de caractères humains qui lui incombe. La féérie est ici occultée, c’est plutôt un compte de faits inoffensifs qui plombent l’écran. Si l’intention était de souligner la portée analytique du Conte de fées, autant le dire direct, mieux vaut se plonger dans l’essai de Bruno Bettelheim, car là c’est très fun, et brillant d’intelligence. Il n’y a presque rien à sauver dans ce nanar ankylosé, on en viendrait presque à s’excuser auprès de Catherine Mouchet, de Samy Frey d’être dans la salle pour voir cela. Seule, la musique de Yuksek vient de temps en temps nous réjouir, ses compositions clavesynthées répondent elles au décalage voulu. Mais c’est bien peu… Alors bien évidemment il y a le mot magique pour cautionner une pareille ineptie, POP ! C’est un film pop (cela justifierait en soi toutes les fantaisies) ! Si à cela il faut y lire populiste, c'est-à-dire un film qui traite l’inceste sans le traiter vraiment (mais le buzz a bien fonctionné), ou qui veut choquer les bonnes consciences en générant des images choc (la fuite sur l’âne c’est d’un crétin !), ou encore qui n’a rien exprimer mais s’enrobe d’un univers tendance et bling bling… Alors oui « Marguerite et Julien » est un film pop !

Publié le 8 décembre 2015
J’avais eu l’occasion de voir (comme tout le monde je pense) quelques séquences télévisuelles, dont certaines étaient drôles. Sur un format long, cela devient très vite horripilant et fastidieux. De caméras pseudo cachées à des intermèdes monologués sans imagination, pour arriver à des actions impudentes, le personnage de « Connasse » révèle toute sa fatuité. Elle tient plus de la tête à claques. On se dit après tout que ce « phénomène » est éphémère, qu’immanquablement il y aura une suite qui marchera moins bien, et le spectateur avide de nouveaux buzz passera très vite à autre chose. On se souvient d’exemples assez similaires émanant de l’univers télévisuel au succès retentissant (Jackass, Michaël Youn…) aucun n’a perduré. Le seul véritable intérêt du personnage est son ancrage dans notre contemporanéité et donc son impact sur le public. Dans les années 50, Jacques Chazot créait le personnage de « Marie-Chantal » (jeune fille bourgeoise très snob, elle aussi déconnectée de la réalité sociétale). Si l’on juxtapose ces deux entités symboles d’une époque, on se rend compte d’une chose, c’est qu’en 60 ans, l’indigence intellectuelle a creusé son sillon. Le personnage caricatural comme prisme du rire bien gras, est maltraité, dans le sens où il fait pitié et au final on a plus envie de pleurer…

Publié le 8 décembre 2015
Pour qui ne se fierait qu’à la seule consécration de « Dheepan » pourrait penser que la sélection du Festival de Cannes 2015 devait être bien pauvre… Mais en fait, la délibération a du se passer un peu comme cette scène finale de « Indiana Jones et la dernière croisade » où Indi et son père devait trouver le fameux Graal parmi un ensemble de coupes toutes aussi disparates les unes que les autres. Quel film retenir pour la Sainte Palme d’Or ? Mais nous ne sommes pas au cinéma. Il devait manquer dans ce jury un Professeur Jones à la perspicacité avérée, et les frères Coen se sont laissés berner à ne choisir, pour attribuer la récompense suprême, que le rutilant démagogique, le film kleenex (on prend, on pleure, on jette), bref le film bien dans l’air du temps qui ne laissera trace ni dans le cœur des cinéphiles, ni dans la filmo d’Audiard. Il y avait un film qui répondait à toutes les attentes (public, presse, professionnels, compte-tenu du concert de louanges actuel), qu’elles soient sélectives ou plus consensuelles. Un film qui est, et je pèse mes mots, un aboutissement cinématographique complet, et se place derechef parmi les grandes œuvres inoubliables. Un film, qui transcende, le seul cadre du divertissement ou de la réflexion d’auteur. Un film qui bouleverse autant qu’il vous porte intellectuellement et intimement. Un film. « MIA MADRE » ! En transposant son propre vécu du deuil maternel, sur une femme, réalisatrice, Moretti s’impose une distance de fait, et élimine toutes les scories entre pathos et larmes qui auraient pu dénaturer son projet, ne gardant que l’essentiel, et par là même, une visée universelle (déjà perçue d’ailleurs dans « La chambre du fils »). Bien sur, on y retrouve beaucoup de sa douleur, de brefs plans fugaces et très particuliers, évoquent sans doute sa propre histoire (les lunettes sur une table de nuit d’hôpital, les coudières, un sourire de circonstance, le tournage « pollué »…), mais Moretti la transcende, il ne souhaite pas partager sa peine, au contraire, il tient à partager la souffrance de ceux qui, comme lui, ont subi pareil drame. Pour autant, et c’est là que « Mia Madre » est extraordinaire, l’émotion qui vous étreint, ne repose aucunement sur la tristesse, bien au contraire ! Le film est une ode à la vie, et à ce courage qui tenaille corps et esprit en pareil circonstance, que ce soit la personne qui s’éteint mais lutte jusqu’au bout comme pour les proches dont la vie, entrecoupée des épisodes hôpital, inquiétude, abattement…, se doit de continuer. Margherita en sait quelque chose. Comment se consacrer au tournage de son film, gérer sa vie sentimentale, s’occuper de sa fille et les diverses contrariétés qui ont tendance à s’accumuler en pareil moment, alors qu’elle est à tous instants près de sa mère physiquement ou en esprit ? Le scénario est édifiant, Moretti de son expérience et avec l’intelligence de son écriture dresse un véritable un paradigme sur le sujet. Sa mise en scène est tout à l’avenant, privilégiant les plans rapprochés rendus très complexes par l’intimité du montage, il alterne les instants de « recueillements » avec les scènes plus hystériques, qui ne sont en fait que le l’expression de l’état d’esprit du moment de Margherita. Ainsi, l’acteur Huggins (Turturro excellent), dans son besoin d’être constamment rassuré, ne peut être que très mauvais, ne se sentant pas désiré. Ou encore, le frère (Moretti scotchant !), accablé et si « présent », ne devra compter que sur lui pour surmonter l’épreuve. Margherita, seule semble souffrir du deuil qui se prépare, c’est ce ressenti égoïste et tellement humain qui parcourt le film. La clé de voute de « Mia Madre » est bel et bien ce personnage de Margherita, reflet de Moretti mais pas que, elle est de tous les plans, déchirée, battante, vindicative, irradiante, désarmante. Cette femme, dont on sent le parcours affranchi de tout obstacle, traverse une épreuve, dont on ne se remet jamais tout à fait, qui fait que l’édifice pourtant solide se révèle tout en failles. La reconstruction n’en sera que plus belle, plus juste. Elle devra faire table rase du passé, et penser à demain ! C’est un des plus beaux personnages de cinéma qui se démène sous nos yeux, dans la grande tradition du cinéma italien et Margherita Buy lui donne toute son amplitude, toute sa sensibilité. Elle est sans aucun doute, l’une des meilleures actrices du monde, trop rare pourtant. L’année passée, elle m’avait ému aux larmes avec « Je voyage seule », là elle se pose en digne héritière des Loren, Magnani, Cardinale… Epoustouflante et magnifique ! « Mia Madre » dépasse le seul cadre du cinéma, le film est une empreinte de vie, une manière de faire son deuil définitivement, pour Moretti mais aussi pour celles et ceux, dans le public, qui ont traversé ce moment cruel. Cette foi en l’existence qui jaillit à chaque image, qui culmine en ce final merveilleux, est salvatrice et généreuse, Le film de Moretti est un chef d’œuvre d’humanité, et disons-le, un chef d’œuvre tout court !

Publié le 8 décembre 2015
Souvent dans les cauchemars, la vision générale est comme déformée, entachée d’un halo, et donne l’impression d’être plongé dans cette univers horrifique sans y être tout à fait pour autant. C’est ce procédé que choisit Pablo Larrain pour attiser le malaise, et démultiplier le traumatisme provoqué par « El club », véritable diatribe mystico-intellectuelle au service d’une parabole virulente contre un pays qui n’en finit pas de panser les meurtrissures d’un passé terrible. Au suicide du nouvel arrivant, la paisible maison d’accueil de prêtres mis aux rebuts, va être bouleversée par l’arrivée du père Garcia, venu enquêter sur cette mort suspecte. Si le prisme retenu est celui de la religion, très prégnante au Chili, les comportements décrits dépassent ce seul cadre et visent plus haut. Pablo Larrain, choisit les ressorts de la tragédie antique pour illustrer son propos. Il se compose d’un chœur et de son chef (les quatre prêtres résidents et une sœur) véritables stigmates de la société sous la dictature de Pinochet (atteintes aux droits de l’homme, corruption, clergé dépravé et ce que l’on ose imaginer encore). La sœur qui les encadre semble représenter la clémence, en opposition avec le père Garcia, figure de la nouvelle église et bras armé de la justice. C’est le messager, en la personne de Sandokan (victime d’actes pédophiles par des prêtres) qui viendra bouleverser en sens contraire les faits, semer le trouble, réveiller les vieux démons, renversant un à un le statut de chacun. Il y a bien longtemps qu’un film aussi engagé n’avait pas atteint ce niveau de perfection, sur la durée (courte et parfaitement calibrée), sur le soin esthétique qui y est apporté (éclairages crépusculaires, décors fantomatiques et désœuvrés), les mouvements de caméra (cadre épuré, gros plans nauséeux…), l’interprétation éblouissante… Cette boîte de « pandeur » (la pandémie de l’horreur) n’a de cesse d’éclabousser la mémoire et de faire ressurgir un passé que tous semblent vouloir dénier, par culpabilité ou omission hypocrite. « El club » est sans doute le film le plus perturbant et déchirant qu’il m’ait été donné de voir. Cette constante opposition entre froide quiétude (des lieux, comportement ambigu de la sœur ou des prêtes coupables, les regrets de Sandokan d’avoir été abandonné…) et violence du propos et des actes (absence de remords, cruauté, ignominie) dévaste tout sur son passage. Toute cela est bien réel, proche et se passe sous nos yeux, « El club » nous livre l’inhumain dans ce qu’il a de plus abject. Pablo Larrain, ne se pose pas en donneur de leçon, il cherche juste à maintenir une certaine vigilance. Dans une démocratie, qui cherche à se stabiliser depuis une décennie, la résurgence des travers d’hier, et par là même l’ombre de Pinochet, est un risque réel. Comme un soleil au coucher, le Chili pourrait bien être replongé dans l’obscurité, voire l’obscurantisme le plus complet.

Publié le 8 décembre 2015
« Les suffragettes » se place dans la catégorie des films honnêtes. Une mise en scène classique mais plutôt bien menée, une parfaite reconstitution de l’époque et des mentalités, un respect de la chronologie des évènements bien incorporé au récit et une interprétation hors pair et classieuse de Carrey Mulligan, Héléna Bonham Carter, Brendan Gleeson, Anne Maie duff, Ben Whishaw et bien sur Meryl Streep, dans le rôle (très court mais probant) d’Emmeline Pankhurst chef de file charismatique des « suffragettes » . Pourtant malgré cette bonne volonté et cette implication générale, le film ne réussit vraiment jamais à surprendre. Cela tient principalement au choix même du scénario qui se focalise principalement sur le personnage de Maud Watts, pas vraiment militante au début, mais qui à trop subir les affres de la situation (incompréhension, exclusion, sévices) finira par devenir l’une des activistes du mouvement. Il en va des films comme du roman social, oscillant entre deux courants, celui où le message se compose sur le mélodrame et l’apitoiement dans le style « La porteuse de pain » et celui plus naturaliste, reposant sur des faits et une étude de caractère très affinés, avec comme exemple « Gervaise ». Sarah Gavron opte pour le premier, et vient dénaturer son objectif, celui de nous plonger au cœur même du combat, avec ses tenants et aboutissants. Il aurait été plus judicieux de s’attarder sur la figure emblématique de Emily Davison, ou mieux encore d’Emmeline Pankhurst, cela aurait donné plus de force au film, et rendre ce combat, qui a quand même bouleversé les consciences en Europe et dans le monde, moins anecdotique.

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