Fritzlangueur

Fritzlangueur
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Film préféré de l'utilisateur Fritzlangueur

Publié le 21 janvier 2016
Une veste, une voiture, une porte, les participants au nouvel an, des lacets… dans les plans de « Au-delà des montagnes » le rouge est omniprésent. Cette couleur, très symbolique en Chine s’associe au feu bien plus qu’au sang (comme en occident notamment). La vie se compare alors à la flamme incandescente qui se consume intensément et de manière constante (le dicton 红红火火 littéralement « rouge, rouge, feu, feu » s’en est fait l’adage). Si le rouge est partout, jamais il n’irradiera sur la vie de Tao, malgré les trois époques que l’on va traverser avec elle… 1999, à fleur de jeunesse, Tao est heureuse et épanouie. Deux jeunes hommes sont éperdus d’elle, l’un discret mais très présent, l’autre impétueux et passionné. C’est le triangle amoureux classique, à l’image de la construction du film, qui sera suivie par deux autres périodes 2014 et 2025. Chaque segment connaîtra une rupture qui fera prendre aux personnages une direction opposée, pour autant, chaque segment est indissociable de l’autre, et tous se rejoignent. Tao, n’est pas Catherine, Zang et Lianzi pas plus Jules et Jim, pas d’effet de style ici, juste le cœur de la vie dans une Chine qui oscille entre passé, présent et avenir. C’est cette base narrative que choisit que Zhang-Ke Jia pour nous livrer un mélodrame, à prendre dans le sens noble du terme, provoquant abattement et compassion, touchant une corde sensible restée bien muette depuis longtemps, celle de la justesse dans la description des sentiments. Tout dans ce film porte à l’état de grâce, les acteurs (sensationnelle Zhao Tao !), la perspicacité du scénario, la somptuosité dans la description des sentiments. Cette admirable histoire qui se déroule sous nos yeux, est l’effet d’un choix, un seul, celui de l’homme avec qui Tao choisira de vivre. Différent, il aurait immanquablement remis en question la vie de tous les protagonistes. Et ce choix dont on sait dès le départ qu’il ne sera pas le bon JIA ZHANG- KE l’assume, non pas en tombant dans une sensiblerie à faire couler des larmes à tout prix, mais en filmant l’implacable parcours de Tao, non pas dans ce qu’il aurait de tragique, plutôt dans ce qu’il a d’universel. « Au delà des montagnes », se veut une fable philosophique, à portée sociale dont la morale insuffle d’écouter son cœur. A tout moment, Tao est à l’orée du bonheur et de ses flammes, sa vie peut prendre un autre tournant, mais la fatalité est plus forte, on ne revient jamais sur la passé. Et cette incursion futuriste le souligne bien, les erreurs d’hier se projettent et se reproduisent aussi dans l’avenir. JIA ZHANG- KE a choisi une mise en scène des plus sobres. L’apparente simplicité de ses plans, la lumière toujours un brin nostalgique, la résignation de ses personnages tout ici vient souligner l’indispensable humilité de la condition humaine face à la vie, et le courage qu’il faut parfois pour l’assumer lorsque le bonheur a fui. Quitte à se remémorer, le temps d’une danse combien on a été heureux et afficher son plus beau des sourires.

Publié le 21 janvier 2016
Il y a huit bonnes raisons d’adorer ou de détester le nouveau Tarantino. Pour son huitième film cela pourrait être un clin d’œil. A commencer par le positif. 1° Rien à dire, au niveau visuel, c’est formidable, que ce soit avec la profondeur du champ, l’intelligente alternance de plans étonnants, la photo, le choix du désert de neige… tout est fait pour impressionner et c’est réussi. 2° La musique de Morricone, si elle n’est pas exceptionnelle, nous ramène aux bonnes vieilles heures des westerns spaghetti, pour un hommage, c’est plutôt plaisant, 3° On prend un plaisir coupable à rire (et ça arrive très souvent) de cette ubuesque situation, 4° les acteurs qui en font des tonnes, sont vraiment bons dans leur rôle parodique. Dans « Les huit salopards », on trouve donc des scènes d’anthologie (une pendaison, la rencontre entre « le Marquis », « le bourreau » et Daisy Domergue…), un sens à l’excès prompt à servir le spectacle, un hommage appuyé plutôt réussi. Mais il y a aussi le négatif. 1° Tarantino cultive le second degré, notamment sur le racisme, met il y met une telle passion que cela pourrait donner l’impression, pour un esprit primaire que c’est une espèce de défouloir (même reproche que je faisais déjà à « Django Unchained »). Il semble ne pas connaître de limite. 2° Ce qui est une habitude chez lui, c’est le verbiage, ou l’art, par la logorrhée digressive d’ennuyer le spectateur (la troisième partie est dans ce sens pénible), voire de l’endormir. 3° Il y a un vrai problème de rythme dans le récit, où l’on oscille entre des super concentrés d’actions (souvent gores, mais fun) et de longues scènes (parfois redondantes) et un peu vaines. 4° Au final, il apparaît quelques invraisemblances scénaristiques, mais bon cela est de coutume dans les westerns. Au final, dans le sens propre du terme j’ai passé un bon moment de cinoche, au figuré pointe quand même une déception, Tarantino tout doué qu’il soit, ne réussit pas cette fois encore à livrer un film complètement abouti.

Publié le 21 janvier 2016
L’alchimie d’un film est toujours assez complexe à définir. On peut y voir d’évidents défauts, déceler par moment l’intention d’un réalisateur à vouloir se démarquer, s’interroger sur le pourquoi de la chose pour finalement se laisser charmer, puis séduire, au point de sortir de la salle avec une impression d’avoir vécu un beau et étrange moment, de ressentir même une certaine frustration de devoir quitter ces personnages trop tôt, tentant déjà de leur inventer des instants d’après. Cette sensation de joie intérieure était identique avec le premier film de Benchetrit « Janis et John ». Par son approche fantasque d’une réalité que l’on souhaite occulter, « Asphalte » est un film très binaire, bien imaginé et extrêmement délicat. S’inspirant de ses « Chroniques de l’Asphalte », Benchetrit croise trois récits, autour d’un quartier défavorisé et plus précisément dans un immeuble vétuste, de type H.LM des années 60, le genre de construction dont tous les Maires de France souhaiteraient voir la disparition, encore faudrait-il qu’ils s’en donnent pleinement les moyens. Ici, on oublie « Bench » le héros autobiographique du roman, mais l’ambiance est toute aussi douce et amère, cependant plus irrationnelle et poétique. C’est d’ailleurs ce qui fait tout l’attrait du film. Là on l’on pouvait s’attendre à une énième vision sociale d’une zone sensible et de ses habitants, Benchetrit choisit de se focaliser sur la solitude urbaine, et d’offrir à ses personnages de brefs instants de trêve et de rêve, et dont la vie ne sera plus tout à fait la même ensuite. Il en va ainsi de Charly (Jules Benchetrit possède un vrai charisme) l’adolescent livré à lui-même, fasciné par la nouvelle voisine, actrice has been (Isabelle Huppert touchante de retenue). De Sternkowitz (Kervern kervernise…) qui dans son malheur rencontrera une infirmière un peu larguée (impeccable Valérie Bruni Tedeschi) ou encore de Madame Hamida (Tassadit Mandi ô combien touchante) qui hébergera un astronaute tombé du ciel (Michael Pitt très en forme !). C’est donc l’isolement qui se trouve au cœur du récit, chaque protagoniste semble contraint dans son existence, en attente d’un meilleur à court ou long terme, le cœur ouvert à toute forme d’amour même éphémère. Alors tout devient possible, crédible, au point d’accepter de voir tomber du ciel un cosmonaute par exemple. Benchetrit joue sur de ces nombreux contrastes qu’il accentue visuellement, notamment l’immeuble sous forme de prison avec ses gardiens, ses portes qui claquent à la vie, son aspect froid et métallique. Si cette poésie de l’image ne tient qu’à un fil mince, elle est pourtant suffisamment aboutie et convainc. Benchetrit ne s’embarque pas d’effets compliqués, un beau format noir et blanc aurait d’ailleurs renforcé cette atmosphère si particulière comme pour « J’ai toujours rêvé d’être un gangster » (dont l’approche narrative est assez similaire). Sa mise en scène est très ascétique, tout comme le décor de ce morceau de ville fantomatique. L’intérêt est ailleurs, il repose sur les personnages attachants, de ceux que l’on ne voit pas ou plus, tous assez symptomatiques d’une époque morose. Voilà une bien jolie fable sociale, originale et douce, un peu de miel dans un paysage cinématographique français trop souvent maussade

Publié le 21 janvier 2016
En regardant « Carol », cela m’a donné l’impression de feuilleter négligemment un numéro de Vogue des années 50 et son apparente illusion d’un bonheur en papier glacé, délivrant de pages en pages un univers raffiné, classieux, lisse et totalement figé. En matière de reconstitution de ces années molles, Todd Haynes excelle tant sur la forme que sur le fond. On ne peut qu’être formidablement surpris par le magnifique ouvrage de Sandy Powell (« Entretien avec un vampire », « Gangs of New York »…) sur les costumes, matières, formes, accessoires, bijoux, le travail de recherche y est soutenu et rejaillit à l’écran. Le même soin est apporté aux décors, à la photo (dont on peut s’agacer toutefois du léger piqué intentionnellement très old style mais tout de même), au choix musical. L’ambiance y est donc parfaitement recomposée et n’a rien à envier aux films de l’époque. Cette plastique soignée séduit immanquablement et se doit de servir le film, c’est pour le moins ce que je me disais au début. En fait, très vite elle apparaît presque comme le seul attrait du film. En adaptant le roman de Patricia Highsmith, dont la trame est assez vide de sens, Todd Haynes se devait d’être percutant, là il n’est que fuyant (comme il l’avait fait déjà pour « I’m not there »). Certes ses cadrages sont le plus souvent honorables, le fait de filmer indirectement ses scènes (derrière une vitre, dialogue dont l’un des interlocuteurs est hors champs…), ses contre plongées sur la ville, l’enchainement de plans pudiques (tellement lourde de sens la scène de la main sur l’épaule…) séduisent. On pense à Slim Aarons, Fred Herzog, entre autre, références toutes symboliques de ces années là. Mais par ce biais là aussi, il vitrifie son histoire. Car certes, l’homosexualité, féminine, était proscrite et tabou, on le comprend bien puisque le message n’a de cesse d’être martelé ici, mais était-ce vraiment le prisme qu’il fallait choisir pour faire un film qui se tienne ? Il aurait fallu y sentir plus de fièvre, de passion, et surtout de conviction. Car jamais, on ne ressent l’impérieuse nécessité de ces deux femmes à vivre leur idylle, ni véritablement la force de cet amour qui les pousse à braver l’interdit. Elles semblent poser histoire de, avant de reprendre leurs routes… Et s’il n’y avait pas ce regard de Carol à la toute fin, on n’y croirait pas du tout ! Le casting pose souci également, entre Cate Blanchett au tempérament à la Katharine Hepburn qui se le joue (fort bien tout de même) femme bafouée à la Lana Turner, Rooney Mara qui n’en peut plus de rentrer dans le tailleur pour drame de Audrey Hepburn, le référentiel pèse lourdement. Kyle Chandler est peu inspiré, quant aux autres personnages ils sont minorisés, ce qui est dommage quant on imagine le rôle clé qu’aurait pu être Abby. Toutefois, le film, tout calibré et sage qu’il soit, se laisse plaisamment voir, ni plus ni moins.

Publié le 16 décembre 2015
Il y a 50 ans, Claude Lelouch tournait les dernières scènes d’un film d’exception, parfait à tous niveaux, qui allait lancer sa carrière, et accéder à un succès international, « Un homme et une femme ». Bien de ses films sont venus à la suite, quelques uns excellents, d’autres inégaux, voire pour certains carrément exaspérants… Mais Lelouch, pour qui le présent semble impatient, reste égal à lui-même et à son œuvre, non pas que l’homme se sente investi d’un quelconque plan de carrière (il est bien au dessus des vagues), simplement il s’attache depuis toutes ces années à réaliser les films qu’il aime voir, un peu comme s’il était dans sa bulle, toujours partant parfois juste un peu parti et moi je le suis ! Avec « Un+une », c’était pour lui un challenge, un peu un autre film, une autre chance. L’itinéraire de Lelouch, véritable enfant gâté du 7ème art, avait pris, depuis quelques années, des chemins de traverse, et là, c’est la bonne année ! Ce n’est pas comme on peut lire ici ou là, une espèce de remake version 21ème siècle de « Un homme et une femme », non simplement, il signe une autre romance, une belle histoire, d’amour, qui tient peut-être du roman de gare comme le penseront certains, qui parle de la vie, l’amour, la mort… chacun son cinéma. Il nous offre une nouvelle aubade qui émeut, comme en son temps celle de Françoise et Henri dans « Un homme qui me plaît », de Françoise et Simon dans « La belle année », de Catherine et Robert de « Vivre pour vivre », de Catherine et Patrick dans « Si c’était à refaire » … Lelouch est un grand sentimental… et s’il conjugue l’amour avec des si, force est de reconnaître, d’un film à l’autre, qu’il sait y faire ! Qui mieux que lui focalise sur le remord amoureux (regret de ne s’être pas lancé ou l’inverse…) ? Qui mieux que lui choisit des endroits improbables pour faire évoluer ses couples ? Qui mieux que lui réussit à nous toucher avec tant de superficialité ? Lelouch sublime les poncifs et les lieux communs, les rendant délectables et attachants. Antoine, compositeur de musique de film doit se rendre en Inde pour un tournage. C’est un adorable branleur, il cabriole, admire et condamne à tout va. Lors d’un dîner officiel, il rencontre Anna, femme de l’ambassadeur (non non ce n’est pas un pub Ferrero). Elle est minérale, végétale, animale. Une complicité foudroyante s’immisce entre eux. Ils ont pourtant leur passé pour guide et se doivent d’être lucides… Tant pis si cela va trop vite. C’est l’amour qui semble les inviter… Et par orgueil, ou par passion, un voyage en train remettra tout en question. Avec Lelouch, le cœur se prolonge et il absorbe bien des mensonges. On ne peut plus simple comme scénario, et pourtant la magie opère ! Bien évidemment cela tient à Jean Dujardin incroyable de maturité, le visage expressif d’un Belmondo, une fermeté à la Ventura, et le même jeu de nuances qu’un Yanne… Il risque fort de surprendre dans les années à venir, débarrassé de ses atours de bogoss un poil prétentieux. Elsa Zylberstein quant à elle donne à son rôle une approche protéiforme, un peu comme si elle concentrait en elle les grandes héroïnes des précédents Lelouch, Aiméé, Fabian, Girardot, Deneuve, Marie Sophie L… Le choix était judicieux (ce qui me faisait craindre le pire au départ que je ne les aime ni l’une ni l’autre), ces deux acteurs se sont trouvés ! Alors bien sur, deux ou trois scènes sont ratées, trop longues (celles improvisées) ou simplette (déjeuner final), d’autres sont magnifiques et surprenantes (le Gange en gouttes d’or, les retrouvailles avec le père incarné par un grand seigneur des troisièmes rôles Venantino Venantini, la scène d’amour cadrée comme celle de « Un homme et une femme », la séquence de train, l’épilogue…). Mais le film se tient, et se tient bien, le plaisir à le découvrir, tout comme la tristesse de l’abandonner sont autant de signes que c’est un bon Lelouch, comme à la grande époque. Et s’il devait manquer quelque chose, ce serait sans doute une chanson, qui marque le film, la musique toujours aussi sensuelle de Lai y est, manque le verbe de Pierre Barouh dont j’ai abusivement pillé les mots pour illustrer ma critique… Oui c’est cela, il aurait fallu une ritournelle, celle quand on l’écoute, qui me ferait revoir avec bonheur toutes les images du film qui m’a emballé ! A 78 ans, le temps ne s’habille toujours pas de mystère pour Lelouch, on espère qu’il continuera longtemps encore à nous séduire dans un sourire… car après tout, qui filmera les mots d’amour qui font si bien du mal quand il ira décrocher toutes les étoiles ?

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