Doryan

Doryan
  • Membre depuis le 09/05/2006
  • Nombre de critiques : 55
Publié le 12 mai 2015
Un regard pertinent et presque naturaliste sur la société iranienne d'aujourd'hui, écartelée entre le poids de traditions socio-religieuses parfois archaïques, et le désir d'émancipation. Les séquences illustrent en effet davantage ce que les Iraniens vivent (subissent) au quotidien, plutôt que ce que l'Occident "aime entendre" (on n'apprend au demeurant rien qu'on ne sache déjà pour qui connaît un tant soi peu la réalité de la société civile iranienne). La censure menaçant le film est aussi une confirmation involontaire de la pertinence de son sujet. On en ressort mi-amusé, mi-affligé par les conditions de vie d'Iraniens attachants dans leur singularité et leur humanité. Ce n'est certes pas un film à aller voir pour se distraire, même s'il est cocasse par moments; c'est davantage un documentaire sociétal, illustrant des vies aux aspirations et aux émotions finalement proches des nôtres parce que simplement universelles dans leur humanité. A voir.

Publié le 5 mai 2015
Un film décevant, malgré qu’il sera crédité du mérite certain de proposer une lecture non-manichéenne de la guerre en Afghanistan. Mais s’il est louable de questionner, même de manière un peu bavarde, l’inéluctable engrenage de haine que cultivent les incessantes attaques de drones US, encore faut-il éviter de le faire d’une manière répétitive et monocorde qui ne réussit pas à maintenir longtemps l’attention en éveil. Or c’est hélas bien trop le cas. Le scénario force par ailleurs le trait des différents personnages afin d’asseoir son thème, leur conférant à chacun des profils un peu surtypés, que ce soit celui du patriote insensible et belliqueux, du chef moraliste mais soucieux de sa hiérarchie, du soldat humaniste hésitant, ou bien de l’indécis de service. Si bien qu’au final, on a un peu l’impression d’une volonté scénaristique de faire simplement se confronter entre elles les diverses opinions sur la guerre, au moyen de scènes de débats et d’échanges d’arguments déjà maintes fois entendus, mais sans finalement proposer de point de vue novateur. Et c’est peut-être dans ce manque d’ambition que réside le point faible du film. A ne rien illustrer qui n’ait déjà été montré, et à ne pas offrir d’accroche émotionnelle suffisante, il ne parvient jamais à intéresser son auditoire. Servant de support narratif à la réflexion sur le conflit afghan, le récit s’articule autour du drame psychologique et conjugal vécu par le personnage principal, que la privation de missions de vol en avion au profit d’attaques de drones télécommandées à distance, déprime progressivement et éloigne de sa famille. Mais là aussi, hélas, l’ensemble ne départit pas de l’impression d’assister sans fin aux mêmes séquences conjugales juste agrémentées de répliques différentes. Le tout peu servi, il est vrai également, par un Ethan Hawke qui se fend d’un jeu monotone, se contentant de conserver le même trait figé et tourmenté dans pratiquement toutes les scènes. Une déception donc, le sujet offrant sans doute matière à faire mieux et surtout plus instructif.

Publié le 8 mars 2015
“Riot club” ou l’antithèse du “Cercle des poètes disparus”... Les jeunes poètes en herbe des années 50 ont cédé la place à des fils à papa contemporains gorgés de suffisance, qui ont réinterprété le « carpe diem » des premiers en un leitmotiv de débauche hédoniste sevrée d’alcool et de sexe… Héritiers séculaires d’un club très fermé de l’université d’Oxford, une dizaine de jeunes gosses de riches, qui croient que l’argent rachète tout, permet tout et surtout déresponsabilise de tout, ont pour tradition de jouir de tous les plaisirs de la vie que leur jeune âge est à même d’y percevoir, à savoir débauche, beuverie et libertinage. La fine fleur de l’esprit. Et pas besoin de se préoccuper des dégâts collatéraux causés par leur sens de la fête, papa sera bien là pour allonger les billets et noyer dans l’œuf les éventuelles protestations conséquentes. Mais lorsque l’une de leurs beuveries dans un pub de province dégénère et vire à la mise à sac, le jeu tourne vite au drame. Le film dépeint avec une dose assumée d’immoralité l’état d’esprit de ces personnages de fils à papa, solidaires dans la débauche mais renvoyés à leur individualisme latent dès que la fête prend fin. Avec eux, c’est aussi une certaine dénonciation de ces sociétés estudiantines qui est brossée au vitriol, superficielles et utilitaristes, fières de leur élitisme et de l’impression "d’en être" qu’ils offrent à des gamins avides d’appartenance. Le trait est toutefois assurément forcé ici, au point de dépeindre les travers de l’obsession hédoniste d’une certaine jeunesse libidineuse et irresponsable - et au travers d’elle d’une certaine société - malade de ses pertes de repères et de sa permissivité dénuée de garde-fous. Un film noir, immoral, forcé, qui en fait peut-être un peu trop pour servir un propos clairement pessimiste et interpellant.

Publié le 8 mars 2015
Une bien belle surprise que ce film. Difficile en effet en le visionnant de ne pas avoir à l’esprit l’« Into de Wild » de Sean Penn d’il y a quelques années. Le rapprochement se limite toutefois à la thématique abordée, celle d’un voyage en solitaire dans une nature sauvage et parfois hostile. Les motivations qui sous-tendent la démarche du personnage central sont, eux, nettement différenciés ; là où le héros de Sean Penn quittait volontairement et définitivement les convenances d’une société urbaine à laquelle il préférait l’authenticité rude de la nature, Cheryl Strayed aborde ici au contraire son périple comme un exil éphémère, sorte d’exutoire salutaire pour se guérir des décombres d’une vie tourmentée. Une mère emportée précocement par un cancer, un frère souvent absent, une vie sentimentale en forme d’échec ponctuée par de nombreuses infidélités et une série de petits boulots sans fil conducteur, l’ont conduite à ressentir le besoin d’accomplir une purge de son passé. Une purge qui épouse pour elle la forme d’une marche cathartique, un grand trail de 1000 miles dans la nature qu’elle accomplit en solitaire, où, seule face à ses douleurs passées, elle ne peut puiser qu’en elle-même la force de se les pardonner en même temps que de résister à l’envie de quitter cette marche exténuante. Entre flash-backs revenant la hanter comme des coups de dagues effilées, et recherche hésitante d’une nouvelle identité d’autant plus chancelante qu’elle doit nécessairement se bâtir sur les ruines du passé, son voyage se poursuit dans une incertitude permanente, celle d’une quête d’elle-même où tout se questionne, se gagne ou s’égare, dans un seul désir de s’extirper du brouillard de sa vie. Reese Witherspoon campe avec ce qu’il faut d’émotion et de fragilité ce personnage engagé dans un road-trip introspectif, peu épargnée par la rudesse de la nature qu’elle affronte et qui ne manque pas de laisser ses traces sur elle, autant au corps qu’à l’esprit. Une bande-son ponctuée des premières notes entêtantes d’El Condor Pasa ponctue le rythme lent d’un film qui suit son héroïne dans ce qui ressemble à un voyage (ré-) initiatique au milieu de paysages désolés où l’âme se heurte et se forge. Un beau film, remarquablement interprété, qui ne souffre pas de la comparaison avec « Into the wild » et parvient à inspirer une émotion à l’image de la nature qu’elle illustre ; rude, sauvage et authentique. A voir sans hésiter.

Publié le 3 mars 2015
Un film de guerre de facture sobre et efficace, dirigé de main de Républicain par un Eastwood patriote, appliqué à rendre hommage à la « Légende », surnom donné à Chris Kyle, un sniper américain à l’efficacité redoutable, devenu une icône vivante dans les rangs des GI pendant la guerre en Irak. Le film alterne, sans trop lisser ses transitions, les séquences de guerre et les moments de retrouvailles en famille, marquées par un conflit intérieur croissant du personnage central, tiraillé entre résonance du devoir militaire et responsabilités familiales. Si les scènes intimes relèvent en définitive d’un classicisme assez convenu, celles illustrant le conflit sur le sol irakien sont en revanche très illustratrices de la dureté crue d’une guerre enlisée, où la peur est dans chaque maison, le doute dans chaque visage, et la tension de tous les instants. En accompagnant le quotidien de ces soldats engagés dans un conflit hanté de peur et de poussière face à un ennemi flouté, Eastwood livre presque un documentaire sur la manière méthodique dont la guerre détruit psychologiquement ceux qu’elle engage. Il est juste dommage qu’il oublie en même temps de rendre compte de la réalité polymorphe du conflit irakien, en optant d’emblée pour une vision patriotique de son sujet, là il aurait sans doute été plus avisé de produire un reflet un peu plus nuancé d'une guerre qui ne se résume pas à la seule image des héroïques soldats GI opposés aux barbares al-quaidistes. Mais on ne changera plus Eastwood. Un bon moment de cinéma néanmoins, malgré l’abord un peu trop unilatéral et lissé de son sujet.

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