J'ai vu ce film (déjà ancien) à la télé. Le titre ne donne que peu d'indication sur le film et son histoire, si je peux dire. Les scènes, qui ne sont pas toujours de la plus grande crédibilité, sont parfois un peu bâclées à moins que ce ne soit une volonté délibérée du réalisateur de rester au niveau des suggestions et des concepts (exemple le plus flagrant : la scène du début, avec la panne de voiture). Le thème (inceste) est quant à lui grave. Les traces indélébiles qu'ont laissées dans ses souvenirs les abus qu'aurait subis cet enfant devenu femme resurgissent de manière lancinante sous forme de perturbations et troubles divers, qui montrent combien les blessures peuvent être profondes et la guérison complexe et incertaine. Intéressant.

Évidemment, il ne faut pas aller ce voir pour y chercher du crédible. Le scénario procède de la plus haute fantaisie (sinon loufoquerie) mais ça ne gêne pas des lors qu'on y va juste pour se distraire. Les personnages sont sympas. On est résolument en Amérique (profonde). Pour passer une soirée de détente, si vous n'avez rien d'autre a faire et voulez être certain de ne pas vous prendre la tête

Du beau et du grand Poelvoorde. Magnifique interprétation de ce rôle qui est vraiment fait pour lui : sensibilité et retenue à fleur de peau dans un emballage a cinq balles grâce auquel il peut nous bousculer avec une pointe de cynisme et de grossièreté comme a l'accoutumée. Le jeu de la jolie et fraîche Ariane Labed est un peu moins convaincant mais, à sa décharge, son rôle est sans doute moins évident; personnage tout aussi marginal (à sa façon) qu'Antoine (Poelvoorde) elle repoussera délicatement l'amour éperdu qu'il nourrit pour elle, elle ne sera sa bouée de sauvetage. Le scénario est original et bien monté. Un grand bravo à Poelvoorde pour être dans ce film plus vrai que nature.

Hallucinant ... et je pèse mes mots :-) A la manière des grands compositeurs de musique qui vous entraînent dans leur trip musical sans se soucier un seul instant de ce que les instruments suivent bien -comme si ceux-ci n'étaient que le prolongement de leur esprit, Folman vous pétrit comme de la plasticine sans même que vous vous en rendiez compte, il vous fait passer du réel au virtuel, il vous retourne côté pile, puis côté face ... C'est incontestablement du très grand art ! Sur le fond, il y a beaucoup à dire, aussi : même s'il faut sans doute voir l'oeuvre plus d'une fois pour en saisir toute la portée, on sent bien que ce film touche un peu, quelque part, à ce qu'il sera possible de trouver dans le monde de demain. Folman serait-il un peu visionnaire en quelque sorte ? La musique est super et la scène du "scan" nous fait passer un grand moment plein de sensibilité. Ce film rappelle aussi, dans sa richesse, Mr Nobody. Vraiment décoiffant. Si vous êtes capable d'un peu de fantaisie, ce film n'est à rater sous aucun prétexte.

Ce n'est pas un film que j'oublierai facilement. C'est un film dur, qui fait réfléchir encore et encore sur la question palestinienne. On en arrive à se demander si la politique est sera vraiment en mesure de régler un jour cette question douloureuse. Mais quelle autre voie ? L'intrigue est super bien menée : ce film se déroule selon un mode non conventionnel mais il ne vous lâche pas (et lasse pas) une seule seconde. Humain et intelligent.