Doryan

Doryan
  • Membre depuis le 09/05/2006
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Publié le 6 novembre 2012
Un bond très inégal…. Je m’aligne assez bien sur l’opinion ci-dessous qui déplorait le contraste entre un début très prometteur, lancé par une séquence d’ouverture de très haute tenue (probablement l’une des toutes meilleures de la saga), et une suite assez contrastée, lestée surtout par une scène finale totalement épurée de crédibilité psychologique et de vraisemblance (ok, on est dans un Bond, mais quand même), et qu’on aurait mieux imaginé dans un « Die Hard » ou dans un nanar d’action des années 80 que dans un Bond. Sam Mendes a repris les commandes de ce nouvel opus après un « Quantum of Solace » partiellement décrié par certains puristes, qui y regrettaient un style assez peu « Bondien » et l’absence totale de certains éléments de référence de la saga : MoneyPenney, la visite au QG, Q, les gadgets,... . Sans doute est-ce mûs par le désir de répondre à ces attentes que les scénaristes de ce 23ème épisode ont réintégré chacune de ces « Bonderies » dans l’histoire, et ont altéré le style. On sent notamment le souci de délivrer l’image d’un 007 moins monolithique et secret, en prenant le parti d’exposer une vulnérabilité et un humour qui l’éloignent quelque peu de cette image de tueur au sang-froid établie par les précédents films. La narration elle aussi tranche par rapport à celle de Quantum ; rythme moins effréné, photographie moins « secouée », scénario plus posé et disposant de plus de temps pour s’élaborer, et psychologie des personnages plus affinée. Ce qui ne met cependant pas le scénario à l’abri de quelques faiblesses. On n’entend plus parler du disque dur dérobé contentant des données si vitales après une heure de projection, on ne saisit pas trop comment le méchant arrive à tuer des gardes armés à mains nues en s’évadant du MI6, et, surtout, grand bémol du film qui en gâte drastiquement le plaisir, on a droit à une séquence de conclusion parmi les pires de la saga. Non pas en termes d’action mais au niveau de la vraisemblance psychologique qui la sous-tend. Personne n’aura vraiment compris le choix d’aller se réfugier sans armes dans une vieille bâtisse de campagne à peine munie de quelques vieux fusils de chasses – hormis peut-être le désir du scénariste de dévoiler une part de l’enfance de Bond – pour y tenir tête à une horde de terroristes… ni le fait de ne pas trouver opportun de demander des renforts au MI6 une fois ceux-ci sur place… Une série d’illogismes qui gâtent vraiment le plaisir et qui posent au passage question sur la révision du scénario… Le tout compose alors une séquence à peine digne d’un Van Damme à sa grande époque, celle du courageux solitaire face à une horde de méchants armés jusqu’aux dents et venus le dégommer, scénario-ficelle prétexte à une effusion d’action… Sentiment que vient renforcer encore la « sagacité » des deux fugitifs qui, en pleine lande, et pour fuir leurs ennemis, ne trouvent rien de plus logique à faire que de s’éclairer à la lampe de poche, les rendant visibles à des lieues à la ronde… Dès que l’histoire pénètre le vieux manoir pour aborder sa conclusion, on a cette curieuse impression de ne plus assister à un Bond mais à un piètre film de série B tout droit sorti des eighties, au scénario écrit par un obscur amateur. Une déception de taille que cette conclusion au rabais pour ce qu’on prétendait être un fleuron dans la saga Bond. Espérons que le prochain épisode rectifie le tir à cet égard et cesse de prendre le spectateur pour un idiot que le souci d’une crédibilité minimale – même dans un Bond – n’importe pas plus que les tâches de cambouis sur les costumes de 007…

Publié le 12 octobre 2012
Un film étonnant dont la morale disons "discutable" (difficile d'en dire plus sous peine de dévoiler l'intrigue) constitue sans doute la principale raison de l'interdiction aux moins de 16 ans. Curieux toutefois que l'on ait labellisé plus haut ce film sous le genre "Horreur" alors qu'il ne contient pas la moindre scène du genre. Il se conforme en revanche assez bien au genre du thriller, avec les codes établis duquel il se plait cependant à jouer audacieusement, en conférant au "twist" central du récit (eh oui, il y en a un, rien que la B-A le laissait sous-entendre) une durée étonnante et une valeur pour le moins désorientante pour le spectateur accoutumé aux standards établis du genre. Jouant habilement avec la suspicion du spectateur qui passe de personnages en personnages par la magie d'un scénario habile, il garde la révélation finale (et finalement centrale du récit) pour la toute fin du film, permettant la liaison entre tous les fils épars jusque là. Difficile de parler ici de la valeur morale attachée au récit sous peine de trahir l'intrigue. Disons simplement qu'elle diffuse un certain trouble tout en suscitant une réflexion inévitable sur les "finalités" recherchées. Je gage cependant que ce film en mettra plus d'un mal à l'aise. A voir assurément, et l'interdiction aux moins de 16 ans se justifie pleinement.

Publié le 5 août 2012
Au sortir du film, je ne peux me retenir d’adhérer aux quelques opinions ci-dessous qui disent en substance accorder leur faveur au second opus plutôt qu’à ce troisième et ultime ( ?) volet de la saga Batman signée Nolan. Non pas que celui-ci soit intrinsèquement mauvais ou mal réalisé; Nolan demeure un orfèvre quand il s’agit de garantir un spectacle qui est tout sauf marmoréen, ou de faire preuve d’intelligence dans ses effets de mise en scène. Mais peut-être parce que le second chapitre avait placé la barre tellement haut au niveau qualitatif, que la tâche de faire mieux s’annonçait à priori dédaléenne. Et à l’arrivée, j’ai bien eu cette impression mitigée d’avoir assisté, certes, à un bon moment de cinéma et à un spectacle vibrant, mais qui, juxtaposé au second volet, n’en égale sans doute ni la qualité en matière de dissection psychologique des personnages, ni la noirceur intrinsèque du récit, ni - ce qui est plus grave peut-être - l’inspiration scénaristique. Commençons par les personnages : si l’entourage habituel de Bruce Wayne demeure fidèle à l’image qu’on s’était faite de lui au cours des précédents épisodes, à l’exception d’un Alfred plus émouvant cette fois-ci, les autres sont par contre d’une contenance plus disparate et d’un maniérisme parfois agaçant: Anne Hattaway campe une CatWoman très gymnaste mais trop peu fouillée, Marion Cotillard incarne une Miranda Tate (regrettablement) effleurée, tandis que le méchant de service, Bane, étale dans chacune de ses apparitions un ton monocorde et une unicité de consistance, qui font regretter la complexité maléfique du Joker et sa perpétuelle ambivalence. Là où celui-ci incarnait une nature du mal complexe et plurielle qui défiait la morale établie de Batman et suscitait, à la manière d’un atavisme, la résurgence de la part d’ombre de ceux qui luttaient contre lui, Bane n’offre guère de prise à la pluralité dans son abord. Fruit apparent des amours entre Hulk et Darth Vador, il se contente d’être une montagne de muscles monocorde, violente, impressionnante certes, mais au final peu élaborée parce que trop homogène dans une violence physique qui suffit à en définir la substance. La seule exception à ce manque d’épaisseur des personnages adjacents concerne celui de Blake, campé par JG Levitt, flic intègre et humaniste, dont l’épaisseur qui lui est donnée ainsi que sa rapide ascension scénaristique, sont sans doute liées au souhait tacite mais patent de laisser une porte entrouverte à un prochain épisode. Au final, peut-être est-ce ce manque relatif d’obscurité et de sophistication des nouveaux acteurs de l’intrigue, en particulier dans le chef des ennemis de Batman, qui concourt à engendrer le second sentiment sur l’ouvrage de Nolan : celui d’un manque de noirceur pourtant nécessaire car congruente à l’univers de Batman, et qui avait adéquatement concouru à la réussite des deux premiers épisodes. Mais c’est principalement le dernier élément – la qualité du scénario – qui m’aura le plus laissé sur ma faim. La multiplication des histoires dans l’histoire, marque de fabrique de Nolan quand il ne s’adonne pas à sa prédilection première, la narration décalée, est sans doute poussée ici un peu trop loin, au point de conférer parfois un sentiment de vacuité à des mini-récits qui n’ont ni le temps ni les moyens de s’élaborer davantage. On a déjà aussi connu Nolan plus inspiré dans la conception de l’intrigue principale; je n’ai pu contenir un sentiment de déjà-vu, couplé à un regret d’un manque singulier d’originalité de la part de l’auteur d’Inception, devant le scénario éculé et bien trop classique d’une résurgence de la Ligue des Ombres et de la menace d’une bombe nucléaire qui risque d’emporter Gotham. On aurait sans doute aimé voir les Nolan Brothers se triturer un peu plus les méninges pour nous produire un scénario un tantinet plus novateur et plus digne de conclure une trilogie telle que celle-là. J’ai regretté aussi les quelques invraisemblances qui jalonnent le script, à l’instar de la réapparition de Crane, sorti d’on ne sait où et promu juge de fortune, ou de ces policiers ressortant dispos, imberbes et sans la moindre séquelle d’un tunnel où ils sont censés être restés prisonniers 3 mois durant. S’attardant trop dans des scènes d’importance secondaire, et se perdant parfois dans des méandres narratives superflues, Nolan n’insuffle pas assez de corps à ce qui constitue pourtant le point d’orgue du film : la destruction morale de Gotham, isolée du monde et « rendue à ses habitants » ainsi que le clame Bane du haut des marches d’une bourse symbolisant le matérialisme déchu d’une société consumériste en perdition. A ce stade du récit, l’évolution psychologique et morale des citoyens est malencontreusement pétrie de raccourcis et de caricatures, qui ôtent une large part de vraisemblance à l’allégorie recherchée ; celle, pourtant cristalline et pertinente, de la déliquescence d’une société occidentale hédoniste, en manque de repères idéologiques et dévorée par ses démons: argent, pouvoir, manipulations, cupidité. Au final, ce déséquilibre entre l’accessoire et le secondaire scénaristiques, l’évanescence de certains personnages ainsi que le manque d’inventivité du script, m’ont laissé le regret partiel de voir une trilogie de cette ampleur se conclure de la sorte avec un relatif bémol. Je le recommande néanmoins.

Publié le 9 juin 2012
« A perdre la raison » suscitera sans probablement un clivage de réactions, scindées entre un public belge encore traumatisé par l’actualité dramatique récente à laquelle se réfère ce film sans le mentionner explicitement, et un public étranger non-initié qui devrait le percevoir plutôt comme une œuvre intimiste et/ou fictionnelle. Appartenant à la première catégorie, j’ai toutefois tenu à avoir un abord du film aussi neutre que possible, afin précisément de ne pas ne voir en filigrane de chaque scène que la réplique distillée du quotidien de vie des personnages qui l’ont inspiré. Tâche quasi-impossible cependant ; le film a beau se targuer de n’être qu’« inspiré » du fait divers infanticide que nous connaissons, les parallélismes circonstanciels et le noyau-même du récit en sont manifestement assez proches que pour pouvoir parler de biopic non avoué. On aura beau changer les prénoms, les lieux ou le nombre d’enfants (de 5 à 4), l’évolution psychologique des personnages et les circonstances qui ont pu mener au drame, sont évoquées dans un cadre narratif procédant avec un mimétisme qui n’autorise pas vraiment de doute quant à au désir manifeste de calquer aux circonstances réelles du drame. Le débat sur la pertinence de composer une œuvre de fiction aussi clairement inspirée d’évènements tragiques reste dès lors posée, en dépit du détachement artistique dont se revendique son metteur en scène. Mais autre débat. Pour ce qui concerne les choix artistiques du film, un mot s’impose d’abord quant à ceux de la mise en scène. Lafosse opte pour un mode « documentariste » patent qui privilégie les plans resserrés et filmés caméra à l’épaule. Mode opératoire qui semble du reste recueillir l’aval d’une frange croissante de réalisateurs français contemporains - parmi lesquels Jacques Audiard - soucieux de privilégier un réalisme détaché dans la dramaturgie de leur oeuvre. Ce n’est toutefois pas sans agacer. Le film lasse parfois par un abus systématiques de plans incluant délibérément un bout de porte ou de chambranle sur un côté de l’image par l’effet d’un cadrage se voulant à la fois distant et intimiste, mais qui, à force de réitération, finit par gaver le spectateur d’un effet qui eut pu s’exprimer sans doute avec davantage de variété ou moins d’insistance. Mais cet élément avalisé ou non, on n’en rentre pas moins pleinement dans un récit à l’intensité progressive qui se resserre peu à peu autour de la souffrance du personnage central, relatée avec une élision qui laisse le champ libre à l’empathie du spectateur. Le récit effleure, dans sa narration, les instants les plus dramatiques (en particulier l’infanticide) avec une discrétion de circonstance et une réserve qui ne souffrira bien entendu d’aucun débat. Le film repose largement sur une prestation sans reproches de la part de ses 3 principaux comédiens, avec une mention particulière à Dequenne et Arestrup. Là où le second incarne un docteur égocentrique sous des apparences d’empathie, et totalement inapte – ou non désireux – de percevoir la détresse grandissante d’une jeune femme plongée dans une réalité qu’il a lui-même façonnée, la première réussit pleinement à portraiturer cette jeune adulte amoureuse mais nantie d’un caractère sans doute trop peu affirmé, et qui se fait alors lentement asphyxier par un quotidien de vie à 3 qu’elle n’a pas choisi et qui la prive d’une nécessaire liberté et d’intimité conjugale. La prise sur soi d’une souffrance non exprimée, d’un refus d’écoute de la part des autres et d’un isolement psychologique grandissant où nul ne peut la rejoindre, sont incarnés avec justesse et brio par une Emilie Dequenne talentueuse, et méritant les éloges de ceux qui savent aussi qu’un jeu d’acteur s’exprime autant dans le facial et le non-dit que dans le verbiage. Au final, le film ne condamne personne ; il illustre la cohabitation de trois êtres persuadés chacun d’agir pour le bien mais engrangeant des mécanismes destructeurs chez l’autre avec l’issue fatale que l’on sait. C’est un film d’exposition d’une réalité humaine, faite de faiblesse, de dissemblances et de souffrance.

Publié le 3 mars 2012
La bande-annonce, qui laissait entrevoir une comédie franchouillarde à l’humour grassouillet, est au final trompeuse. Le film déroule une alternance de sketches courts et longs, et la quasi-totalité des séquences de la bande d’annonce proviennent des séquences courtes – les seules à véritablement mériter l’appellation de « sketches » - histoire, sans doute, de mieux appâter un certain public. Une relative surprise, donc, de découvrir un film au final plus dramatique qu’il n’y parait de prime abord, en particulier dans deux de ses séquences (qui sont aussi les meilleures), mettant en scène des maris trompeurs en proie aux conséquences intimes et conjugales de leur infidélité. Le point culminant du film réside sans doute dans le passage réunissant Alexandra Lamy et Jean Dujardin, reprenant devant caméra leur statut de couple à la ville, où l’on se laisse surprendre par l’intensité dramatique de la tension entre eux deux, en les découvrant unis dans une gravité à des lieues des chouchou et loulou d’« Un gars, une fille », et nous rappelant aussi de biais que c’est peut-être finalement dans ce genre de rôle tendu, tourmenté et dramatique, que Dujardin excelle sans doute le plus. Le film pêche certes – cela a été dit et redit – par l’inégalité de ses sketches, mais peut-être aussi par l’hétérogénéité de ton, lequel louvoie entre la franchouillardise un peu grinçante et le drame, ce qui a pour effet de balader quelque peu le spectateur d’une ambiance à l’autre sans jamais réellement s’ancrer sur aucune, induisant partiellement un certain manque d’accroche sur l’ensemble par cette quelque peu perturbante variété discursive, même si sans doute assumée et voulue par ailleurs.

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