Doryan

Doryan
  • Membre depuis le 09/05/2006
  • Nombre de critiques : 55
Publié le 12 mai 2014
Un regard incisif et sans vernis jeté sur certains aspects d’une Amérique profonde et de citoyens « ordinaires ». Un ordinaire tissé de cupidité, d’égoïsme ou de violence dans le chef de quelques paumés, hagards ou immatures, précipités par l’alcoolisme, la paresse ou la brutalité sur la voie de la marginalisation. Le film brosse un portrait naturaliste d’êtres en perdition, repoussants en même temps que terriblement humains, en dépit de tout. Il conte la tentative de certains d’eux de s’extraire de ce qu’une mauvaise fortune de naissance a tracé comme chemin de vie probable, à l’instar de cet ado victime d’un père immature et alcoolique et qui cherche du travail pour s’extraire de sa misère comme d’un mauvais sort. Un chemin qui passera par la rencontre de Joe, patron d’une petite troupe de coupeurs d’arbres. Celui-ci le prendra en affection, reconnaissant sans doute une partie de lui-même dans la situation de ce gamin mal-né et ses efforts pour s’en démarquer. Un film sans concessions dans l’image volontairement négative qu’il donne d’individus à la marge dans une certaine Amérique pas si rare qu’il serait réconfortant de le penser. Un rôle classique de désabusé clairvoyant pour Cage qui s’en sort avec les honneurs.

Publié le 5 octobre 2013
Le film met en scène la saison 1976 de F1, articulée autour du duel Hunt-Lauda, et marquée par le grave accident survenu au second au FP d’Allemagne. Le déroulement de cette saison ne pouvait qu’inspirer tôt ou tard les scénaristes d’Hollywood, friands d’aller puiser dans le passé matière à inspirer des scénarii auxquels la réalité s’est chargée de conférer un poids émotionnel particulier dans la mémoire collective. Pas facile cependant de restituer la passion de la F1 sur grand écran… Là où la boxe a par exemple été un vivier fréquent d’inspiration pour le 7ème art, le monde de la course automobile n’a en revanche que rarement fait l’objet d’adaptations sur pellicule. A la vue de Rush, on comprend en partie pourquoi. S’il est aisé de restituer la passion d’un combat du noble art, qui à l’avantage de se dérouler en une manche unique, et permet facilement l’adhésion du spectateur à l’excitation suscitée par un combat, il est bien plus ardu en revanche d’engendrer le même engouement en reproduisant une compétition de F1, où pas grand-chose de visuellement prenant ne se passe en-dehors des dépassements, et qui est découpée de surcroît en grand prix étalés sur toute une saison. C’est un peu le point faible de Rush, inévitablement inhérent au sujet qu’il aborde. Ron Howard tente bien de rendre une copie chargée de passion, mais ce ne sont hélas jamais les plans-caméras rapides ni les flashes de manœuvres habiles de pilotage, assortis de musique tonitruante, qui suffisent à exalter le spectateur. On se laisse certes prendre par le scénario de ce duel homérique entre deux jeunes coqs aussi talentueux dans leur art de la conduite que différents dans leur nature, surtout pour ceux ignorant le déroulement de la saison. Mais sans jamais vraiment se laisser gagner par une contagion, faute d’accroche suffisante. A la décharge de Howard, le sujet ne facilitait pas la mission. A défaut alors d’enthousiasme né du strict visuel, on a droit aux commentaires surexcités de journalistes commentant les courses en direct, de préférence en en faisant des tonnes histoire de bien montrer que la saison 76 était sur-excitante. Cela ne fonctionne hélas qu’en partie. Howard a le mérite cependant de ne pas baser tout son film sur des images de compétition, et de remonter assez loin dans l’histoire des deux pilotes pour explorer leur psychologie et leurs motivations de manière satisfaisante. C’est sans doute là ou Rush réussit le mieux son pari ; à dépeindre l’humanité finalement pas si éloignée de deux pilotes rivaux assoiffés de succès et en proie au désir brûlant d’être le meilleur, parfois au (mé)prix de leur vie . Du côté de l’interprétation, Brühl s’en sort mieux en un Lauda consciencieux et ascète que son acolyte monotone dans la peau d’un Hunt volage et play-boy. Mais ce n’est bien évidemment pas dans le jeu d’acteurs qu’il faut aller chercher des raisons d’aller voir Rush.

Publié le 17 août 2013
Il y a des films littéralement portés par leurs interprètes principaux, où le jeu d’acteur parvient à insuffler une dimension que l’ouvrage n’aurait sans doute jamais atteint sans celui-ci, et c’est assurément le cas de ce « Blue Jasmine », servi par une magistrale - et sans doute oscarisable - interprétation de Kate Blanchet. Après deux derniers films plutôt « carte postale » sur Paris et Rome, Woody Allen signe son retour avec une comédie de mœurs au ton résolument dramatique, narrant l’histoire d’une ex-femme de la haute société, Jasmine, qui se retrouve sans le sou après l’arrestation pour malversations financières de son mari entrepreneur, et la main basse de l’état sur les biens du ménage. Commence alors un dur mais inévitable retour à une réalité longtemps ignorée, celle d’une vie « normale », où gagner sa croûte devient le fruit d’un travail à prester. Jasmine retrouve, plus par nécessité que par envie, une sœur issue d’un milieu social bien plus modeste, et doit composer avec les devoirs d’une vie ordinaire à laquelle elle ne parvient jamais réellement à s’identifier. « Blue Jasmine » est un récit dramatique sur le basculement forcé d’un milieu social vers un autre, et la lente descente aux enfers d’une femme qui a tout perdu mais tente néanmoins de se retrouver une dignité et un niveau de vie égaré. Kate Blanchet parvient à susciter une réelle empathie pour ce personnage attachant par ses difficultés à se mouler dans une vie qui n’est pas la sienne tout en tentant également d’y échapper. Woody Allen signe là une excellente comédie dramatique où la détresse du personnage central émeut autant qu’elle interpelle, roseau déraciné en perdition dans une société ultra-matérialiste qui est finalement la cible première dénoncée avec talent par le metteur en scène.

Publié le 17 août 2013
Quand le cinéma « blockbuster » se contente de rassemble les ingrédients redondants et éculés qui ont déjà servi pour la production de dizaines de films du même genre, et oublie d’insuffler une âme et une originalité à un scénario famélique, cela donne à peu près le genre de daube qu’est ce pitoyable Elyseum. District 9 se démarquait par une approche innovante. Elyséum, en revanche, n’ambitionne jamais d’égaler son prédécesseur. Il se contente d’appliquer sans inspiration les recettes habituelles des bons gros films d’action pop-corn de l’été, pour nous offrir un spectacle certes bien spectaculaire par instants, mais intensément gâté par des relents lassants de déjà-vu et par une simplicité manichéenne qu’on a rarement vu dans des films du genre. Est-ce l’allégorie à la problématique des réfugiés et des sans-papiers qui a convaincu les scénaristes d’appliquer un simplisme aussi primaire dans l’élaboration du scénario, histoire de faire passer un message épuré de toute nuance ? On peine à le croire. Car tout est caricatural, dans Elyséum, à commencer par le héros « malgré lui » habituel, campé par Matt Damon, ancien voleur repenti qui tente de sauver sa peau irradiée en cherchant à se faire soigner sur le paradis des nantis qu’est la station Elyseum. Paradis gardé de main de fer par une Jodie Foster à peu près aussi cordiale qu’un rottweiler et qui incarne un personnage affublé de toute la cruauté et la froideur qui siéent au méchant de service. Sans oublier la courageuse mère célibataire, amie d’enfance du héros, qui tente bravement de secourir sa petite fille atteinte de leucémie, ni le directeur ultra-capitaliste d’une usine de fabrication de droïdes insensible au sort de ses ouvriers, ni enfin l’agent de liaison de Jodie Foster, exécuteur de basses besognes sur Terre, véritable concentré des clichés ultra-caricaturaux qu’on attribue aux méchants quand le scénariste n’a pas trop envie de s’épuiser à faire dans la nuance, la dentelle ou l’originalité. Bref, Elyseum est un film minimaliste par essence, simpliste dans sa forme et son rendu, et qui n’ambitionne jamais d’être autre chose qu’un gros blockbuster manichéen à outrance. A voir en débranchant le mode critique du cerveau lors de l’entrée en salle. Ou à fuir préférablement pour ceux qui aiment un minimum de qualité dans le genre blockbusters.

Publié le 7 juillet 2013
A la manière de "Crash" il y a quelques années qui abordait la thématique du racisme, "Disconnect" déroule le quotidien de quelques familles vaguement reliées les unes aux autres, dont le principal trait d'union est d'être chacune victime à un degré divers des conséquences d'un usage imprudent d'Internet. Rubin ne fait guère de mystère de son propos; il s'agit pour lui de dénoncer les abus potentiels de la toile auprès d'un public pas forcément au fait des dangers potentiels que lui fait courir une confiance trop hâtivement consentie ou un partage d'informations intimes. Le scénario se réfère aux cas d'abus les plus fréquents; un jeune ado socialement isolé se fait piéger par deux camarades de classes qui lui font miroiter l'affection d'une admiratrice imaginaire sur les réseaux sociaux; une jeune femme fragilisée par la perte d'un enfant et en recherche d'un soutien qu'elle ne trouve plus auprès de son mari, se fait dérober ses informations bancaires et vider le compte commun; un jeune strip-teaser est approché par une journaliste avant de voir sa confiance abusée par l'intervention de la police fédérale. Si le scénario ne se hasarde guère à l'originalité, on ne pourra à tout le moins pas lui reprocher de s'éloigner de la réalité, en reprenant à son compte les cas le plus souvent médiatisés (identité volée, faussée, ou la sexualisation croissante de l'usage d'internet). Un film qui a le mérite d'un propos limpide et fortement humanisé, contrastant avec la dématérialisation et la froideur du sujet qu'elle évoque. Un film qui sonne une mise en garde et un appel à la prudence, utile relais de formations de plus en plus courantes sur les dangers potentiels d'internet auprès des jeunes, et qui a le mérite d'une vision intimiste des conséquences dramatiques des abus auprès des victimes, en ne les cantonnant pas au rang de simples faits divers relayés par une presse éphémère.

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