Un film, une musique, un livre, vous « poursuit » et vous questionne parfois bien davantage lorsque vous n’avez pas su, d’emblée, entrer dans le jeu, dans sa réalité entière…Ce fut le cas pour moi, hier soir, avec ce LUST CAUTION d’Ang lee …Tant j’y ai trouvé, au premier abord, une discordance entre le fond et la forme…Extrêmement sensible aux côtés plastiques d’une œuvre cinématographique, j’ai été quelque peu perturbée par cette « image » qui me dérangeait dans sa facture, ses tons gris-bleutés, ses scènes répétitives à Hong kong dans des « décors » en extérieur pas très réussis…D’autant plus que le cinéma asiatique nous a habitué à bien d’autres choses et notamment « tigre et dragon » du même réalisateur…La bande musicale ne m’a pas fascinée outre mesure non plus…Par contre, quelle richesse du propos, du fond…Rarement une œuvre cinématographique atteint ce degré d’analyse des sentiments et quels sentiments…Rarement un film aborde avec autant d’élégance, de force, une « trajectoire intime »aussi peu ordinaire…Les dialogues sont d’une intensité extraordinaire(récit de Wong face à leur instigateur révolutionnaire), les mots choisis avec justesse dans leur brutalité, leur passion, leur authenticité et rigueur. L’ émotion et la tension qui s’en dégagent, tout à fait hors du commun…Complexité des sentiments amoureux, sublimée dans des scènes érotiques peu coutumières sur nos écrans…Tang Wei incarne de façon remarquable son personnage. Son jeu, tout en sobriété apparente, mais déployé dans une palette de sentiments particulièrement étonnante…Au bout du compte, un film dans lequel je ne suis pas tout à fait entrée lors de sa vision, mais duquel je n’arrive pas à sortir, tant la charge émotionnelle est criante de justesse…

Complexe, subtil et ambigu, le dernier film en date d'Ang Lee mérite bien le Lion d'Or, et les autres récompenses qu'il a reçues. C'est un grand mélodrame, mais - attention! - certainement pas romantique ni flamboyant. Au contraire, ce récit nuancé d'une vengeance au risque de sa propre vie ne sacrifie rien de la complexité des tours et détours de l'âme humaine. Même si la forme n'en est pas toujours parfaite (les scènes d'extérieur qui transpirent un peu trop le studio), et que le réalisateur n'est pas à proprement parler un virtuose-né, la peinture de cette vengeance - presqu'inconsciente - d'une femme, dont l'amour absolu pour un étudiant idéaliste va être instrumentalisé par celui-là même qui en est l'objet, et qui lui fera percevoir qu'on ne peut pas être d'une duplicité parfaite sans y laisser un peu de soi, démontre la force de la direction d'acteurs qui parvient, notamment au travers d'extraordinaires représentations de coïts, à traduire la tension et les intentions divergentes des personnages, tous manipulateurs. Un grand film cruel et désespéré.

Plus sombre et plus ambigu que the secret of Bokeback Mountain. Le jeu de l'Art contre le jeu de la politique ? Malgré sa longueur et des décors qui sonnent "faux", le film reste un régal jusqu'à sa fin glaciale.

Mitigé voire déçu surtout par le scénario.

Au début, on se laisse envoûter par une reconstitution exceptionnelle de la Chine (citadine de luxe) des années 1930. Rien que pour cet élément, le film vaut le détour. Hélas, l'intrigue ne prend jamais d'amplitude. Les personnages, en dépit de fort bons acteurs, ont peu de relief. La Chine elle-même, paradoxalement, en a peu aussi. Faute de contenu substantiel, l'intérêt finit par s'émousser. Même l'envoûtement sexuel tombe un peu à plat (on a envie d'aller revoir "Fatale" de Louis Malle, bien meilleur sur le même thème). La recherche forcenée d'esthétisme finit ainsi par détruire beaucoup de potentialités. Et, soit dit en passant, elle nous vaut de plus une Chine le plus souvent virtuelle, beaucoup plus propre et riche que la Chine réelle de Tchang et Mao. Il suffit de revoir les photos de l'époque. Dommage.