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"Je ne suis pas un acteur de composition" : Entretien avec Jean-Pierre Bacri
Publié le 5 septembre 2012 dans Actu ciné
L'acteur français livre beaucoup de lui-même dans
"Cherchez Hortense".
Râleur, bougon, revendicatif. Ces mots reviennent constamment
en tête à la seule évocation du nom de Jean-Pierre Bacri.
L’homme au regard de cocker et aux répliques
assassines incarne à lui seul, dans l’imaginaire
collectif, le Français moyen de mauvaise humeur. Autant dire
qu’on s’apprête à se rendre
à l’interview un peu comme on monte sur un ring de
boxe. Sans s’attendre à rencontrer un acteur aussi
souriant, disponible et sympa.
Dans Cherchez Hortense, vous incarnez encore une fois un homme pas trop courageux, qui tire la tête…
“Je ne suis pas un acteur de composition. Je cherche des choses proches de moi, que je peux jouer. Je ne suis pas un grand aventurier. J’amène le rôle vers moi.”
Les petites lâchetés de tous les jours vous touchent-elles ?
“C’est le cœur même du film. Même s’il y a plein d’autres thématiques abordées. Ce qui m’a touché, c’est que ces petites lâchetés sont généralement bien intentionnées à la base. Comme dans la vraie vie. Les conséquences n’ont souvent pas été imaginées. C’est vraiment ça qui m’a plu dans le scénario. Avec les dialogues. C’est un des plus beaux rôles de ma vie.”
C’est un rôle qui amène à réfléchir énormément sur soi, non ?
“C’est toujours bon de le faire, de toute façon. Moi, je suis un humain comme les autres, avec mes courages et mes petites lâchetés. Je le sais bien. D’ailleurs, c’est en moi que je trouve les ressources et les contradictions qui permettent de jouer ce rôle. La solitude, la difficulté de communiquer, l’image écrasante du père, la promesse qu’il ne parvient pas à tenir et sa femme qui le trompe, ce sont des choses qui m’ont beaucoup touché.”
On évoque rarement le conflit entre un adulte et son papa…
“Le fait de devoir aider cette sans-papiers l’oblige à devenir un autre homme. Et se débarrasser de son complexe vis-à-vis de son père.”
Son courage, pourtant, n’est pas payant.
“C’est pour soi qu’on le fait. Pour être libre. On a toujours envie que le monde soit parfait, mais ce n’est pas le cas. Les résultats suivent rarement, même quand on fait d’énormes efforts sur soi-même. Mais ce n’est pas important. Je connais une histoire drôle qui l’illustre bien : un type n’arrive pas à dormir; sa femme se demande pourquoi il tourne en rond dans le lit et il explique qu’il doit 10.000 euros à son voisin et qu’il ne pourra jamais le rembourser. Sa femme ouvre la fenêtre et dit au voisin : Mon mari vous doit 10.000 euros mais il ne peut pas vous les rendre. Elle referme la fenêtre et dit à son mari : Maintenant, tu peux dormir tranquille, c’est lui qui ne dormira plus ! Souvent, se débarrasser d’un problème, c’est déjà énorme. En parler, même si cela ne le règle pas, fait du bien. La vérité humaine de ce film est formidable.”
Vous avez besoin de ressentir ça pour tourner ? Car vous le faites peu.
“Un film par an, environ. Parce que j’ai besoin d’être touché. Depuis que je suis à l’abri de la nécessité, pourquoi s’emmerder à tourner à tout prix ? Je cherche mon plaisir, mon bonheur, alors pourquoi tourner un film à moitié bien ? On est très malheureux sur un tournage quand le scénario n’est pas terrible, vous savez. Quand tout paraît con, on ne peut pas être bon. Même l’acteur que vous aimez le plus, regardez-le dans une merde : il joue moins bien. Parce qu’il ne peut pas s’appuyer sur quelque chose. Pourquoi abandonner le plaisir pour être à tout prix sur l’affiche ? J’ai passé l’âge.”
Fou des mots, Jean-Pierre Bacri ne croit qu’en une chose : la qualité de l’écriture. “Ça ne s’arrange jamais au tournage, comme le disent certains réalisateurs. Si le scénario n’est pas bon, il ne se passera rien. Et les impros sont rarement bonnes. On va donc se retrouver avec le même scénario, donc un mauvais film ! Alors que si le scénario est bon, il faut vraiment être un fumiste pour casser son propre jouet.”
Vous écrivez d’ailleurs, pour l’instant. Au bout du conte, avec Agnès Jaoui.
“On a tous des rêves d’enfant. On croit tous au Père Noël même s’il n’existe pas. Certains rêvent d’un coup de baguette magique, d’autres sont superstitieux; on s’amuse là-dessus. C’est une galerie de personnages archiréalistes avec, de temps en temps, des références aux contes de fées.”
Vous aimez écrire à quatre mains ?
“Avec Agnès, au resto, au café, on écoute les gens. J’adore ça. Et ça aide pour écrire. Un couple en train de parler, je pourrais tendre mon oreille et la coller sur sa table ! On vérifie l’authenticité de ce qu’on va écrire. Agnès, c’est une rencontre comme on en fait peu dans la vie. On a rarement l’occasion d’être aussi synchrone avec quelqu’un. Agnès, c’est la rencontre de ma vie.”
Patrick Laurent
Dans Cherchez Hortense, vous incarnez encore une fois un homme pas trop courageux, qui tire la tête…
“Je ne suis pas un acteur de composition. Je cherche des choses proches de moi, que je peux jouer. Je ne suis pas un grand aventurier. J’amène le rôle vers moi.”
Les petites lâchetés de tous les jours vous touchent-elles ?
“C’est le cœur même du film. Même s’il y a plein d’autres thématiques abordées. Ce qui m’a touché, c’est que ces petites lâchetés sont généralement bien intentionnées à la base. Comme dans la vraie vie. Les conséquences n’ont souvent pas été imaginées. C’est vraiment ça qui m’a plu dans le scénario. Avec les dialogues. C’est un des plus beaux rôles de ma vie.”
C’est un rôle qui amène à réfléchir énormément sur soi, non ?
“C’est toujours bon de le faire, de toute façon. Moi, je suis un humain comme les autres, avec mes courages et mes petites lâchetés. Je le sais bien. D’ailleurs, c’est en moi que je trouve les ressources et les contradictions qui permettent de jouer ce rôle. La solitude, la difficulté de communiquer, l’image écrasante du père, la promesse qu’il ne parvient pas à tenir et sa femme qui le trompe, ce sont des choses qui m’ont beaucoup touché.”
On évoque rarement le conflit entre un adulte et son papa…
“Le fait de devoir aider cette sans-papiers l’oblige à devenir un autre homme. Et se débarrasser de son complexe vis-à-vis de son père.”
Son courage, pourtant, n’est pas payant.
“C’est pour soi qu’on le fait. Pour être libre. On a toujours envie que le monde soit parfait, mais ce n’est pas le cas. Les résultats suivent rarement, même quand on fait d’énormes efforts sur soi-même. Mais ce n’est pas important. Je connais une histoire drôle qui l’illustre bien : un type n’arrive pas à dormir; sa femme se demande pourquoi il tourne en rond dans le lit et il explique qu’il doit 10.000 euros à son voisin et qu’il ne pourra jamais le rembourser. Sa femme ouvre la fenêtre et dit au voisin : Mon mari vous doit 10.000 euros mais il ne peut pas vous les rendre. Elle referme la fenêtre et dit à son mari : Maintenant, tu peux dormir tranquille, c’est lui qui ne dormira plus ! Souvent, se débarrasser d’un problème, c’est déjà énorme. En parler, même si cela ne le règle pas, fait du bien. La vérité humaine de ce film est formidable.”
Vous avez besoin de ressentir ça pour tourner ? Car vous le faites peu.
“Un film par an, environ. Parce que j’ai besoin d’être touché. Depuis que je suis à l’abri de la nécessité, pourquoi s’emmerder à tourner à tout prix ? Je cherche mon plaisir, mon bonheur, alors pourquoi tourner un film à moitié bien ? On est très malheureux sur un tournage quand le scénario n’est pas terrible, vous savez. Quand tout paraît con, on ne peut pas être bon. Même l’acteur que vous aimez le plus, regardez-le dans une merde : il joue moins bien. Parce qu’il ne peut pas s’appuyer sur quelque chose. Pourquoi abandonner le plaisir pour être à tout prix sur l’affiche ? J’ai passé l’âge.”
Fou des mots, Jean-Pierre Bacri ne croit qu’en une chose : la qualité de l’écriture. “Ça ne s’arrange jamais au tournage, comme le disent certains réalisateurs. Si le scénario n’est pas bon, il ne se passera rien. Et les impros sont rarement bonnes. On va donc se retrouver avec le même scénario, donc un mauvais film ! Alors que si le scénario est bon, il faut vraiment être un fumiste pour casser son propre jouet.”
Vous écrivez d’ailleurs, pour l’instant. Au bout du conte, avec Agnès Jaoui.
“On a tous des rêves d’enfant. On croit tous au Père Noël même s’il n’existe pas. Certains rêvent d’un coup de baguette magique, d’autres sont superstitieux; on s’amuse là-dessus. C’est une galerie de personnages archiréalistes avec, de temps en temps, des références aux contes de fées.”
Vous aimez écrire à quatre mains ?
“Avec Agnès, au resto, au café, on écoute les gens. J’adore ça. Et ça aide pour écrire. Un couple en train de parler, je pourrais tendre mon oreille et la coller sur sa table ! On vérifie l’authenticité de ce qu’on va écrire. Agnès, c’est une rencontre comme on en fait peu dans la vie. On a rarement l’occasion d’être aussi synchrone avec quelqu’un. Agnès, c’est la rencontre de ma vie.”
Patrick Laurent