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Julie Delpy : "Je voulais faire un hommage lumineux et rigolo à ma mère." - Entretien

Publié le 11 avril 2012 dans Actu ciné

Avec “2 Days in New York”, Julie Delpy affirme, après “Le Skylab”, son univers personnel, drôle et poétique, à la fois léger et outrancier.
Depuis des années, Julie Delpy mène sa carrière d’actrice à cheval entre la France et les Etats-Unis, où elle vit depuis des années à Los Angeles. Cette double culture, elle a choisi d’en faire le thème de son second film en tant que réalisatrice en 2007, "2 Days in Paris". Quelques mois après le très personnel "Skylab", la revoici avec "2 Days in New York", où elle retrouve ses personnages loufoques, de l’autre côté de l’Atlantique cette fois...

En interview, on découvre une jeune femme proche de Marion, son double fictionnel, cherchant son téléphone, appelant sa nounou pour s’assurer que son père (qui l’est aussi à l’écran) "ne tombe pas" sur son fils... "Il y a quelques petites marches dans la chambre Mon père est très malhabile physiquement", s’excuse-t-elle. Entre réalité et fiction, les frontières sont décidément floues chez Julie Delpy


A vous voir, angoissée, agitée, on a l’impression de voir Marion…
Je ne suis pas exactement comme elle. Je suis une mère beaucoup plus consciencieuse, heureusement. Là, elle le laisse traîner en lapin dans la fête, tout seul. Moi, mon fils, il est tout le temps collé à moi. J’y tiens plus qu’à la prunelle de mes yeux.

Quelle part de vous y a-t-il néanmoins dans ce personnage ?
Ces chocs culturels, je les vois constamment. J’ai beaucoup d’amis français à Los Angeles. On rit beaucoup de ces choses-là, quand nos parents viennent nous voir. Ce n’est pas quelque chose que j’ai forcément vécu personnellement mais dont j’ai été témoin. Le film n’est pas du tout autobiographique. Je ne suis pas dans un couple moderne, réorganisé. Je suis mariée, toujours avec la même personne depuis 10 ans J’ai un schéma de vie très simple, même si je bosse beaucoup. C’est vraiment de la fiction.

En remplaçant Adam Goldberg par Chris Rock, étiez-vous à la recherche d’un “nom” pour le marché américain ?
J’aime beaucoup Adam Goldberg, c’est un très bon acteur, mais c’est pas quelqu’un de facile. Refaire un film avec lui aurait été très compliqué. On l’a attendu quand même deux semaines à Paris avant qu’il ne se décide à venir. Chris a ses demandes d’acteur célèbre, mais, une fois qu’elles sont remplies, il est disponible Mais il s’agit d’un choix artistique. En Europe, il n’est pas très connu, et, sur le marché américain, ce n’est pas le Chris Rock qu’on a l’habitude de voir Ses fans seront peut-être déçus.

Qu’aviez-vous de plus à raconter sur ces personnages, sur ces relations transatlantiques entre deux cultures ?
Je trouvais bien de faire une comédie romantique avec des personnages qui ont des problèmes d’adultes. Souvent, on voit des gens de 40 ans qui ont des problèmes de gens de 25 ans. Là, il y a la logistique des enfants. Il a été marié deux fois avant, il a une fille. Elle, elle a un petit garçon.

“2 Days in New York” rend très justement ces conversations qui sautent du français à l’anglais, dans une joyeuse cacophonie…
Je trouve qu’on ne le voit pas souvent à l’écran. Dans les films américains, on ne voit jamais un Européen. Et c’est bizarre, car à New York, une personne sur 10 est européenne. Hollywood fait des films basés à New York mais, réellement, c’est basé à Cincinnati. Tout est policé, américanisé. Comme si, en Amérique, il n’y avait pas un Européen. Alors qu’à Los Angeles, il n’y a que ça. Je n’ai pas besoin d’aller dans une fête française pour croiser des Français; j’en croise partout. A New York, on ne peut pas faire deux pas sans entendre quelqu’un parler français, c’est juste impossible !

Ce film sonne aussi comme une déclaration d’amour à New York…
Dans les films américains, c’est plus "Sex and the City". Je ne connais aucune nana qui s’habille comme ça. C’est hypercaricaturé comme vision. Ils font de New York un truc pas du tout cool : ils sont tous en Prada C’est très bizarre. Ils en font une caricature d’une ville bourgeoise presque. Alors qu’il y a un New York beaucoup plus normal. C’est vrai que New York s’est très embourgeoisé depuis 20 ans, mais il y a encore une vie new-yorkaise qui existe à Chelsea ou ailleurs...

Ce film a été coécrit avec deux de vos comédiens. Souhaitiez-vous retrouver cet esprit de collaboration de “Before Sunrise” et “Before Sunset” ?
Quand j’écris avec Ethan (Hawke) et Richard (Linklater), c’est une partie de rigolade comme on peut pas s’imaginer. Mais j’ai tendance à écrire beaucoup toute seule. Ici, j’avais réfléchi à l’histoire seule, puis j’ai coécrit avec Alexia (Landeau), et on a travaillé sur l’histoire toutes les deux avec Alexandre (Nahon). Il s’est passé pas mal de choses dans ma vie. Ma mère est morte; elle devait aussi être dans le film. Pendant une période, j’ai tout mis de côté. Et puis, je m’y suis remise. Pour ce film-là, avoir la bonne humeur des amis pour écrire, c’était important. Même s’il est très joyeux, le film parle un peu de la perte. Là-dessus, le film est, non pas autobiographique, mais personnel. Il y a beaucoup de moi. Ce qui n’est pas facile, car dès qu’on est critiqué, c’est plus douloureux. En même temps, les gens qui me critiquent, ma mère leur chiera dessus, comme le pigeon dans le film !

Faut-il que ces collaborations se fassent avec des gens proches : vos amis, vos parents… ?
Pour ce film-là, j’avais envie d’être avec des gens proches. Après la mort de ma mère, j’ai été très esseulée. D’autant que je venais d’avoir un enfant. En fait, j’ai passé six mois totalement enfermée chez moi, sans voir personne. Ça a été très dur. Ecrire avec des amis, ça m’a un peu sauvée. C’est du cinéma thérapeutique. Je pense que c’est un joli hommage à ma mère. C’est assez poétique tout en étant une comédie quand même, parce qu’elle avait beaucoup d’humour, qu’elle aimait la vie. "Le Skylab" est aussi un hommage. Mais je voulais des hommages lumineux, rigolos. Ça lui va mieux !

Les scènes entre votre père et Chris Rock sont explosives… Ils sont différents en tout.
C’était un vrai plaisir. Ils viennent d’un univers très différent. Chris Rock avait un peu peur de mon père, qu’il soit incontrôlable. C’était jouissif de laisser Chris Rock se laisser maltraiter. Il y a des vrais regards de crise de Chris dans le film, où il ne joue pas Notamment dans cette scène où ils préparent le café dans la cuisine.

On a l’impression que, à part dans vos films, vous avez laissé de côté votre carrière de comédienne…
Là, c’est une question de temps. En cinq ans, j’ai fait quatre films et un enfant. C’est pas si mal.


Hubert Heyrendt

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