Viridiana
Réalisateur:
Acteurs:
Origine:
- Espagne
Genre:
- Satire
Public:
Année de production: 1961
Durée: 1h30
Synopsis :
Un oncle reconnaît dans sa nièce le portrait craché de sa défunte compagne. Pour forcer la demoiselle à l'épouser, il la drogue et prétend l'avoir violée. Sur fond de blasphèmes et de grotesque, des passages constants entre réalisme et poésie noire de l'étrange, pour un brûlot subversif tourné par Buñuel dans l'Espagne catholique de Franco.
Avis des internautesdu film Viridiana
- 1
Publié le 31 août 2011
Rien de fondamental à ajouter à l'avis de VictorB, très pertinent et fort bien développé. Je rajouterai seulement que j'ai aussi particulièrement goûté les délicieuses allusions freudiennes (les pieds : celui du personnage de F. Rey se glissant dans l'escarpin blanc de la tenue de noces de son épouse décédée ce jour-là, vraisemblablement avant que le mariage ne soit consommé...; ceux de la fillette sautant innocemment à la corde, faisant écho à ceux des mendiants dansant perversement (...) après leur banquet; le syndrôme de la madone empêchant F. Rey de posséder sa nièce travestie en substitut de l'épouse morte et donc idéalisée; les symboles phalliques judicieusement intégrés au récit : le pis de vache que la novice ne parvient pas à traire; la poignée de la corde à sauter pendant mollement à la solide branche à laquelle l'oncle s'est pendu; la même poignée à la ceinture du mendiant tentant de violer Viridiana, à laquelle elle semble s'offrir...). Un film extrêmement maîtrisé, si je puis dire, et un Bunuel que je ne connaissais que de réputation (Merci, l'Ecran Total, comme d'habitude, cette fois-ci...).
Publié le 25 août 2011
Merci (en revanche) à l'Écran Total au cinéma Arenberg pour nous avoir permis de revoir Viridiana (1961), ce Bunuel des plus anarchistes et tranchants dans une belle copie restaurée. Luis Bunuel retourne au pays qu'il avait quitté en 1936 avec une rage blasphématoire qui a peu d'équivalents. Silvia Pinal, un clair-obscur objet de désirs y ressemble comme deux gouttes de café noir empoisonné à Kim Novak de Vertigo (chevelure blonde, masque figé, poitrine opulente), surtout dans le premier tiers où l'infortunée Viridiana se voit pliée aux fantasmes nécrophiles d'un Fernando Rey aux amours forcément folles et convulsives. Comme souvent chez l'auteur de L'Age d'Or, les personnages principaux sont des bourgeois suffisants et stupides ou des membres du clergé forcément hypocrites qui se réclament de la vertu puis se révèlent d'affreux pervers infréquentables sous un vernis d'apparences sociales qui se craquèle à mesure que la trame progresse. Maitre du détour et du commentaire surréaliste, de la litote dans la mise-en-scène, de la métaphore appuyée, c'est sûrement un hasard (qui fait bien les choses) si il profite ici plus de la profondeur de champ offerte par son décor, où qu'il accumule les références picturales, de Goya à De Vinci dans une scène de banquet inoubliable. Point culminant du film que cette parodie du dernier repas où l'aveugle rejoue le rôle du Christ, le lépreux pose en robe de mariée, les boiteux se prenant les pieds dans la corde à sauter de l'enfant, le retour de flamme de cette irrévérence suprême s'achevant lui-même dans une destruction anarchiste sauvage. Bunuel finit par fourrer tous ses personnages dans le même panier de crabes, mais sans jamais la cruauté du juge ou de l'observateur entomologiste dont eux peuvent jouir. Ce n'est pas à l'homme qui a réalisé Las Hurdes et Los Olvidados qu'on apprendra ce qu'est l'intégrité et un regard juste et franc sur les faiblesses et les duplicités humaines quelles qu'elles soient. Par sa rigueur et la sécheresse de son style (éducation jésuite oblige), Bunuel reste intraitable avec les aristocrates comme avec les mendiants. La cour des miracles réunie autour de Viridiana ressemble en effet plus à la monstrueuse parade des Freaks qu'à la Dernière Cène mimée. Tout est ainsi partagé, l'objet des sentiments ou des jugements du spectateur retardé sans cesse par des forêts de paradoxes. Il n'y a aucune empathie des classes pauvres entre elles (domestiques et clochards) et leur opposition est soulignée dans un morceau de bravoure purement surréaliste : la prière dans le verger de Viridiana et ses pauvres contre les travaux des ouvriers au château charrie jusqu'au montage alterné de Griffith comme d'Eisenstein. Et Viridiana elle-même s'avère en fin de compte aussi fétichiste que son oncle, dans le culte des objets du calvaire du Christ. L'échec de la morale chrétienne sur tout les plans comme de l'idéologie marxiste ne débouche sur aucune autre sorte de morale de la narration et sera signé par cette épilogue provocateur et inoubliable du jeu de cartes, fermant sur l'impossible conciliation d'un ménage à trois ce manège infernal imposé par les pôles divergents du récit.
La Palme d'Or cannoise (en 1961, ex aequo avec Une Aussi Longue Absence d'Henri Colpi) n'y fera rien et les copies seront saisies en Espagne (le Vatican et Franco jugent le film impie). 50 ans plus tard, il a conservé une force de frappe, un rythme et une acidité satirique que possèdent peu de films contemporains et qu'on rangera sous l'étiquette un peu facile mais exacte de « la marque des grands ». Bunuel n'attend en effet aucune espèce de comparaison ; il est un de ces très grands auteurs qui ont créé dans la nuit du cinématographe une œuvre qui est en tous points personnelle et séminale, et on peut presque compter ces génies primitifs sur les doigts de deux mains : Griffith, Murnau, Flaherty, Chaplin, Feuillade, Eisenstein, Lang, von Stroheim, Renoir, combien d'autres ?
- 1
pekka