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Abdellatif Kechiche, le style, le sexe et l'adolescence
Publié le 25 mai 2013 dans Actu ciné
Son film La vie d'Adèle Chapitre 1 & 2 est un candidat sérieux à la Palme d'or. Le réalisateur répond à trois questions.
Comment le gros plan est-il devenu la caractéristique de votre style ?
Dès mon premier film, j'ai senti que le gros plan était plus parlant, plus émouvant pour moi. Il me permettait de capter des détails qu'on ne capte pas autrement, une expression qu'on ne percevrait pas dans la vie : la perception d'une émotion, d'un sentiment, d'un état. C'est ce qui rend le cinéma magique, c'est ce pouvoir de capter l'expression en soi mais aussi ce qu'il y a derrière. C'est ce que permet le gros plan : aller voir ce qu'il y a derrière l'expression.
Lire aussi : notre critique de La vie d'Adèle Chapitre 1 & 2
Pourquoi filmez-vous les scènes de sexe de façon aussi réaliste ?
Pour moi, l'acte sexuel est l'expression d'un langage sans doute secret pour nous tous. On pourrait dire un langage de « l'âme. ». Je le dis entre guillemets avec beaucoup de prudence. Et l'âme n'a pas de sexe. Quand deux êtres s'aiment, le sexe n'est qu'une expression de cette recherche de communion.
Pourquoi vos films s'intéressent-ils toujours à des jeunes filles de 15- 16 -17 ans. Qu'est-ce qui vous intéresse dans cette période ?
La fragilité. On est tous passé par ce moment où l'on se construit. Ce moment est beau, est mélancolique. Je le cherche dans cette jeunesse. Et c'est une façon de refaire vivre cette jeunesse en nous. C'est une période tellement fragile, tellement charnière, tellement belle de notre existence, une période qui va décider de ce que nous sommes. D'autre part, il y a cette admiration, cette émotion que me procure la jeunesse d'aujourd'hui. Elle est tellement différente de la façon de penser de ma génération qui était beaucoup plus fermée, beaucoup moins à l'écoute des autres et du monde. J'aurais presque voulu naître aujourd'hui. Ils sont tellement plus libres, plus intelligents que ma génération. C'est formidable pour moi de filmer cette jeunesse.
Entretien : Fernand Denis, à Cannes.