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Vu à Cannes : "Wakolda" de Lucia Puenzo

Publié le 22 mai 2013 dans Actu ciné

Retour à Cannes de la réalisatrice de XXY, avec une fiction inspirée d'une péripétie historique célèbre mais oubliée du XXe siècle.

1961, en Patagonie. Helmut Gregor (Alex Brendemühl), un immigré allemand, rencontre sur la route du sud Eva (Natali Oreiro), Enzo (Diego Peretti) et leurs enfants, dont Lilith (Florencia Bado). Elle a douze ans mais en paraît neuf, ayant un problème de croissance. La famille guide l'étranger jusqu'à la localité de Bariloche. 


Ce village au bord d'un lac de montagne évoque les paysages des Alpes bavaroises. Rien de surprenant à ce qu'une forte communauté d'Allemands y réside. Eva elle-même est fille et petite-fille d'Allemands, installés là avant la Seconde Guerre mondiale. Le docteur Gregor intègre l'équipe d'une école privée, dont tous les enfants ont des racines germaniques. Tout en s'intéressant au hobby d'Enzo, qui confectionne des poupées articulées, Gregor commence à injecter à Lilith un sérum de sa composition, censé accéléré la croissance de celle-ci. Lorsqu'il apprend qu'Eva attend des jumeaux, son intérêt pour la petite famille augmente encore.


L'écrivain argentine Lucia Puenzo avait marqué avec son premier film, XXY, Grand prix de la Semaine de la Critique à Cannes en 2007. Elle y revient dans la section officielle Un Certain Regard avec ce film adapté de son roman éponyme. On aimerait ne pas trop en dire, car cette fiction, ancrée dans un contexte historique très précis, révèle à mi-parcours une surprise qu'anticiperont peut-être les connaisseurs de l'histoire du XXe siècle. On dira seulement, en guise d'indice, que Wakolda présente dans la sélection 2013 un prolongement singulier, mais tout à fait pertinent, avec Le Dernier des Injustes de Claude Lanzmann. Et démontre que la mémoire de certains crimes dépasse largement les frontières des pays qui en furent le théâtre.


Puenzo tente – et réussit – une alchimie délicate. Sur des fondations authentiques, elle signe un thriller intime, vu à travers les yeux d'une préadolescente. Mais elle évite toute dimension triviale à son traitement, gardant pudeur dans l'évocation du pire, n'instrumentalisant pas les faits pour livrer un mauvais suspense. Elle ose entamer son récit et le centrer sur le plus improbable antihéros - son final achevant de prendre le contre-pied des pures fictions dont Puenzo s'inspire pour construire son récit. Se pose ainsi une nouvelle fois la question terrible de la « banalité du mal », incarnée ici avec brio et retenue par un Alex Brendemühl qui trouve le juste équilibre entre la composition d'une figure réelle et une bienvenue liberté romanesque.


A partir d'une plaie universelle, la réalisatrice rouvre un débat de fond pour la mémoire argentine (et latino-américaine) des années 60-80. Elle exhume une réalité occultée - méconnue du plus grand nombre - et réussit la prouesse de la mettre en scène sur les lieux même où elle s'est déroulée. Des lieux d'une belle ampleur cinématographique. Les décors naturels sont magnifiques, impressionnants, véritables traits d'union entre l'Argentine et l'Europe centrale. Rappel que le paradis peut être le terrain d'expérimentation de l'enfer.


Alain Lorfèvre, à Cannes


Réalisation et scénario : Lucia Puenzo. Avec : Alex Brendemühl, Natali Oreiro, Diego Peretti, Elena Roger, Florencia Bado,... 1h34

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