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Eric Judor: "On se radicalise de plus en plus"
Publié le 8 mai 2013 dans Actu ciné
L'acteur principal de Mohamed Dubois est effrayé par le repli sur soi des communautés. Il nous en parle dans une interview réalisée... en conduisant son auto
Par essence, une interview avec Eric Judor n’est jamais
ordinaire. Le complice de Ramzy aime partir dans des délires improviser et
transformer la rencontre en sketch. Hier matin, c’était différent. Pour la promo
de Mohamed Dubois, il répond aux questions par téléphone tout en conduisant sa
voiture pour se rendre au studio de montage de Platane 2, la série de Canal
+ qu’il a aussi réalisée. “Mais j’ai un kit mains libres, ne vous
inquiétez pas. Et si vous entendez un grand boum, vous aurez un
scoop…”
C’est votre première comédie romantique…
“Ne faire que de la comédie, ce sera l’histoire de ma vie.
J’essaie de faire des choses qui me surprennent. Je veux faire marrer dans tous
les styles, l’absurde, le burlesque et maintenant, ce genre nouveau que je
n’avais jamais exploré.”
Est-ce-vrai que les scènes d’amour vous faisaient
peur ?
“Oui. Je suis très pudique. Dans la comédie, je peux me
cacher derrière l’absurde. Dans l’expression des sentiments, c’est impossible.
J’ai l’impression de dévoiler qui je suis. C’est pour ça que j’ai fait passer le
casting pour les actrices : il fallait absolument une femme dont je puisse
tomber amoureux, à qui j’ai envie de faire du charme, comme Sabrina Ouazani."
Cela ne vous faisait pas peur de tenter de faire rire à
partir du racisme de la vie quotidienne ?
“C’est un sujet délicat, c’est sûr. Le risque, c’est de
sacrifier l’humour au profit du message.”
C’est plutôt le cas…
“Je n’étais pas scénariste mais il me semble qu’on a réussi à
trouver un bon équilibre entre l’humour et les thèmes, ce qui est souvent le
plus difficile. Pour moi, on évite bien le piège de la caricature en montrant
des personnes qu’on pourrait croiser dans la vraie vie. Ici, les Arabes
n’élèvent pas des poules et ne sont pas des extrémistes. Ce sont des personnes
qui cherchent à vivre bien, comme tout le monde.”
Le délit de sale gueule est permanent, d’un côté comme de
l’autre. Cela vous fait peur ?
“C’est terrifiant, oui. Par rapport à une dizaine d’années,
je trouve qu’on s’est terriblement radicalisé. Les communautés se referment de
plus en plus sur elles-mêmes. La peur de l’autre l’emporte malheureusement sur
l’ouverture, l’envie de s’enrichir des cultures de chacun. Ce qui me paraît
vraiment très intéressant, c’est qu’on montre aussi bien des Français hostiles
aux Arabes que des familles arabes qui ne veulent pas que leur fille épouse un
Français. Les torts se trouvent des deux côtés.”
La meilleure scène est celle où vous boxez comme dans les
films muets…
“Cela me fait plaisir : je suis un inconditionnel du
burlesque. Les mouvements du corps constituent un langage humoristique universel
et intemporel. C’est ce qui m’amuse le plus.”
Pourquoi tourner une suite à La Tour Montparnasse
infernale ?
“Ramzy et moi, nous avions l’impression que ces personnages
nous appelaient. Qu’ils voulaient vivre de nouvelles aventures. L’envie était
énorme de les retrouver. Mais je vais probablement tourner avec des acteurs
belges comme Bouli Lanners dans Je suis mort mais j’ai des amisdes frères Guillaume et Stéphane Malandrin. Leur
scénario est à mourir de rire.”
Interview > Patrick Laurent