Actualités
Les Dardenne se mobilisent pour l'exception culturelle
Publié le 24 avril 2013 dans Actu ciné
Nul doute qu'il en sera question dans les coulisses du Festival de Cannes. Et les ministres de la Culture qui viendront chercher leur part de glamour sur les marches risquent fort d'être mis en demeure par les professionnels européens du cinéma de prendre position : l'Union européenne va-t-elle ou non maintenir le secteur audiovisuel dans les négociations d'un accord de libre-échange entre l'Union et les Etats-Unis ?
Le gouvernement français se mobilise pour défendre l'exception culturelle, exigeant que le secteur audiovisuel soit exclu des négociations depuis que la Commission européenne a donné en mars son feu vert au lancement de celles-ci. Les ministres françaises de la Culture Aurélie Filippetti et du Commerce Nicole Bricq ont notamment durci le ton mardi. "La France ne transigera pas. L'exclusion des services audiovisuels n'est pas négociable", ont-elles dit, après un communiqué, lundi, du commissaire européen au Commerce Karel De Gucht, jugé "ambigu".
Ce dernier a assuré que "l'exception culturelle ne sera pas négociée". Mais son porte-parole a précisé que cela ne signifiait pas que l'audiovisuel serait exclu des négociations. Car le communiqué de M. De Gucht précise aussi que "l'Europe a le devoir de garantir la création d'emplois dans le secteur audiovisuel, tout en s'assurant que ce secteur dynamique, innovant et créatif puisse maîtriser les opportunités qui se présenteront dans les décennies à venir", référence, notamment, aux nouveaux médias, marché en développement, où il s'agit de garantir aux entreprises européennes l'accès au marché américain.
Depuis le 18 avril, une pétition a été mise en ligne, à l'initiative des frères Dardenne. Intitulée « L'exception culturelle n'est pas négociable ! », elle avait déjà rassemblé le 24 avril quelque 1500 signatures, dont celle de plus de quatre-vingts réalisateurs de renom, dont Jaco van Dormael, Joachim Lafosse, Stijn Coninx, Lucas Belvaux, l'Autrichien Michael Haneke (Palme d'or 2012, également couronné d'un César et d'un Oscar), le Danois Thomas Vinterberg, l'Espagnol Pedro Almodovar, le Finlandais Aki Kaurismäki, l'Allemand Volker Schlöndorff, les Italiens Paolo Sorrentino et Marco Bellocchio, le Roumain Cristian Mungiu, les Britanniques Stephen Frears, Mike Leigh, Ken Loach, les Français Michel Hazanavicius, Agnès Jaoui, Bertrand Tavernier, mais aussi l'Américain David Lynch, la Néo-Zélandaise Jane Campion ou le Brésilien Walter Salles.
La pétition rappelle "les paroles enflammées" du président de la Commissin européenne, José Manuel Barroso, qui assurait en 2005 que "dans l’échelle des valeurs, la culture vient devant l’économie". Soulignant que "la diversité culturelle est aujourd’hui une réalité pour la plupart de nos territoires, facteur d'échange et de compréhension mutuelle, mais aussi génératrice d'emploi et de croissance", le texte de la pétition en appelle à "l’exclusion des services audiovisuels et cinématographiques des négociations entre l’Europe et les Etats-Unis".
.Au centre des craintes des professionnels, figure notamment l'idée que les Etats-Unis pourraient chercher à rendre caduques, en demandant leur gel, les politiques mises en place en faveur de la diversité culturelle, notamment les quotas de diffusion sur les chaînes, les subventions, ou les réglementations discriminatoires selon la nationalité des société ou des capitaux.
Les professionnels redoutent par ailleurs que les Etats-Unis ne cherchent à obtenir des règles spécifiques pour les "nouveaux services audiovisuels" (vidéo à la demande, télévision de rattrapage...), en les rattachant aux nouvelles technologies plutôt qu'à l'audiovisuel.
Alors que le mandat de négociation doit être adopté par les Etats membres de l'UE le 14 juin prochain, le gouvernement français cherche à rallier d'autres pays. Selon une source proche du dossier, citée par l'Agence France Presse, l'Italie et la Pologne notamment auraient fait part de leur "convergence" avec la position française.
Alain Lorfèvre