Actualités
Bruno, le grand des Podalydès - Entretien avec le président du jury du FIFF 2012.
Publié le 4 octobre 2012 dans Festivals
Le
frère de Denis préside le jury namurois du Fiff. L’occasion d’aborder
une conception fraternelle du cinéma avec le remplaçant officiel
d’Alain Resnais.
Soit deux frères, Bruno le
grand et Denis,
le petit. Deux frères qui passent leur enfance à
jouer ensemble, à écrire des histoires,
à fabriquer des décors et à les jouer,
bien sûr. Et ils ne se sont jamais
arrêtés, en somme. Aujourd’hui, jouer
est leur métier, Denis à la
Comédie-Française et Bruno derrière la
caméra. Devant aussi, parfois. Leur dernier film
s’appelle "Adieu
Berthe". Un bijou d’humour et de mise en
scène.
Vendredi dernier, Bruno s’est installé pour une semaine à Namur où il préside le jury du Fiff. Ça lui rappelle un peu sa jeunesse de cinéphile, quand il ingurgitait du cinéma à dose massive. Maintenant, il s’est calmé mais apprécie toujours d’aller en salle. "J’y tiens beaucoup. Et pas uniquement pour des raisons de taille d’écran ou de qualité sonore mais pour l’idée de sortir de chez soi et de partager un film avec d’autres. Même avec des mangeurs de pop-corn. Une comédie vue en public n’a pas d’égal."
La comédie, il connaît, il en tourne, elles ne ressemblent à personne. "Dieu seul me voit", son premier long métrage, existe en version "salles", originale. Et puis en version "interminable", selon sa propre expression. Quatre heures supplémentaires pour un résultat hors norme, hors rythme, irrésistible. "Adieu Berthe", son dernier film aussi. C’est une comédie sur la mort, les pompes funèbres et l’indécision dont le héros (joué par Denis Podalydès, bien sûr) est un pharmacien, circulant en trottinette. Comment arrive-t-on à rester si léger en traitant des sujets graves ? "J’essaie de dédramatiser. Pour moi, le burlesque c’est le tragi-comique. Quelqu’un qui tombe dans la vraie vie, cela met très mal à l’aise. Ça m’est arrivé de voir une dame faire une chute très grave. J’étais si mal que j’ai pris des cours de secourisme après, tellement mon impuissance m’avait choqué. Alors qu’une chute au cinéma, cela fait rire. Avec le rire, j’ai l’impression d’aborder le monde et parfois de le comprendre. Mon petit rire accède à quelque chose que je ne peux pas formuler. Le déclencheur d’une scène, c’est souvent quelque chose qui m’a fait rire. Lors d’un enterrement familial, mon père et moi, nous devions choisir un cercueil. Ça partait du cercueil Lucky Luke - les quatre planches - jusqu’au cercueil napoléonien, avec les prix qui montaient. En regardant l’un d’eux mon père me dit : ‘Tu te vois là-dedans, toi ?’ Il était très sérieux, mais ça m’a fait rire. Et ce rire fut une espèce de clef pour aborder le monde des pompes funèbres dans ‘Adieu Berthe’. Je travaille toujours plusieurs scénarios simultanément mais j’ignore lequel va tomber de la table. Je le ramasse et je le fais. Ce n’est pas forcément le plus mûr, ni celui qui est presque fini."
Mais ce scénario, il ne le signe pas seul, son petit frère continue d’y participer. "J’ai toujours une version prête quand j’aborde le travail avec Denis. Sauf pour ‘Adieu Berthe’, la règle du jeu était différente. On écrivait une scène sans imaginer du tout quelle serait la suivante, sans connaître la fin du film. Ce n’est pas évident, c’est même angoissant de ne pas savoir où l’on va. Il y a eu sept versions du scénario. Quand on était enfants, c’était plus informel, mais mon père m’avait offert un petit magnéto à cassettes. Moi, je m’en servais, mais pas Denis. J’étais déjà un peu metteur en scène. Ces films sont complètement la suite logique de notre enfance. D’ailleurs, je crois que l’enfance, c’est le trait commun des gens qui travaillent dans le cinéma. Je vois toujours un enfant poindre chez les gens qui aiment le cinéma. L’amour du cinéma est très lié à l’enfant qui est en nous. Mais j’évite toujours de mettre des détails de notre propre enfance."
Ah bon ! Denis joue tout de même un pharmacien comme papa "Ce n’est pas un hommage. Notre père a toujours parlé de son métier de manière très ingrate. Pharmacien est considéré comme un métier de notables alors que mon père ramait. Il ne voulait pas être commerçant, il voulait soigner les gens, d’où pas mal de difficultés financières. Par ailleurs, j’ai toujours été fasciné par ces fameux tiroirs des pharmacies. Au cinéma, cela permettait beaucoup d’effets jusqu’à suggérer le tiroir de la morgue."
Mais "Adieu Berthe" n’est pas la seule réalisation de Bruno en 2012. Il a, en effet, participé à "Vous n’avez encore rien vu", le film d’Alain Resnais dont il a tourné les scènes concernant la jeune compagnie interprétant "Eurydice". "On s’est connus car il avait aimé ‘Le mystère de la chambre jaune’, surtout le livret d’images que j’avais donné aux gens de l’équipe. Certaines lui parlaient de son enfance, justement. Pour ‘Pas sur la bouche’, il m’a demandé de faire la bande-annonce (NdlR : on ne voyait que Dussollier qui n’était pas dans le film). Pour ‘Cœurs’, j’ai réalisé l’émission de télé religieuse que regarde Dussollier. En fait, en raison de son âge, les assurances imposent un remplaçant officiel à Resnais. Au bout de quelques jours d’incapacité, ce serait à moi de prendre le relais, à terminer le film. Alain m’honore de ce choix."
Les films de Bruno sont si savoureux et inclassables qu’il est bien difficile d’imaginer parmi les 16 titres en lice à Namur, celui qui, en toute logique, devrait recevoir son suffrage. "Je suis fan de western, mais j’ai des goûts très variés. En fait, deux cinéastes m’ont constitué. François Truffaut fut mon professeur de cinéma. Son livre ‘Les films de ma vie’ a beaucoup compté. C’est même une photo de Truffaut debout à la caméra dans une 2CV décapotable qui m’a donné envie de faire du cinéma. L’autre, c’est Jean Renoir, un modèle quant à sa façon de travailler. J’aime son idée de laisser la porte du plateau ouverte, de faire feu de tout bois. C’est une mentalité qui me porte encore aujourd’hui, de faire d’une contrainte quelque chose de stimulant."
Fernand Denis
Vendredi dernier, Bruno s’est installé pour une semaine à Namur où il préside le jury du Fiff. Ça lui rappelle un peu sa jeunesse de cinéphile, quand il ingurgitait du cinéma à dose massive. Maintenant, il s’est calmé mais apprécie toujours d’aller en salle. "J’y tiens beaucoup. Et pas uniquement pour des raisons de taille d’écran ou de qualité sonore mais pour l’idée de sortir de chez soi et de partager un film avec d’autres. Même avec des mangeurs de pop-corn. Une comédie vue en public n’a pas d’égal."
La comédie, il connaît, il en tourne, elles ne ressemblent à personne. "Dieu seul me voit", son premier long métrage, existe en version "salles", originale. Et puis en version "interminable", selon sa propre expression. Quatre heures supplémentaires pour un résultat hors norme, hors rythme, irrésistible. "Adieu Berthe", son dernier film aussi. C’est une comédie sur la mort, les pompes funèbres et l’indécision dont le héros (joué par Denis Podalydès, bien sûr) est un pharmacien, circulant en trottinette. Comment arrive-t-on à rester si léger en traitant des sujets graves ? "J’essaie de dédramatiser. Pour moi, le burlesque c’est le tragi-comique. Quelqu’un qui tombe dans la vraie vie, cela met très mal à l’aise. Ça m’est arrivé de voir une dame faire une chute très grave. J’étais si mal que j’ai pris des cours de secourisme après, tellement mon impuissance m’avait choqué. Alors qu’une chute au cinéma, cela fait rire. Avec le rire, j’ai l’impression d’aborder le monde et parfois de le comprendre. Mon petit rire accède à quelque chose que je ne peux pas formuler. Le déclencheur d’une scène, c’est souvent quelque chose qui m’a fait rire. Lors d’un enterrement familial, mon père et moi, nous devions choisir un cercueil. Ça partait du cercueil Lucky Luke - les quatre planches - jusqu’au cercueil napoléonien, avec les prix qui montaient. En regardant l’un d’eux mon père me dit : ‘Tu te vois là-dedans, toi ?’ Il était très sérieux, mais ça m’a fait rire. Et ce rire fut une espèce de clef pour aborder le monde des pompes funèbres dans ‘Adieu Berthe’. Je travaille toujours plusieurs scénarios simultanément mais j’ignore lequel va tomber de la table. Je le ramasse et je le fais. Ce n’est pas forcément le plus mûr, ni celui qui est presque fini."
Mais ce scénario, il ne le signe pas seul, son petit frère continue d’y participer. "J’ai toujours une version prête quand j’aborde le travail avec Denis. Sauf pour ‘Adieu Berthe’, la règle du jeu était différente. On écrivait une scène sans imaginer du tout quelle serait la suivante, sans connaître la fin du film. Ce n’est pas évident, c’est même angoissant de ne pas savoir où l’on va. Il y a eu sept versions du scénario. Quand on était enfants, c’était plus informel, mais mon père m’avait offert un petit magnéto à cassettes. Moi, je m’en servais, mais pas Denis. J’étais déjà un peu metteur en scène. Ces films sont complètement la suite logique de notre enfance. D’ailleurs, je crois que l’enfance, c’est le trait commun des gens qui travaillent dans le cinéma. Je vois toujours un enfant poindre chez les gens qui aiment le cinéma. L’amour du cinéma est très lié à l’enfant qui est en nous. Mais j’évite toujours de mettre des détails de notre propre enfance."
Ah bon ! Denis joue tout de même un pharmacien comme papa "Ce n’est pas un hommage. Notre père a toujours parlé de son métier de manière très ingrate. Pharmacien est considéré comme un métier de notables alors que mon père ramait. Il ne voulait pas être commerçant, il voulait soigner les gens, d’où pas mal de difficultés financières. Par ailleurs, j’ai toujours été fasciné par ces fameux tiroirs des pharmacies. Au cinéma, cela permettait beaucoup d’effets jusqu’à suggérer le tiroir de la morgue."
Mais "Adieu Berthe" n’est pas la seule réalisation de Bruno en 2012. Il a, en effet, participé à "Vous n’avez encore rien vu", le film d’Alain Resnais dont il a tourné les scènes concernant la jeune compagnie interprétant "Eurydice". "On s’est connus car il avait aimé ‘Le mystère de la chambre jaune’, surtout le livret d’images que j’avais donné aux gens de l’équipe. Certaines lui parlaient de son enfance, justement. Pour ‘Pas sur la bouche’, il m’a demandé de faire la bande-annonce (NdlR : on ne voyait que Dussollier qui n’était pas dans le film). Pour ‘Cœurs’, j’ai réalisé l’émission de télé religieuse que regarde Dussollier. En fait, en raison de son âge, les assurances imposent un remplaçant officiel à Resnais. Au bout de quelques jours d’incapacité, ce serait à moi de prendre le relais, à terminer le film. Alain m’honore de ce choix."
Les films de Bruno sont si savoureux et inclassables qu’il est bien difficile d’imaginer parmi les 16 titres en lice à Namur, celui qui, en toute logique, devrait recevoir son suffrage. "Je suis fan de western, mais j’ai des goûts très variés. En fait, deux cinéastes m’ont constitué. François Truffaut fut mon professeur de cinéma. Son livre ‘Les films de ma vie’ a beaucoup compté. C’est même une photo de Truffaut debout à la caméra dans une 2CV décapotable qui m’a donné envie de faire du cinéma. L’autre, c’est Jean Renoir, un modèle quant à sa façon de travailler. J’aime son idée de laisser la porte du plateau ouverte, de faire feu de tout bois. C’est une mentalité qui me porte encore aujourd’hui, de faire d’une contrainte quelque chose de stimulant."
Fernand Denis
Retrouvez
également les actus décalées, des
concours exclusifs et bien d'autres choses encore sur notre page
facebook www.facebook.com/cinebel.be