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Rires et poésie à la Quinzaine et incertain regard
Publié le 24 mai 2012 dans Actu ciné
Les Podalydès confrontent la mort à l'humour. "Ernest et Célestine" émeut. Jérémie Renier allège l'"Eléphant blanc"...
“Adieu Berthe –
L’Enterrement de Mémé”
de Bruno
Podalydès en est la parfaite illustration. Le
Versaillais y retrouve sa verve légère, doucement
désopilante. Son frère Denis,
avec lequel il a coécrit le scénario, y incarne
Armand, quadra face à des dilemmes : il est pharmacien, mais
rêve d’être magicien; il file le parfait
amour avec sa maîtresse (Valérie
Lemercier), mais ne se résout pas à
quitter sa femme (Isabelle
Candelier); pour l’enterrement de sa
mémé Berthe, il hésite entre la
formule Twilight ou les pompes funèbres Obsecool. Et,
d’ailleurs, doit-il aller mercredi aux funérailles
ou animer l’anniversaire de sa future belle-fille ? La magie
et ses trompe-l’œil sont un motif
récurrent. Dans la pharmacie d’Armand, les
étagères coulissantes cachent les portes de la
partie privative. Chez l’entrepreneur de pompes
funèbres, des écrans plasma géants
permettent le test virtuel des cercueils. Et dans la chambre de
mémé, il y a une malle des Indes – une
malle de magicien – qui révélera
à Armand son passé et lui donnera une
clé pour son avenir. C’est doux, beau,
parsemé de gags et de bons mots, servis par des
comédiens talentueux.
A côté de ce rayon de soleil, la Quinzaine se distingue aussi par la sélection de deux films d’animation. “The King of Pigs” du Sud-Coréen Yeun Sang-ho et “Ernest et Célestine” de Benjamin Renner, Stéphane Aubier et Vincent Patar. Cette coproduction franco-belge est une adaptation des livres pour enfants de Gabrielle Vincent. De prime abord inattendu dans une section comme la Quinzaine, c’est un joyau ciselé par des talents divers. A commencer par celui de son producteur français, Didier Brunner, qui, par amour des livres qu’il lisait naguère à sa fille, a demandé à Daniel Pennac d’en écrire l’adaptation… sans savoir que l’auteur de “Cabot Caboche” entretint pendant huit ans une relation épistolaire avec Gabrielle Vincent. Le producteur a ensuite accordé sa confiance à Benjamin Renner, frais émoulu de l’école des Gobelins à Paris et auteur d’un court métrage remarqué, “La Queue de la souris”. Il lui a ensuite adjoint le tandem belge Patar et Aubier, que son humour plus déjanté ne prédestinait pas à rencontrer la poésie de Vincent. S’ouvrant par une série de vignettes, le film conte la rencontre entre la souris Célestine et l’ours Ernest. Dans leur monde respectif, ils sont marginaux. On veut faire de Célestine une dentiste alors qu’elle aime dessiner; Ernest est le rejeton saltimbanque d’une longue lignée de magistrats. Chacun devra affronter les préjugés de sa communauté, selon lesquels rongeurs et plantigrades sont des ennemis naturels et éternels. Ode à l’amitié, à la création et à la tolérance, “Ernest et Célestine” est une œuvre chaleureuse dont les prouesses techniques éblouissantes restituent à l’écran les traits déliés et les aquarelles de Gabrielle Vincent.
Au risque d’en rajouter une couche dans la belgomania, nous mentionnerons encore à Un Certain Regard “Elefante Blanco” de l’Argentin Pablo Trapero, où Jérémie Renier incarne un missionnaire œuvrant dans un bidonville de Buenos Aires. Les thèmes (urgence sociale, échec humanitaire, crise spirituelle, pulsion de vie contre pulsion de mort) abondent dans ce film trop riche, tourné dans le décor réel de son action – car il y a de l’action, de la tension et de la passion. Trapero s’égare dans le dédale de son scénario comme dans celui de la favela, a contrario de Jérémie Renier, en espagnol dans le texte. Son interprétation sobre et rigoureuse confère au père Nicolas une réelle profondeur traduisant dans ses gestes, tantôt doute, tantôt détermination.
Alain Lorfèvre
A côté de ce rayon de soleil, la Quinzaine se distingue aussi par la sélection de deux films d’animation. “The King of Pigs” du Sud-Coréen Yeun Sang-ho et “Ernest et Célestine” de Benjamin Renner, Stéphane Aubier et Vincent Patar. Cette coproduction franco-belge est une adaptation des livres pour enfants de Gabrielle Vincent. De prime abord inattendu dans une section comme la Quinzaine, c’est un joyau ciselé par des talents divers. A commencer par celui de son producteur français, Didier Brunner, qui, par amour des livres qu’il lisait naguère à sa fille, a demandé à Daniel Pennac d’en écrire l’adaptation… sans savoir que l’auteur de “Cabot Caboche” entretint pendant huit ans une relation épistolaire avec Gabrielle Vincent. Le producteur a ensuite accordé sa confiance à Benjamin Renner, frais émoulu de l’école des Gobelins à Paris et auteur d’un court métrage remarqué, “La Queue de la souris”. Il lui a ensuite adjoint le tandem belge Patar et Aubier, que son humour plus déjanté ne prédestinait pas à rencontrer la poésie de Vincent. S’ouvrant par une série de vignettes, le film conte la rencontre entre la souris Célestine et l’ours Ernest. Dans leur monde respectif, ils sont marginaux. On veut faire de Célestine une dentiste alors qu’elle aime dessiner; Ernest est le rejeton saltimbanque d’une longue lignée de magistrats. Chacun devra affronter les préjugés de sa communauté, selon lesquels rongeurs et plantigrades sont des ennemis naturels et éternels. Ode à l’amitié, à la création et à la tolérance, “Ernest et Célestine” est une œuvre chaleureuse dont les prouesses techniques éblouissantes restituent à l’écran les traits déliés et les aquarelles de Gabrielle Vincent.
Au risque d’en rajouter une couche dans la belgomania, nous mentionnerons encore à Un Certain Regard “Elefante Blanco” de l’Argentin Pablo Trapero, où Jérémie Renier incarne un missionnaire œuvrant dans un bidonville de Buenos Aires. Les thèmes (urgence sociale, échec humanitaire, crise spirituelle, pulsion de vie contre pulsion de mort) abondent dans ce film trop riche, tourné dans le décor réel de son action – car il y a de l’action, de la tension et de la passion. Trapero s’égare dans le dédale de son scénario comme dans celui de la favela, a contrario de Jérémie Renier, en espagnol dans le texte. Son interprétation sobre et rigoureuse confère au père Nicolas une réelle profondeur traduisant dans ses gestes, tantôt doute, tantôt détermination.
Alain Lorfèvre