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La famille Anderson fait du cinéma
Publié le 18 mai 2012 dans Actu ciné
La famille du cinéma fête le 65e festival de Cannes. Marilyn tient le
gâteau. La famille Anderson tourne Moonrise Kingdom. Délicieusement
décalé.
Il n’y a pas une seconde à perdre de "Moonrise Kingdom", le nouveau film de Wes Anderson. Ni au début, ni à la fin.
Le générique vient de commencer qu’on se croirait encore dans son film précédent, le "Fantastique Mr Fox", dans une maison de poupées où la caméra travellingue et panoramique sans contraintes. De la cave au grenier, chaque pièce est un adorable décor miniature méticuleusement composé. Sauf qu’il n’est pas miniature et que le petit garçon écoutant sa leçon de musique classique n’est pas une marionnette. Et il n’y a pas que le mobilier et l’électrophone qui datent des années 60. La mentalité aussi.
On s’en rend compte lorsque le film commence dans un camp scout où le chef procède, une clope au bec, à l’inspection matinale de sa petite troupe. Un gamin manque à l’appel : Sam, le souffre-douleur, un peu schtroumpf à lunettes. L’alerte est alors déclenchée sur cette île au large de la Nouvelle Angleterre, reliée deux fois par jour au continent par un ferry. L’île nous a d’ailleurs été présentée géographiquement. Mais aussi dramatiquement : une tempête est attendue dans trois jours.
Alors que les scouts et le policier local ont entamé les recherches, un autre enfant a disparu : Suzy, l’aînée un peu spéciale des quatre enfants Bishop, ce couple d’avocats dont on vient de visiter la maison en détail. La bonne nouvelle - pour le policier -, c’est que Sam et Suzy se connaissent et ont pris la clef des champs, ensemble, pour vivre une grande aventure naturelle. Comme marcher à travers les bois, pagayer dans les rivières, cuire au feu de bois du poisson fraîchement pêché, dormir sous la tente ou encore tomber amoureux, pour la première fois. A douze ans.
Cette grande aventure, Wes Anderson la raconte à sa manière, avec décalage et avec style, ce qui, d’une certaine manière, est la même chose, puisqu’il s’agit d’établir une distance entre le spectateur et la situation.
Et cette distance est absolument délicieuse. D’abord, elle est élégante, dans le sens artistique. Il y a le goût dans la composition du plan, la beauté des objets. On dirait des dessins vivants de Norman Rockwell. Puis, elle est chargée d’humour : du burlesque (une mère appelle ses enfants à table au mégaphone) au poétique (une fille fugue en emportant une grosse valise pleine de livres), en passant par le comique de situation et l’ironie adulte. Ensuite, elle est musicale, carrément magique comme la partition de Britten. Et enfin, elle est intense, de cette intensité des choses qu’on vit pour la première fois, d’autant que notre orphelin et notre aînée "dérangée" selon ses parents, se sentaient seuls au monde jusque-là.
On retrouve dans "Moonrise Kingdom" toutes les caractéristiques du cinéma de Wes Anderson : la famille (Tenenbaum) qui dysfonctionne, le caractère obsessionnel du héros (comme celui de "Rushmore"), le jeu bille en tête et décalé (à la Bill Murray). Mais après l’expérience animée de "Mr Fox", le charme du petit monde de Wes Anderson s’en trouve démultiplié, plus abouti, plus loufoque, plus inversé (les adultes se comportent comme les enfants). Bref, ce septième film de Wes Anderson est son meilleur, le plus enchanté.
Rarement, il a été donné de voir un réalisateur ressembler autant à son œuvre, dégager le même charme, la même fraîcheur, ce même éclat d’enfance dans le regard, ce même décalage dans le soin porté aux vêtements hors mode. Le film dont il est aussi le scénariste avec Roman Coppola, est-il inspiré de ses propres souvenirs ? "J’ai plutôt puisé dans les souvenirs que j’aurais aimé avoir. Tout ce qu’on peut ressentir lorsqu’on est enfant et qu’on est amoureux, à sens unique", répond Wes Anderson tout souriant. Un peu ému aussi d’être au festival de Cannes pour la première fois entouré du fidèle Bill Murray, de Tilda Swinton, Edward Norton et Bruce Willis (à contre-emploi dans un rôle attachant). "Je travaille avec des amis, des gens que je vois régulièrement. Je n’ai pas d’expérience de théâtre mais mes tournages ressemblent au travail d’une troupe théâtrale. Chaque film est comme une réunion entre amis".
"Comme si on était invité à un mariage, ou un camp de vacances" enchaîne Tilda Swinton, irrésistible à l’écran. "J’en rêvais" déclare Edward Norton. "Comme tant d’autres acteurs, de vivre cette expérience de troupe, comme les membres du Mercury Theater d’Orson Welles. Wes Anderson réussit à créer cette sorte de troupe idéale du cinéma moderne. Il n’y a pas de caravane, c’est un peu comme un camp d’été. En fait, il joue un peu mon personnage dans le film, celui d’un chef scout qui se lance dans une aventure. Il crée cette atmosphère du temps des copains, quand on s’amusait à se maquiller, à enfiler des costumes pour tourner un film dans la maison familiale et le jardin."
Envoyé spécial de La Libre à Cannes, Fernand Denis
Le générique vient de commencer qu’on se croirait encore dans son film précédent, le "Fantastique Mr Fox", dans une maison de poupées où la caméra travellingue et panoramique sans contraintes. De la cave au grenier, chaque pièce est un adorable décor miniature méticuleusement composé. Sauf qu’il n’est pas miniature et que le petit garçon écoutant sa leçon de musique classique n’est pas une marionnette. Et il n’y a pas que le mobilier et l’électrophone qui datent des années 60. La mentalité aussi.
On s’en rend compte lorsque le film commence dans un camp scout où le chef procède, une clope au bec, à l’inspection matinale de sa petite troupe. Un gamin manque à l’appel : Sam, le souffre-douleur, un peu schtroumpf à lunettes. L’alerte est alors déclenchée sur cette île au large de la Nouvelle Angleterre, reliée deux fois par jour au continent par un ferry. L’île nous a d’ailleurs été présentée géographiquement. Mais aussi dramatiquement : une tempête est attendue dans trois jours.
Alors que les scouts et le policier local ont entamé les recherches, un autre enfant a disparu : Suzy, l’aînée un peu spéciale des quatre enfants Bishop, ce couple d’avocats dont on vient de visiter la maison en détail. La bonne nouvelle - pour le policier -, c’est que Sam et Suzy se connaissent et ont pris la clef des champs, ensemble, pour vivre une grande aventure naturelle. Comme marcher à travers les bois, pagayer dans les rivières, cuire au feu de bois du poisson fraîchement pêché, dormir sous la tente ou encore tomber amoureux, pour la première fois. A douze ans.
Cette grande aventure, Wes Anderson la raconte à sa manière, avec décalage et avec style, ce qui, d’une certaine manière, est la même chose, puisqu’il s’agit d’établir une distance entre le spectateur et la situation.
Et cette distance est absolument délicieuse. D’abord, elle est élégante, dans le sens artistique. Il y a le goût dans la composition du plan, la beauté des objets. On dirait des dessins vivants de Norman Rockwell. Puis, elle est chargée d’humour : du burlesque (une mère appelle ses enfants à table au mégaphone) au poétique (une fille fugue en emportant une grosse valise pleine de livres), en passant par le comique de situation et l’ironie adulte. Ensuite, elle est musicale, carrément magique comme la partition de Britten. Et enfin, elle est intense, de cette intensité des choses qu’on vit pour la première fois, d’autant que notre orphelin et notre aînée "dérangée" selon ses parents, se sentaient seuls au monde jusque-là.
On retrouve dans "Moonrise Kingdom" toutes les caractéristiques du cinéma de Wes Anderson : la famille (Tenenbaum) qui dysfonctionne, le caractère obsessionnel du héros (comme celui de "Rushmore"), le jeu bille en tête et décalé (à la Bill Murray). Mais après l’expérience animée de "Mr Fox", le charme du petit monde de Wes Anderson s’en trouve démultiplié, plus abouti, plus loufoque, plus inversé (les adultes se comportent comme les enfants). Bref, ce septième film de Wes Anderson est son meilleur, le plus enchanté.
Rarement, il a été donné de voir un réalisateur ressembler autant à son œuvre, dégager le même charme, la même fraîcheur, ce même éclat d’enfance dans le regard, ce même décalage dans le soin porté aux vêtements hors mode. Le film dont il est aussi le scénariste avec Roman Coppola, est-il inspiré de ses propres souvenirs ? "J’ai plutôt puisé dans les souvenirs que j’aurais aimé avoir. Tout ce qu’on peut ressentir lorsqu’on est enfant et qu’on est amoureux, à sens unique", répond Wes Anderson tout souriant. Un peu ému aussi d’être au festival de Cannes pour la première fois entouré du fidèle Bill Murray, de Tilda Swinton, Edward Norton et Bruce Willis (à contre-emploi dans un rôle attachant). "Je travaille avec des amis, des gens que je vois régulièrement. Je n’ai pas d’expérience de théâtre mais mes tournages ressemblent au travail d’une troupe théâtrale. Chaque film est comme une réunion entre amis".
"Comme si on était invité à un mariage, ou un camp de vacances" enchaîne Tilda Swinton, irrésistible à l’écran. "J’en rêvais" déclare Edward Norton. "Comme tant d’autres acteurs, de vivre cette expérience de troupe, comme les membres du Mercury Theater d’Orson Welles. Wes Anderson réussit à créer cette sorte de troupe idéale du cinéma moderne. Il n’y a pas de caravane, c’est un peu comme un camp d’été. En fait, il joue un peu mon personnage dans le film, celui d’un chef scout qui se lance dans une aventure. Il crée cette atmosphère du temps des copains, quand on s’amusait à se maquiller, à enfiler des costumes pour tourner un film dans la maison familiale et le jardin."
Envoyé spécial de La Libre à Cannes, Fernand Denis