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Matthias Schoenaerts, tête de star - Entretien
Publié le 16 mai 2012 dans Actu ciné
La révélation de “Tête de bœuf” fait son entrée à Cannes par la grande porte. La porte Audiard.
On sait ce qu’il advient aux acteurs qui passent chez Audiard. Emmanuelle Devos, Romain Duris, Tahar Rahim vous le diront : Audiard, ça rime avec César. Quasi inconnu en France et dans le reste du monde - "Bullhead" (Rundskop - Tête de bœuf) est son seul film distribué à l’étranger - la performance de Matthias Schoenaerts dans "De rouille et d’os" aux cotés de Marion Cotillard n’en sera que plus percutante.
L’acteur, lui, reste cool, charmant, dispos, modeste. Rencontré à Paris, il savoure l’instant, le chemin parcouru et se prépare à découvrir Cannes du haut des marches. Il se souvient de comment tout cela a commencé : "J’ai fait un casting. Le directeur m’a dit que Jacques voulait me rencontrer. Je pense qu’il avait vu "Bullhead". On a travaillé pendant deux jours. Quelques semaines plus tard, j’ai appris que c’était moi".
Jacky, son personnage de "Bullhead", et Ali, celui de "De rouille et d’os", sont des individus très, très physiques. L’un a-t-il servi de préparation pour l’autre ? "Non, pour moi, ce sont deux univers totalement différents. Jacky est dans un état d’esprit tourmenté, dépressif. Ali ne l’est pas du tout, il a ses problèmes mais il prend chaque jour comme il vient. Il est dans l’instant."
Malik dans "Un prophète" ou Ali dans "De rouille et d’os" ont en commun cette impression qu’Audiard les accouche à l’écran dans la première scène. On ne saura rien de leur vie avant. Matthias Schoenaerts a-t-il imaginé un passé à Ali ? "Bien sûr. Je m’étais raconté une histoire. Bien avant que le film commence, il s’est pris une claque après l’autre. Il a presque tout perdu dans sa vie et il est à la recherche d’un abri. Il débarque chez sa sœur qu’il n’a pas vue pendant cinq ans. Il a pris avec lui son fils qu’il n’a pas élevé jusque-là. Il doit apprendre à le connaître, à être responsable, mais il ne comprend rien à tout cela. Il n’a pas d’ambition, pas d’idée de ce qu’il veut faire de sa vie. Il est aussi à la recherche de quelque chose de chaleureux, de l’amour, sans vraiment s’en rendre compte."
Matthias Schoenaerts parle d’abri et il se dégage, de son personnage, une réelle animalité. "Oui, il a quelque chose d’animal, mais aussi de très humain. Ali n’a pas de pitié mais il est naturellement tendre, ce n’est pas un choix. Il ne choisit pas d’être tendre parce que Stéphanie a un problème. Il est sincère, très simple. Il est égoïste, il est primaire, mais il n’a pas d’arrière-pensées, il ne calcule pas, il est franc, direct. Ali s’exprime par le corps, il n’a pas les mots, c’est son corps qui exprime ce qu’il ressent."
C’est à l’évidence une caractéristique de l’acteur qui en impose d’abord avec son corps, que ce soit en gourou charismatique d’une communauté hippie d’Amsterdam dans "My Queen Caro", en Jacky ou en Ali. "Je n’en suis pas toujours conscient. Le corps est un aspect de la préparation. Pour les scènes de combat, il fallait être précis, sinon cela peut mal se passer. Alors, on a travaillé pendant des semaines. Ce sont des scènes importantes, c’est le seul talent, la seule chose dans sa vie où il était plus ou moins bon. Et cela aide à payer le loyer de sa sœur, à nourrir son fils et à canaliser ses frustrations. Mais ce n’est qu’une partie. Le travail du comédien se fait sur un être total : c’est l’esprit, c’est le cœur, c’est le corps. Et puis, il y a l’instinct. J’aime avoir de l’espace pour la vie, pour l’impulsion."
Est-ce angoissant ou excitant pour ce jeune acteur de travailler avec un réalisateur aussi prestigieux et aux côtés d’une star mondiale ? "Excitant, bien sûr. Ce fut une expérience énorme, je n’ai jamais travaillé avec un réalisateur qui a une perception aussi fine de son personnage. Cela m’avait manqué de travailler avec un réalisateur qui cherche avec une telle intensité. Quant à Marion Cotillard, je me suis dit "Waoww" en apprenant que j’allais travailler avec elle. Et puis, on se retrouve sur le plateau avec une partenaire très généreuse en face de soi."
Dans la carrière de Matthias Schoenaerts, ce passage à Cannes est assurément une étape marquante, un tremplin. Peut-être même un rêve qui se réalise ? "Non, pas un rêve, je n’ai jamais rêvé de cela. C’est peut-être pour cela que cela me touche. Comme la célébration du travail d’une équipe. Mais je le vois aussi comme un point d’où je peux regarder le petit chemin que j’ai parcouru. Ça me touche de me retrouver à Cannes avec un tel film. Je ne vais pas trop romantiser la chose mais ça bouge pour moi, des univers s’ouvrent avec des opportunités de travailler avec des cinéastes excitants. Mon guide, c’est mon cœur. Coup de cœur pour le scénario, pour le personnage, pour les collègues, pour le metteur en scène. J’aime bien me laisser emporter et je suis un peu nomade. Maintenant, je vais tourner un film avec Guillaume Canet. Il a vu "Bullhead" avec Marion et il m’a contacté pour me proposer un rôle. Et j’ai encore plein de choses à lire. Mais je vais me reposer cet été, je suis claqué, il faut se ressourcer aussi... "
Fernand Denis
L’acteur, lui, reste cool, charmant, dispos, modeste. Rencontré à Paris, il savoure l’instant, le chemin parcouru et se prépare à découvrir Cannes du haut des marches. Il se souvient de comment tout cela a commencé : "J’ai fait un casting. Le directeur m’a dit que Jacques voulait me rencontrer. Je pense qu’il avait vu "Bullhead". On a travaillé pendant deux jours. Quelques semaines plus tard, j’ai appris que c’était moi".
Jacky, son personnage de "Bullhead", et Ali, celui de "De rouille et d’os", sont des individus très, très physiques. L’un a-t-il servi de préparation pour l’autre ? "Non, pour moi, ce sont deux univers totalement différents. Jacky est dans un état d’esprit tourmenté, dépressif. Ali ne l’est pas du tout, il a ses problèmes mais il prend chaque jour comme il vient. Il est dans l’instant."
Malik dans "Un prophète" ou Ali dans "De rouille et d’os" ont en commun cette impression qu’Audiard les accouche à l’écran dans la première scène. On ne saura rien de leur vie avant. Matthias Schoenaerts a-t-il imaginé un passé à Ali ? "Bien sûr. Je m’étais raconté une histoire. Bien avant que le film commence, il s’est pris une claque après l’autre. Il a presque tout perdu dans sa vie et il est à la recherche d’un abri. Il débarque chez sa sœur qu’il n’a pas vue pendant cinq ans. Il a pris avec lui son fils qu’il n’a pas élevé jusque-là. Il doit apprendre à le connaître, à être responsable, mais il ne comprend rien à tout cela. Il n’a pas d’ambition, pas d’idée de ce qu’il veut faire de sa vie. Il est aussi à la recherche de quelque chose de chaleureux, de l’amour, sans vraiment s’en rendre compte."
Matthias Schoenaerts parle d’abri et il se dégage, de son personnage, une réelle animalité. "Oui, il a quelque chose d’animal, mais aussi de très humain. Ali n’a pas de pitié mais il est naturellement tendre, ce n’est pas un choix. Il ne choisit pas d’être tendre parce que Stéphanie a un problème. Il est sincère, très simple. Il est égoïste, il est primaire, mais il n’a pas d’arrière-pensées, il ne calcule pas, il est franc, direct. Ali s’exprime par le corps, il n’a pas les mots, c’est son corps qui exprime ce qu’il ressent."
C’est à l’évidence une caractéristique de l’acteur qui en impose d’abord avec son corps, que ce soit en gourou charismatique d’une communauté hippie d’Amsterdam dans "My Queen Caro", en Jacky ou en Ali. "Je n’en suis pas toujours conscient. Le corps est un aspect de la préparation. Pour les scènes de combat, il fallait être précis, sinon cela peut mal se passer. Alors, on a travaillé pendant des semaines. Ce sont des scènes importantes, c’est le seul talent, la seule chose dans sa vie où il était plus ou moins bon. Et cela aide à payer le loyer de sa sœur, à nourrir son fils et à canaliser ses frustrations. Mais ce n’est qu’une partie. Le travail du comédien se fait sur un être total : c’est l’esprit, c’est le cœur, c’est le corps. Et puis, il y a l’instinct. J’aime avoir de l’espace pour la vie, pour l’impulsion."
Est-ce angoissant ou excitant pour ce jeune acteur de travailler avec un réalisateur aussi prestigieux et aux côtés d’une star mondiale ? "Excitant, bien sûr. Ce fut une expérience énorme, je n’ai jamais travaillé avec un réalisateur qui a une perception aussi fine de son personnage. Cela m’avait manqué de travailler avec un réalisateur qui cherche avec une telle intensité. Quant à Marion Cotillard, je me suis dit "Waoww" en apprenant que j’allais travailler avec elle. Et puis, on se retrouve sur le plateau avec une partenaire très généreuse en face de soi."
Dans la carrière de Matthias Schoenaerts, ce passage à Cannes est assurément une étape marquante, un tremplin. Peut-être même un rêve qui se réalise ? "Non, pas un rêve, je n’ai jamais rêvé de cela. C’est peut-être pour cela que cela me touche. Comme la célébration du travail d’une équipe. Mais je le vois aussi comme un point d’où je peux regarder le petit chemin que j’ai parcouru. Ça me touche de me retrouver à Cannes avec un tel film. Je ne vais pas trop romantiser la chose mais ça bouge pour moi, des univers s’ouvrent avec des opportunités de travailler avec des cinéastes excitants. Mon guide, c’est mon cœur. Coup de cœur pour le scénario, pour le personnage, pour les collègues, pour le metteur en scène. J’aime bien me laisser emporter et je suis un peu nomade. Maintenant, je vais tourner un film avec Guillaume Canet. Il a vu "Bullhead" avec Marion et il m’a contacté pour me proposer un rôle. Et j’ai encore plein de choses à lire. Mais je vais me reposer cet été, je suis claqué, il faut se ressourcer aussi... "
Fernand Denis
