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"Le rock pour sortir de la dépression" : entretien avec Sean Penn

Publié le 22 mars 2012 dans Actu ciné

Rencontrer Sean Penn, fabuleux dans "This must be the place", est toujours une expérience en soi.
Les premières images de This must be the place sont étonnantes. En fait, de gros plans sur un rouge à lèvres carmin généreusement étalé, du rimmel délicatement posé sur les yeux. La douceur transpire de chaque mouvement. Puis la caméra recule doucement, pour découvrir le visage efféminé de Sean Penn, coiffé à la manière du Cure Robert Smith ou de l’Indochine Nicola Sirkis. La couche de maquillage plaqué sur ses joues ne peut dissimuler ses rides et sa profonde tristesse.

Nous avons beaucoup discuté, Paolo Sorrentino et moi, de l’impact de la dépression au niveau physique, explique-t-il. Il avait une idée très précise de la présentation du personnage. C’est un plaisir rare, pour nous, acteurs, de pouvoir s’inscrire dans sa vision des choses, de relever le challenge. C’est comme s’il jouait du piano et que moi je n’avais qu’à tourner les pages. Paolo est un grand maître de la réalisation de notre époque. Je suis sûr qu’il continuera longtemps à fournir un cinéma original.

Là, on sent bien que Sean Penn vient de fournir un effort surhumain. Jamais plus, par la suite, il n’alignera autant de phrases à la suite. Même pour évoquer sa rencontre avec Paolo Sorrentino, alors qu’il présidait le jury du Festival de Cannes. “En lui remettant le Grand Prix pour Il divo, je lui ai serré la main et dit quelque chose comme : N’importe quand, pour n’importe quel projet…

Loquace, il ne l’est pas plus au moment d’évoquer ses sources d’inspiration ou au moment de trouver le look de l’ex-star du rock qu’il campe à l’écran. Mais le peu de mots qu’il consent à émettre ne manquent pas de sel pour autant. “Le rock’n roll, c’est quelque chose d’important. Un genre de maladie de société de politesse. Ce film suit sa propre histoire. C’est une sorte de poursuite pour sortir de la dépression. Ce qu’a toujours été le rock, d’ailleurs.

Même après plusieurs relectures, le doute sur la signification profonde de cette sentence reste de mise. Alors qu’on hésite entre l’inscription hors de prix dans une secte au charabia ésotérique ou fumer l’intégralité du tapis rouge cannois (ce n’est pas donné non plus) quand il consent à fournir quelques explications supplémentaires. “C’était intéressant de composer une rock star de 50 ans qui est restée enfant. La relation père-fils est en plus compliquée par le nazisme.

Pour avoir vu le film, on sait ce qu’il veut dire, mais le prix Nobel de la clarté n’est toujours pas en vue. “Quand on regarde ce qu’est la notion de vengeance aujourd’hui, la façon dont on l’aborde aux États-Unis, même récemment, comme lorsqu’on a tué Ben Laden par exemple, avec toutes les réactions émotionnelles que cela a suscitées, c’est sûr qu’on peut établir un lien avec le film. Mon personnage est quelqu’un d’innocent, de naïf, qui fait une recherche qui correspond finalement à ce qu’il exige de lui-même. C’est le seul moyen, d’un point de vue philosophique, de traiter ce thème de la vengeance. C’est beaucoup plus qu’un simple voyage.

Cela, on vous le confirme.


Patrick Laurent

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