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Jamie Bell a deux amours, Tintin et Spielberg: interview

Publié le 26 octobre 2011 dans Actu ciné

Qu’il a découverts non pas à 7, mais à 8 ans.
Tintin, désormais, c’est lui : Jamie Bell. A 25 ans, celui qui fut "Billy Elliot", dès 15 ans, a endossé les culottes de golf et l’imper du reporter. Enfin, virtuellement, puisqu’il a joué tout le film devant un écran vert, revêtu d’une combinaison bardée de capteurs de mouvements. Le comédien britannique a commencé à lire Tintin non pas à 7, mais à 8 ans. Au même moment, assure-t-il - trop beau pour être vrai ? -, il découvrait "Jurassic Park" et le cinéma de Steven Spielberg.

Etiez-vous vraiment un fan de Tintin ?
Je pense sincèrement que Tintin n’a pas d’équivalent. A tout le moins aux Etats-Unis. Dans les bandes dessinées nord-américaines, il faut que tout soit "super" : supercostumes, superhéros, supergadgets... Tintin est juste lui-même. Et il est une balise morale pour les enfants. Quand j’avais 8 ans, je voulais être comme lui : noble, loyal, courageux, héroïque. Et découvrir le monde. Je continue à trouver que c’est un personnage formidable.

Mais en comparaison, n’est-ce pas précisément un personnage un peu ennuyeux à interpréter ?
Non. Quand Superman ou Batman ont des ennuis, on sait qu’ils vont trouver un super truc à faire. Et c’est juste une affaire de biscotos. Avec Tintin, il doit trouver une solution. Il a seulement son cerveau et ses poings. Et puis, Tintin évolue dans un monde plus réaliste.

Avez-vous discuté de la personnalité de Tintin avec Spielberg et Jackson ?
Oui. Nous l’avons défini comme un personnage honnête, à l’ancienne, avec des valeurs un peu rétro. Et qui n’aura de cesse de trouver une réponse à la quête qu’il poursuit. Ce qui pimente un peu les choses, comme dans la bande dessinée, c’est la présence de Haddock, un alcoolique. On pourrait se poser la question de savoir pourquoi ils ne peuvent pas se passer l’un de l’autre. Je crois que Tintin a besoin qu’on ait besoin de lui. C’est une idée que je trouve intéressante. On pourrait d’ailleurs creuser cela. Je crois que l’une des réussites du film, c’est la description de cette relation entre les deux personnages. Les Dupondt sont plus élémentaires. Tintin est le héros que l’on sait. Avec Haddock, cela devient un peu un buddy movie, mais cette relation est très riche et bien rendue dans le film, à mon avis.

Quel âge donnez-vous à Tintin ?
Je dirais qu’il a 15-16 ans. Je crois qu’Hergé disait qu’il n’avait pas plus de 16 ans.

Comment se déroule une audition en motion capture ?
Je connaissais Peter Jackson pour avoir travaillé avec lui sur "King Kong". La motion capture a ceci de particulier qu’on est en permanence enregistré, suivi par les caméras à 360°. Le moindre mouvement, le moindre souffle sont codés. La conséquence est qu’on joue réellement avec tous les muscles. La performance de l’acteur se rapproche plus de la danse. Tintin est, de surcroît, un personnage extrêmement physique. Dans les bandes dessinées, il est tout le temps en mouvement. Mais dans un film, il ne s’agit plus de reproduire l’action dans une image fixe. Il faut l’interpréter tout le temps (il se lève et mime Tintin qui réfléchit, s’agenouille, court). On ne peut pas juste poser la tête dans la main et prendre une mine inspirée. C’est un peu plus théâtral comme interprétation. Comme j’ai une formation de danse, j’étais assez à l’aise avec cela. Je crois aussi que ma familiarité avec le personnage m’a amené à lui donner une sensibilité européenne, ou du moins non américaine, dans son langage corporel. Pour l’audition, je ne prétends pas avoir emporté la mise d’un claquement de doigts, mais j’ai tenté d’insuffler d’emblée cette énergie physique qui lui est propre. Je me suis rappelé mes 8 ans, quand je me projetais en Tintin.

N’est-ce pas frustrant de jouer caché derrière un avatar ? Certains penseront que vous n’avez fait qu’interpréter la voix de Tintin.
Oui. C’est un peu frustrant. Alors qu’on s’est donné à fond. Le premier jour de tournage, nous avons filmé la scène où Milou pourchasse un chat et met sens dessus dessous l’appartement de Tintin. Et Tintin essaye d’attraper les deux animaux. Je courais, je bondissais, je voulais impressionner Spielberg. Après trois prises, les gars m’ont dit : "Faut que tu te calmes, tu ne tiendras jamais huit semaines à ce rythme !" De fait, il ne s’agissait pas que de mimer vaguement une scène en récitant son texte. Je rentrais certains soirs avec autant de bleus que si j’avais joué Batman ! Mais cette dimension physique de la motion capture me plaît vraiment.

Quel effet cela fait-il de se voir en Tintin ?
C’est une sensation bizarre : c’est à la fois moi et pas moi. C’est très perturbant, parce qu’évidemment, le résultat est à des années-lumière de ce que nous voyions pendant le tournage. D’un côté, il y avait nous, les comédiens, avec nos combinaisons sur un fond vert. Ce qui donnait sur un écran de contrôle des personnages animés grossièrement. Mais cela ressemblait plus à un jeu vidéo basique, bien loin de la perfection du résultat final. Une scène pleine d’action donnait quelque chose de très saccadé, avec des mouvements deux ou trois fois plus lents. C’était assez désespérant, parfois. Mais tout reposait sur la confiance dans l’équipe d’animateurs de Weta. Je suis impressionné par le résultat. C’est vraiment magique. Spielberg a réalisé quelque chose de fantastique en portant à l’écran l’univers d’Hergé. Et Peter Jackson a contribué à rendre tout cela possible.

Le travail du réalisateur est-il de la même nature en motion capture que sur un tournage classique ?
Non, il est beaucoup plus créatif avec la mocap. Steven a vraiment été le réalisateur du film jusqu’au dernier jour de la postproduction. Chaque décision prise a un impact sur l’image et peut modifier la perception du film. Je l’ai vu faire apporter des modifications sur tel ou tel personnage à l’arrière-plan, alors qu’il était en train d’enregistrer la partition musicale avec John Williams. C’était comme un peintre qui remettrait en permanence son ouvrage sur le chevalet. Ce qui a dû rendre fous les gars de Weta en Nouvelle-Zélande, qui devaient peaufiner encore et encore.

Peter Jackson fut-il très présent sur le tournage ?
Oui. Durant les deux premières semaines, il était présent. Ce qui était assez intimidant : avoir deux réalisateurs de cette envergure en train de juger votre travail. Ils sont très différents, mais complémentaires. Avoir les deux ensemble auraient pu être contreproductif. Avec certains, cela aurait pu tourner à la guerre d’egos. Mais pas avec eux. Ce fut une collaboration très fructueuse. Et ils partageaient la même passion pour l’univers de Tintin. Ils étaient obsédés par la volonté de faire justice à l’oeuvre. Après, Peter a suivi le tournage par Skype. Il travaillait déjà sur Bilbo, mais passait des heures et des heures sur Skype avec nous. Il était totalement investi dans le film.

Vous avez joué le héros dont vous étiez fan enfant sous la direction du réalisateur dont vous étiez fan. Que faire maintenant ?
Ah oui, j’ai atteint le sommet ! Je ne sais pas si effectivement je pourrais surpasser un jour cette expérience.

Vous jouerez encore dans une dizaine d’albums de Tintin ! Lequel aimeriez-vous voir adapté ?
"Tintin au Tibet". Je rêve d’escalader une montagne sans avoir à l’escalader. Ou "Objectif Lune". Pour la même raison : aller sur la Lune en restant sur Terre.


Alain Lorfèvre

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