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Vincent Garenq : un film pour rendre sa dignité à Alain Marécaux - Interview
Publié le 14 septembre 2011 dans Actu ciné
Fidèle au récit de l’huissier de justice embarqué dans l’affaire
d’Outreau, Vincent Garenq accouche dans Présumé coupable d’un réquisitoire contre l’aveuglement d’une certaine justice française...
Drôle de parcours que celui de Vincent Garenq. Avant de décrocher le Prix Europa cinéma du meilleur film européen au récent Festival de Venise, le Français a galéré pendant des années à la télé, réalisant à la chaîne des épisodes de "Sous le soleil". Après un premier essai pas vraiment réussi avec "Comme les autres" en 2008, sur l’adoption par les couples homos, Garenq trouve enfin avec "Présumé coupable" le ton juste.
Outreau a profondément marqué la France. La pression était-elle d’autant plus forte ?
L’affaire d’Outreau a été un énorme traumatisme en France. En Belgique, je pense que vous en avez conscience; c’est équivalent à l’affaire Dutroux. Les deux sont d’ailleurs très liées. Quand je me suis lancé dans ce projet, heureusement que je n’ai pas mesuré la responsabilité que cela représentait. J’ai tout simplement lu le livre d’Alain, qui n’était pas du tout un best-seller, vendu à seulement 30 000 exemplaires. Alain était une figure que l’on avait aperçue comme ça au coin d’un JT. Il a touché les Français à un moment donné, mais c’est tout. Je n’avais pas du tout envie de faire un film sur Outreau; j’avais même un a priori négatif sur cette histoire glauque. Mais le bouquin m’a fait plonger dans quelque chose que je ne supposais pas pouvoir arriver. J’avais l’impression de lire du Kafka, en France, au 3e millénaire !
Il y a dans ce film une volonté de coller au plus prêt de la réalité des faits. Pourquoi ?
Je ne vois pas comment faire autrement. Romancer, j’en étais incapable. Quand j’ai lu le livre et rencontré Alain, je lui ai dit que ce que je voulais, c’était raconter son histoire et rien que son histoire. Et lui était d’accord de céder les droits du livre que si l’on n’inventait pas de scènes de bagarre en prison ou de passage à tabac en garde à vue. Il voulait qu’on raconte la stricte vérité. Sans s’être concerté, on était donc d’accord Le livre génère déjà le film. Quand on le lit, on a envie de raconter cette stricte vérité, car elle est inimaginable.
Se sent-on responsable de l’image que l’on peut donner du juge Bourgaud, par exemple ?
C’est instinctif. Quand j’écris les dialogues de Burgaud, quand je me mets dans sa peau, j’essaye de l’humaniser. Au point qu’on me dit parfois que, dans la réalité, il était beaucoup moins sympa que cela. Pareil pour Myriam Badaoui. Elle était un peu simplette. C’est pour ça que c’était intéressant de l’humaniser. On la rend mère, on ne la charge pas, on ne la rend pas monstrueuse. Si Marécaux a été très rapidement capable de lui pardonner, c’est parce qu’elle n’a pas toute sa tête. Alors qu’il n’a toujours pas pu pardonner au juge Bourgaud. C’est vrai que tout le système a disjoncté, mais lui était au premier rang. Les innocentés ont été traumatisés par Burgaud.
Sur quels éléments vous êtes-vous basé pour écrire le scénario du film ?
J’avais une responsabilité, j’étais obligé de tout savoir. J’ai lu le bouquin d’Alain et je l’ai mis de côté. Je l’ai relu six mois après pour voir si mon désir était toujours aussi intact. Ensuite, j’ai lu tout ce qui avait trait à l’affaire d’Outreau. Chaque petit détail dans le scénario est basé sur le réel. Plonger dans un dossier d’instruction, c’est passionnant. Le film est construit sur le témoignage de Marécaux -c’était essentiel pour moi-, mais le dossier d’instruction a aussi passé deux ans chez moi. Toutes les petites choses que l’on voit dans le film, les contradictions, sont issues de ce dossier.
Philippe Torreton est impressionnant dans ce rôle. Pourquoi l’avez-vous choisi ?
Je savais que ce serait quelqu’un qui voulait vraiment le rôle, pas quelqu’un qui ferait ça à la légère. Chez Philippe Torreton, j’ai senti tout de suite cette volonté de s’engager. C’était spectaculaire. Il a annulé tout ce qui était prévu, alors qu’on n’était même pas encore financé !
Quelle a été l’implication d’Alain Marécaux dans ce film ?
Il a été consultant au scénario parce que je voulais qu’il s’y reconnaisse, qu’il le valide, qu’il me dise des choses qui n’étaient pas dans le livre. Et il est toujours là aujourd’hui pendant la promotion. C’est l’identité du film, il le hante, mais c’est normal. C’est un homme détruit. Il dit que les quatre étapes de sa reconstruction, c’est son livre, qu’il a écrit et qui est paru avant son acquittement, l’acquittement, sa réhabilitation en tant qu’huissier et le film.
Hubert Heyrendt
Outreau a profondément marqué la France. La pression était-elle d’autant plus forte ?
L’affaire d’Outreau a été un énorme traumatisme en France. En Belgique, je pense que vous en avez conscience; c’est équivalent à l’affaire Dutroux. Les deux sont d’ailleurs très liées. Quand je me suis lancé dans ce projet, heureusement que je n’ai pas mesuré la responsabilité que cela représentait. J’ai tout simplement lu le livre d’Alain, qui n’était pas du tout un best-seller, vendu à seulement 30 000 exemplaires. Alain était une figure que l’on avait aperçue comme ça au coin d’un JT. Il a touché les Français à un moment donné, mais c’est tout. Je n’avais pas du tout envie de faire un film sur Outreau; j’avais même un a priori négatif sur cette histoire glauque. Mais le bouquin m’a fait plonger dans quelque chose que je ne supposais pas pouvoir arriver. J’avais l’impression de lire du Kafka, en France, au 3e millénaire !
Il y a dans ce film une volonté de coller au plus prêt de la réalité des faits. Pourquoi ?
Je ne vois pas comment faire autrement. Romancer, j’en étais incapable. Quand j’ai lu le livre et rencontré Alain, je lui ai dit que ce que je voulais, c’était raconter son histoire et rien que son histoire. Et lui était d’accord de céder les droits du livre que si l’on n’inventait pas de scènes de bagarre en prison ou de passage à tabac en garde à vue. Il voulait qu’on raconte la stricte vérité. Sans s’être concerté, on était donc d’accord Le livre génère déjà le film. Quand on le lit, on a envie de raconter cette stricte vérité, car elle est inimaginable.
Se sent-on responsable de l’image que l’on peut donner du juge Bourgaud, par exemple ?
C’est instinctif. Quand j’écris les dialogues de Burgaud, quand je me mets dans sa peau, j’essaye de l’humaniser. Au point qu’on me dit parfois que, dans la réalité, il était beaucoup moins sympa que cela. Pareil pour Myriam Badaoui. Elle était un peu simplette. C’est pour ça que c’était intéressant de l’humaniser. On la rend mère, on ne la charge pas, on ne la rend pas monstrueuse. Si Marécaux a été très rapidement capable de lui pardonner, c’est parce qu’elle n’a pas toute sa tête. Alors qu’il n’a toujours pas pu pardonner au juge Bourgaud. C’est vrai que tout le système a disjoncté, mais lui était au premier rang. Les innocentés ont été traumatisés par Burgaud.
Sur quels éléments vous êtes-vous basé pour écrire le scénario du film ?
J’avais une responsabilité, j’étais obligé de tout savoir. J’ai lu le bouquin d’Alain et je l’ai mis de côté. Je l’ai relu six mois après pour voir si mon désir était toujours aussi intact. Ensuite, j’ai lu tout ce qui avait trait à l’affaire d’Outreau. Chaque petit détail dans le scénario est basé sur le réel. Plonger dans un dossier d’instruction, c’est passionnant. Le film est construit sur le témoignage de Marécaux -c’était essentiel pour moi-, mais le dossier d’instruction a aussi passé deux ans chez moi. Toutes les petites choses que l’on voit dans le film, les contradictions, sont issues de ce dossier.
Philippe Torreton est impressionnant dans ce rôle. Pourquoi l’avez-vous choisi ?
Je savais que ce serait quelqu’un qui voulait vraiment le rôle, pas quelqu’un qui ferait ça à la légère. Chez Philippe Torreton, j’ai senti tout de suite cette volonté de s’engager. C’était spectaculaire. Il a annulé tout ce qui était prévu, alors qu’on n’était même pas encore financé !
Quelle a été l’implication d’Alain Marécaux dans ce film ?
Il a été consultant au scénario parce que je voulais qu’il s’y reconnaisse, qu’il le valide, qu’il me dise des choses qui n’étaient pas dans le livre. Et il est toujours là aujourd’hui pendant la promotion. C’est l’identité du film, il le hante, mais c’est normal. C’est un homme détruit. Il dit que les quatre étapes de sa reconstruction, c’est son livre, qu’il a écrit et qui est paru avant son acquittement, l’acquittement, sa réhabilitation en tant qu’huissier et le film.
Hubert Heyrendt