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“J’ai été broyé par la justice” : interview d'Alain Marécaux
Publié le 13 septembre 2011 dans Actu ciné
Alain Marécaux évoque l’erreur judiciaire d’Outreau dans un film centré sur ses quatre années de calvaire, Présumé coupable.
Près de six ans après son acquittement et la reconnaissance de son innocence totale dans l’affaire d’Outreau, Alain Marécaux n’arrive à parler que très difficilement du cauchemar vécu. Régulièrement, les mots ne sortent plus, tant sa gorge est nouée. Et les larmes inondent ses yeux. L’injustice dont il a été la victime pendant 4 longues années a laissé une blessure béante. Qu’il a tenté de soigner par un livre, Chronique de mon erreur judiciaire, brillamment adapté au cinéma par Vincent Garenq. Présumé coupable sort mercredi en salle. Attendez-vous à recevoir une claque.
“J’avais peur que le cinéma se contente de racheter les droits d’un livre et dénature mon vécu, une souffrance et vienne en rajouter. Je ne voulais pas des techniques cinématographiques, qu’il y ait des gardiens ripoux (je n’en ai pas vu donc pas question qu’on en mette), que je sois tabassé pendant ma garde à vue parce que je ne l’ai pas été. Je ne voulais pas qu’on puisse ajouter des choses comme ça.”
Pourquoi avoir changé 12 fois le scénario ?
“Il a fallu faire des choix. Et pour moi, cela a été difficile. Un exemple tout bête : dans la vraie vie, j’ai deux sœurs. Dans le film, il n’y en a plus qu’une. On a dû faire une synthèse des deux. Il y a aussi le choix de ne pas parler de la chambre de l’instruction, des experts judiciaires, des journalistes, du conseil général du Pas-de-Calais qui était administrateur ad hoc de mes enfants et qui les a détruits. Ce n’était pas non plus un règlement de comptes. Or, c’est vrai que moi, parfois, j’allais plus vers le règlement de comptes. En plus, il y avait un contentieux familial que j’aurais aimé vider avec ce film.”
Comment avez-vous vécu la première vision ?
“J’ai pleuré et je regardais Philippe (Torreton) à côté qui pleurait aussi. À la fin, même moi qui connaissais l’histoire, qui l’ai vécue, qui ai été sur le tournage, j’ai reçu une baffe. (il marque une longue pause, ndlr). Christophe Rossignon et Vincent Garenq étaient là aussi, et ils m’ont dit avoir été très anxieux de ma réaction. Ce que je leur ai dit, c’est : Je m’y retrouve, je ne suis pas trahi.”
Vous êtes capable de le revoir ? En en parlant, vous avez les larmes aux yeux.
“Je l’ai vu sept fois. Il y a une émotion forte. Mais c’est le vécu après… Quand je vois la salle se lever (il marque un temps d’arrêt), applaudir (sa gorge est nouée), il y a une chaleur. Et ça m’a tant manqué (les larmes envahissent ses yeux). J’ai eu un accident de la vie : j’ai rencontré Fabrice Burgaud et Myriam Badaoui. Pendant mes quatre ans de calvaire, quatre ans durant lesquels ma vie va être en suspens, quatre ans de coma, je ne vais pas être respecté. Je vais être broyé par une institution qui est là pour me protéger. Et c’est le cinéma qui me respecte (les larmes reviennent). Et ça, je ne m’y attendais pas. Vincent (Garenq), Philippe (Torreton), Christophe (Rossignon, le producteur) ont été militants de ma cause, ils ont respecté ma souffrance et celle de mes enfants… Mes deux fils ont travaillé en régie, et ma compagne actuelle fait un petit rôle de figuration (pas un mot, par contre sur sa fille, avec qui les ponts sont actuellement coupés). Mes sœurs voulaient être sur le film et elles y sont.”
Vous parvenez à trouver du positif !
“Vous savez, avant Outreau, j’étais un malade de boulot. Je ne faisais que ça : travailler. J’ai vécu à côté de ma femme et mes enfants, pas avec. Maintenant, avec ça, je positive la vie. L’essentiel, ce sont les enfants, ma conjointe, cette sphère, ce cœur : c’est l’humain. On se trompe parfois dans ses priorités et je me suis trompé. Maintenant, j’ai changé.”
Patrick Laurent
“J’avais peur que le cinéma se contente de racheter les droits d’un livre et dénature mon vécu, une souffrance et vienne en rajouter. Je ne voulais pas des techniques cinématographiques, qu’il y ait des gardiens ripoux (je n’en ai pas vu donc pas question qu’on en mette), que je sois tabassé pendant ma garde à vue parce que je ne l’ai pas été. Je ne voulais pas qu’on puisse ajouter des choses comme ça.”
Pourquoi avoir changé 12 fois le scénario ?
“Il a fallu faire des choix. Et pour moi, cela a été difficile. Un exemple tout bête : dans la vraie vie, j’ai deux sœurs. Dans le film, il n’y en a plus qu’une. On a dû faire une synthèse des deux. Il y a aussi le choix de ne pas parler de la chambre de l’instruction, des experts judiciaires, des journalistes, du conseil général du Pas-de-Calais qui était administrateur ad hoc de mes enfants et qui les a détruits. Ce n’était pas non plus un règlement de comptes. Or, c’est vrai que moi, parfois, j’allais plus vers le règlement de comptes. En plus, il y avait un contentieux familial que j’aurais aimé vider avec ce film.”
Comment avez-vous vécu la première vision ?
“J’ai pleuré et je regardais Philippe (Torreton) à côté qui pleurait aussi. À la fin, même moi qui connaissais l’histoire, qui l’ai vécue, qui ai été sur le tournage, j’ai reçu une baffe. (il marque une longue pause, ndlr). Christophe Rossignon et Vincent Garenq étaient là aussi, et ils m’ont dit avoir été très anxieux de ma réaction. Ce que je leur ai dit, c’est : Je m’y retrouve, je ne suis pas trahi.”
Vous êtes capable de le revoir ? En en parlant, vous avez les larmes aux yeux.
“Je l’ai vu sept fois. Il y a une émotion forte. Mais c’est le vécu après… Quand je vois la salle se lever (il marque un temps d’arrêt), applaudir (sa gorge est nouée), il y a une chaleur. Et ça m’a tant manqué (les larmes envahissent ses yeux). J’ai eu un accident de la vie : j’ai rencontré Fabrice Burgaud et Myriam Badaoui. Pendant mes quatre ans de calvaire, quatre ans durant lesquels ma vie va être en suspens, quatre ans de coma, je ne vais pas être respecté. Je vais être broyé par une institution qui est là pour me protéger. Et c’est le cinéma qui me respecte (les larmes reviennent). Et ça, je ne m’y attendais pas. Vincent (Garenq), Philippe (Torreton), Christophe (Rossignon, le producteur) ont été militants de ma cause, ils ont respecté ma souffrance et celle de mes enfants… Mes deux fils ont travaillé en régie, et ma compagne actuelle fait un petit rôle de figuration (pas un mot, par contre sur sa fille, avec qui les ponts sont actuellement coupés). Mes sœurs voulaient être sur le film et elles y sont.”
Vous parvenez à trouver du positif !
“Vous savez, avant Outreau, j’étais un malade de boulot. Je ne faisais que ça : travailler. J’ai vécu à côté de ma femme et mes enfants, pas avec. Maintenant, avec ça, je positive la vie. L’essentiel, ce sont les enfants, ma conjointe, cette sphère, ce cœur : c’est l’humain. On se trompe parfois dans ses priorités et je me suis trompé. Maintenant, j’ai changé.”
Patrick Laurent