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BIFFF 2011 : l'ennemi intime du cinéma fantastique

Publié le 6 avril 2011 dans Actu ciné

Pour sa 29e édition, le BIFFF tente de résister aux productions mainstream.
Bon an, mal an, le Festival du Film fantastique de Bruxelles (BIFFF pour les intimes) continue son exploration du rouge et du noir au cinéma - et à ses marges, singulièrement. Bientôt trente éditions (plus qu’une année à ne pas dormir), et toujours toutes griffes dehors, l’événement déroulera son tapis rouge sang du 6 au 19 avril.

"La source semble s’être tarie", note l’équipe du BIFFF dans son édito de cette 29e édition. Pas quantitativement, notez : sur six cents films potentiellement candidats à la programmation, les organisateurs du BIFFF en ont visionné quatre cents, pour en retenir dans leurs quatre compétitions soixante-six.

Mais, qualitativement parlant, victimes du regain d’intérêt des grands studios, le fantastique et ses déclinaisons, jadis espaces d’expression des cinéastes contrebandiers (de Jacques Tourneur à John Carpenter) ou des artisans inspirés (de Robert Wiene à Peter Jackson), sont menacés d’uniformisation mainstream à coups de remakes (après "Massacre à la tronçonneuse", "La colline à des yeux", "Freddy" et Cie, à quand "Les dents de la mer" ?), de franchises surexploitées ("Saw") ou de faux phénomènes ("Paranormal Activity") C’est comme si, des plus grands studios aux derniers des wannabe, chacun est en quête de son coup, avec plus ou moins de moyens.

Est-ce pour cette raison qu’on a le sentiment que la programmation même du BIFFF semble souffrir de grande ligne de force ? Certes, les programmateurs annoncent une thématique "nouvelle" traversant une majorité de films de leur sélection 2011 : l’introspection - ou quand l’ennemi est intérieur (flippe : ça sonne comme du Guéant ). "Balada Triste de Trompeta", d’Alex de la Iglesia, en ouverture, s’inscrit dans ce courant : au premier comme au second degré, ses protagonistes sont, en effet, responsables de leurs propres démons. Joyeusement baroque et foutraque, voici au moins une séance inaugurale qui devrait réjouir la frange la plus expressive du public toujours très participatif du BIFFF - la montée sur scène de Carolina Bang, très plastique rôle féminin, laisse déjà rêveur quant aux poétiques injonctions qui seront proférées

Au moins, trouve-t-on là une entrée en matière forte et provocante - denrée rare ces dernières années au BIFFF. Ailleurs, pourtant, la programmation donne une impression schizophrénique : pointant l’inflation des déclinaisons en tout genre, les têtes chercheuses du BIFFF alignent pourtant un sous-"Jaws" australien ("The Reef"), des titres ronflants comme "Alien vs Ninja" ou, en clôture, "Monsters", de Gareth Edwards, qui nous refait le coup de la terre postapocalyptique peuplée de mutants et de l’argument commercial low cost (15000 dollars de budget, une équipe de quatre pelés, acteurs inclus); on craint le pire, on jugera sur pièce

De même, on ne sait si, aussi buzzés soient-ils, des films comme "Troll Hunter", film norvégien surfant sur la vague "Cloverfield" (elle-même resucée du jalon "Blair Witch Project") ou le finlandais "Rare Exports : un conte de Noël" (avec des elfes amateurs de petits garçons) offriront beaucoup de nouveautés, hormis leur ancrage dans le folklore scandinave. Et on ne nourrit plus beaucoup d’espoir dans le fantastique français - trop référentiel, ici, trop américanisé, là. Faudra déjà pas confondre "La Proie", d’Eric Valette, qui nous a déçus, avec "Proie", d’Antoine Blossier (devenu "Prey" pour se distinguer), qui s’annonce meilleur, de même que "Captifs", de Yann Gozlan. A contrario, on émet quelques doutes quant à "Territories", d’Olivier Abbou, ou "Mutants", de David Morley (alias Morlet : comme c’est subtil) qui traîne dans les tiroirs de son distributeur depuis près de deux ans.

Faisandé comme un zombie le fantastique ? Voire et à voir. Le salut viendra peut-être une fois de plus d’Asie. Des vieux amis, Takeshi Miike et ses "Thirteen assassins", ou Shinya Tsukamoto, même si on attend "Tetsuo : The Bullet Man", fin de sa trilogie vingt ans après ses débuts, avec un mélange de curiosité et d’appréhension - l’inspiration du bonhomme semble tarie de longue date. On a plus confiance, par contre, en la livraison annuelle venue de Corée du Sud. Tout récent grand prix du Festival de Gérardmer, "Bedevilled" arrive précédé d’une réputation flatteuse de premier film choc signé par Yang Chul-soo qui semble suivre les traces de ses aînées Kim Ki-duk (période "L’île"), Park Chan-wook, Bong Joon-ho ou du petit dernier en date Na Hong-jin ("The Chaser"). Comme ceux-ci et le meilleur du cinéma coréen, Yang s’ingénie à brouiller les pistes et mélanger les genres pour un résultat qui devrait en surprendre plus d’un. Bon sang ne saurait mentir, son compatriote Kim Jee-woon ("A Tale of Two Sisters", Corbeau d’argent en 2004 au BIFFF) triture, lui aussi, les codes, en l’occurrence, ceux du film de vengeance, dans "I Saw the Devil", également couronné à Gérardmer, et plutôt trois fois qu’une : Prix de la critique, du public et du jury jeunes. Qui dit plus prometteur ?

Alain Lorfèvre - La Libre Belgique

FESTIVAL DU FILM FANTASTIQUE DE BRUXELLES
Du 6 au 19 avril
Tour & Taxis

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