Pedro Almodovar fut d'abord le joyeux provocateur d'une movida festive et libertaire, secouant avec une allégresse orgiaque ce qui pouvait rester du joug franquiste sur une jeunesse enfin libre aussi dans sa tête. Ses films sexy et colorés, faisant fi des censures et du bon gôut, furent comme les emblèmes sur pellicule d'un mouvement d'autant plus volontiers excessif qu'il se piquait d'en finir une fois pour toutes avec les vestiges de la pensée totalitaire et du dogme religieux. Vaste programme, qu'un Almodóvar électrisé, électrisant, sut incarner dans sa version la plus gaie (et gay !).

Ensuite, l'auteur pointa sous le provocateur, affirmant tout à la fois un style et un propos personnels et passionnants. La sensualité s'affirma par-delà le spectacle décomplexé du sexe, la palette de couleurs s'étoffa, celle des émotions prit le pas sur la sensation toute puissante des débuts.

Et le bouillant Pedro devint un des cinéastes majeurs de sa génération, acquérant dans le monde entier une réputation certes toujours un peu sulfureuse, mais d'une audace plus largement partageable que celle de ses premiers films.


Et vint la maturité (Almodóvar aura 60 ans le 24 septembre prochain). Gagnant une audience toujours plus nombreuse et toujours plus internationale, le cinéaste est devenu et reste une figure majeure du 7e art en ce début de millénaire. Un artiste aimé tant par la critique que par les spectateurs, une quasi-certitude dans une époque oh combien incertaine. Seul un Woody Allen peut se targuer, sans doute, d'avoir comme lui un peu partout des " fidèles " qui attendent chaque nouveau film avec cette confiance que l'on n'accorde - dans la vie réelle - qu'aux plus chers amis.

Moins prolifique que son aîné new-yorkais, Pedro Almodóvar partage avec lui, sinon une approche esthétique (chacun étant sur ce point on ne peut plus différent !), en tout cas cette manière de puiser ses sujets à la source intime de son propre vécu, et des gens qu'il connaît, qu'il connaît et qu'il aime.


Né quelques années après la Seconde Guerre mondiale à Calzada de Calatrava (Castille), Pedro Almodóvar Caballero quitta sa province natale à l'âge de 8 ans, quand ses parents gagnèrent l'Estrémadure. Ses études l'amenèrent chez les Franciscains, dont l'influence n'allait pas spécialement s'exprimer - sauf à rebours, peut-être - dans les premiers films du jeune homme parti à 19 ans pour Madrid avec des rêves de cinéma plein la tête.

Tout en travaillant... à la Compagnie nationale du téléphone, Almodovar apprit la vie, la liberté, et la réalisation avec la petite caméra 8mm qu'il avait pu s'acheter. Est-ce avec cette dernière qu'il tourna en 1978 l'un de ses premiers essais : Folle, folle, folleme Tim! Un petit film plein de sexe et de fureur, resté quasi invisible depuis...


De Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier à Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? en passant par Labyrinthe des passions et Dans les ténèbres, le jeune réalisateur commit coup sur coup des ovnis cinématographiques aux audaces assumées et aux délires à peine contrôlés. Dès Matador (révélant Antonio Banderas en 1985) et La loi du désir, deux œuvres plus profondes et maîtrisées, l'on sut qu'un vrai, un futur grand cinéaste, était né.

La suite allait clairement confirmer la chose, sur le mode léger des comédies Femmes au bord de la crise de nerfs et Attache-moi !, ou sur celui plus complexe et parfois nostalgique de Talons aiguilles et Kika. Puis vint, après le sensible La fleur de mon secret, le premier chef-d'œuvre et l'avènement de l'Almodovar " mûri " : En chair et en os.

Plus personne ne put être surpris, ensuite, de voir s'épanouir les bouleversantes complexités de Tout sur ma mère, Parle avec elle, La mala educacion et Volver. Un dernier film au féminin pluriel, comme les affectionne celui que marquent les mélodrames de Douglas Sirk, et dont la filmographie vient de s'enrichir d'un nouvel opus : Etreintes brisées.


Le programme complet :
04.06 - 17:00 Pepi, Luci, Bom y otras chicas del montón
07.06 - 19:00 Laberinto de pasiones
08.06 - 19:00 Entre tiniebals
10.06 - 19:00 ¿Qué he hecho yo para merecer esto?
12.06 - 17:00 Matador
13.06 - 19:15 La ley del deseo
14.06 - 19:00 Mujeres al borde de un atque de nervios
25.06 - 19:00 Mujeres al borde de un atque de nervios
16.06 - 19:15 ¡Átame!
21.06 - 17:00 ¡Átame!
17.06 - 19:15 Tacones lejanos
20.06 - 19:15 Kika
21.06 - 21:15 La flor de mi secreto
22.06 - 19:00 Carne trémula
23.06 - 21:30 Carne trémula
24.06 - 21:00 Todo sobre mi madre
26.06 - 17:00 Todo sobre mi madre
27.06 - 19:15 Habla con ella
29.06 - 17:00 Habla con ella
28.06 - 21:00 La mala educación
30.06 - 17:00 Volver