Ce qui choque profondément dans « Après lui », c’est le manque de retenue au niveau de l’émotion. Gaël Morel accumule des scènes toutes aussi déchirantes les unes que les autres au point de tuer totalement, par force répétitive, tout sentiment. On sent qu’il est fier de filmer Catherine Deneuve, et que tout les scénario est axé sur sa présence. A l’image d’un Téchiné il a voulu lui servir lui aussi un rôle en or. Certes elle excelle, et nous touche plus par ses silences que par ses larmes, mais cela apparaît trop souvent comme commandé. On ne voit qu’elle et son énorme prestation fait de l’ombre à tous les autres acteurs. Seul Guy Marchand s’en sort honorablement. Gaël Morel semble totalement dépassé, et donne à son film un côté amateur. Les scènes se suivent, les dialogues s’enchaînent pesamment dans un ensemble copié collé de part et d’autre. L’ennui gagne au fur et à mesure de l’intrigue. Pas étonnant que Christophe Honoré fut perturbé de voir le film qu’il avait co-écrit et qui a été retravaillé par la suite, sans lui. On n’y trouve ni la dureté de leur précédente collaboration, « Le clan », ni même l’originalité. Un film désarticulé et un rendez-vous manqué entre Morel et Deneuve, mais aussi entre Morel et ses fans. Dommage !

Et j'avais raison de l'attendre si impatiemment... Certes, un film pareil peut rebuter et c'est dommage. Il peut déranger et c'est tant mieux. Il peut aussi bouleverser et là, ça devient intense et saisissant. Sur un sujet dramatique au goût de déjà-vu, Gaël Morel tisse pourtant un film original et très fort. Bien sûr, il y a des larmes, beaucoup de larmes, cependant le film n'est jamais pleurnichard. Le spectateur partage d'abord la douleur de cette femme, puis est intrigué par son comportement et la suit à l'aveugle, tour à tour méfiant, attendri, inquiet pour elle ou effrayé par elle, mais il est le plus souvent son seul complice, son seul allié soutenant sa démarche et souhaitant qu'elle ne tombe pas. On peut être révolté, déconcerté ou compréhensif devant l'attitude de cette femme et en même temps qui peut se permettre de juger la réaction d'une mère (ou d'un père) après une telle tragédie? La direction d'acteurs est parfaite, une mention spéciale à Guy Marchand, fort et discret à la fois. Et puis il y a Catherine Deneuve dont la composition laisse sans voix! Elle a beau avoir près de 50 ans de carrière derrière elle, 100 films au compteur, on a l'impression de la découvrir à chaque scène. Poignante, désarmante, inquiétante, et même drôle par moments, elle n'a pas son pareil pour exprimer aussi magistralement la dualité de ses sentiments, force et effondrement, dignité et perte de contrôle, lucidité et folie douce... En un film, elle fait oublier toutes les participations à d'autres qui ne la méritaient pas ces dernières années. Au royaume des monstres sacrés du cinéma français, elle reste vraiment la dernière reine.