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Jan Ole Gerster, sacré gamin !

Publié le 5 juin 2013 dans Actu ciné

A 21 ans, il était chauffeur pour Harvey Weinstein et faisait le café pour Tom Tykwer. Rencontre avec Jan Ole Gerster, nouveau prodige du cinéma allemand, dont le premier film, Oh Boy!, fait le tour du monde.

Oh Boy ! est votre premier film et c'est un immense succès. Comme l'expliquez-vous ?

C'est le premier scénario que j'ai écrit sans penser au public, sans me mettre aucun frein, sans me préoccuper de savoir si les gens iraient le voir. C'est le paradoxe, car c'est un succès en Allemagne, il a été acheté un peu partout en Europe, il vient d'être acheté aux Etats-Unis. Je ne peux pas m'empêcher d'y voir une leçon. Il faut se libérer de toutes ces soi-disantes règles du succès : il faut que ce soit en couleurs, il faut que le personnage principal soit actif et non passif etc. Sur le papier; Oh Boy! n'était pas censé être un succès. Je crois que ce que le public aime vraiment, c'est que vous soyez honnête et authentique. Je ne sais pas si une règle absolue. On en reparlera dans quelques films !


Quels sont vos références ? On pense un peu à la Nouvelle Vague.

Mes influences tiennent du monstre de Frankenstein. Je n'ai en tout cas pas voulu faire apparaître mes références à l'écran, même si elles peuvent paraître évidentes. C 'est vrai que la première scène ressemble à un hommage à A bout de souffle de Godard. L'actrice est une amie. Il était prévu de longue date qu'elle apparaisse dans mon film. Mais deux mois auparavant, elle a dû couper ses cheveux pour un autre film. Et quand elle est arrivée sur le plateau, elle avait ce t-shirt. Tout à fait Jean Seberg. On s'est dit, ok, ça va ressembler à un clin d'oeil appuyé à Godard, mais, m..., assumons. C'est comme le jazz. Je n'avais pas vraiment prévu d'illustrer le film avec du jazz. Je pensais plutôt à des partitions chantées. Mais cela sonnait trop triste, trop dramatique. Le jazz est venu apporter un peu de légèreté. Mais avec le noir et blanc, évidemment, on repense encore à la Nouvelle Vague ou à Manhattan de Woody Allen.


Peut-on voir dans Oh Boy ! un commentaire sur Berlin et sa gentrification ?

Oui et non. Ce n'était pas mon intention de faire un film sur Berlin ou un film de génération. Mais j'ai quand même tenté de capturer l'essence du Berlin que j'aime et qui est en train de disparaître, effectivement. Le théâtre off d'artistes où nous avons tourné a été racheté par une banque. C'est tout un symbole qui résume bien le changement que Berlin connaît depuis le début des années 2000. mais encore une fois, je voulais faire un film plus universel, même si je montre la ville que je connais et sa réalité.


Avez-vous un mentor ?

Je ne sais pas. J'ai commencé à travailler dans l'industrie à 21 ans. J'ai intégré la société de production fondée par Tom Tykwer (Lola Court) et Wolfgang Becker (Goodbye, Lenin !). Je les ai harcelés. J'ai dû les appeler au moins quarante fois. Ils ont fini par me dire : « soit vous êtes fou, soit vous voulez vraiment ce boulot ». J'ai dit que je voulais vraiment le boulot ET que j'étais fou. Ils m'ont pris. Et ce furent les meilleures années de ma vie. Tom venait de faire Cours, Lola Cours, des tas de coproductions internationales se montaient à Berlin. Tout d'un coup, je me retrouvais à faire le chauffeur pour Harvey Weinstein qui débarquait pour travailler avec nous. Wolfgang m'a beaucoup aidé et guidé. Wolfgang fut très généreux. Il savait que je rêvais de faire du cinéma. Je faisais le café, mais il m'emmenait dans les réunions de production. J'ai pu apprendre sur le tas. C'est pour ça que je me suis ennuyé à l'école de cinéma ensuite. Rien ne pouvais remplacer cette expérience concrète. Aujourd'hui, avec tout ce qui se passe autour de Oh Boy!, je me tourne vers Tom (Tykwer) pour lui demander conseil. Faut-il que je prenne un agent aux Etats-Unis ou pas, que j'accepte tel ou tel projet ? Il me dit d'y aller prudemment, de ne pas me précipiter aux Etats-Unis. Sur sa propre expérience, il me dit que tout est différent là-bas. Et que le plus important c'est d'abord et avant tout de me remettre au travail. Le plus important c'est d'abord un bon scénario. C'est ce qui manque le plus dans ce milieu. 


Entretien : Alain Lorfèvre

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