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“J’aime l’humour noir” - Entretien avec Patrice Leconte

Publié le 3 octobre 2012 dans Actu ciné

Pour Patrice Leconte, suicide et joie de vivre vont bien ensemble !
Cela devait forcément arriver un jour. Après avoir commencé sa carrière comme dessinateur à Pilote, le réalisateur des trois Bronzés, du Mari de la coiffeuse, d’Une chance sur deux ou de La fille sur le pont devait, un jour ou l’autre, s’attaquer au dessin animé. Avec Le magasin des suicides, un film d’animation qui marche sur les traces des Noces funèbres de Tim Burton, Patrice Leconte ferme donc la boucle. À 64 ans.


Pourquoi un dessin animé à partir de ce livre de Jean Teullé ?
J’adorais le livre. On me l’avait proposé voici quelques années, mais cela me semblait impossible. Sauf en dessin animé : c’était parfait. J’ai tout de suite pensé en faire un film musical aussi. C’était un vieux rêve. C’était idéal : les chansons servent de contrepoint à l’humour noir. Je voulais que ce soit très graphique, comme les livres de l’enfance.

C’est un film construit sur les contrastes, avec des suicides et de la joie.
Vous mettez le doigt sur un élément essentiel. Je pouvais plonger loin dans la noirceur car à la même seconde, j’exprimais de la gaieté, de la joie. Ce contraste est à la base du projet. Cela m’aurait été impossible de faire un film uniquement pessimiste : ce n’est pas ma nature. Il fallait qu’il y ait, bizarrement, une joie de vivre dans le film. C’est pour ça que j’étais heureux de pouvoir acheter les droits de la chanson de Trenet, Y’a d’la joie, pour illustrer les suicides du départ. C’est très important de donner la bonne tonalité dès le début, ce que j’appelle le coup de diapason, pour que les spectateurs sachent où je les emmène.

Vous vous écartez beaucoup du roman…
Oui. Les rats qui font des commentaires n’existent pas, par exemple. Jean Teullé lui-même m’a demandé de prendre des libertés pour ne pas simplement l’illustrer. À l’arrivée, il adore. Il m’a dit que c’était son livre et mon film et qu’il aurait aimé avoir l’idée du père qui donne une cigarette à son fils pour qu’il attrape le cancer ! C’est le plus beau compliment qu’il pouvait me faire.

Vous pensez pouvoir montrer ça aux Américains ?
Le père qui donne des cigarettes, la sœur qui fait du strip-tease devant les copains, c’est tellement politiquement incorrect que je ne suis pas sûr que les Américains pourront l’acheter… (rires)”

Pour son strip-tease, la sœur danse avec un voile comme dans Le mari de la coiffeuse. Une autoréférence ?
Je n’y avais pas pensé mais ce n’est pas faux. D’autres estiment que le type qui se suicide sur le pont est une référence à La fille sur le pont. Je dois avoir des obsessions secrètes, inconscientes. En fait, il vaut mieux que je m’arrête vite : je fais tout le temps la même chose ! (rires) Mon prochain film, Le voyage dans le passé, sera sans doute le dernier en prises de vue réelles. Je me vois bien terminer ma vie dans l’animation. C’est plus léger.

On vous voit à l’écran, non ?
Oui, je suis un des clients de la crêperie. Avec Jean Teullé !

Patrick Laurent


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