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"Je me suis protégée psychologiquement": Entretien avec Emilie Dequenne

Publié le 30 mai 2012 dans Actu ciné

Le 13 porte bonheur à Emilie Dequenne, prix d’interprétation à Cannes pour la deuxième fois, cette fois pour son rôle dans "A perdre la raison"
Le 13 lui a porté bonheur. 13 ans après Rosetta, Émilie Dequenne est entrée dans la légende cannoise samedi dernier, pour sa performance dans À perdre la raison. En même temps que dans le club très fermé des comédiennes récompensées deux fois pour un prix d’interprétation.

Tim Roth, le président du jury d’Un certain regard, a souligné sa prestation dans “un film incroyable”. Et Émilie Dequenne lui a emboîté le pas, évitant de tirer la couverture à elle pour rendre hommage au cinéaste qui lui a fait confiance. “J’espérais que Joachim aurait un prix parce que son film est vraiment bien tenu. C’est rare d’avoir de grandes tragédies comme ça à l’écran. Cela a été fait de main de maître, par lui et par toute une équipe vraiment extraordinaire.

Joachim Lafosse dit que vous avez pris des risques psychiquement. C’est vrai ?
Ah non. Je me suis protégée psychologiquement. Je savais qu’aller à fond dans un personnage plongé à ce point-là dans la psychose, plus que la dépression parce qu’il y a une vraie fêlure, j’allais devoir utiliser mes propres névroses pour l’alimenter, y aller à fond, souffrir avec elle quand elle souffre, me poser des questions quand elle s’en pose. Pour ça, il fallait qu’avant le tournage je définisse bien les différences entre elle et moi, que je mette une grande barrière entre elle et moi pour mieux la faire tomber et y aller. Du coup, je ne me suis pas fait mal.

Vous arriviez à couper complètement avec le rôle le soir en rentrant chez vous ?
Oh oui. J’y arrive. Pour certaines séquences, quand elle commence à prendre des médicaments, c’est un peu plus difficile. Cela réclamait beaucoup de concentration. Mais Michel (son compagnon, ndlr) a deux garçons, j’ai une fille, si le soir, je ne suis pas fraîche, nette, dispo, il faut que j’arrête ce métier. Mais cela s’apprend.”

La scène où vous vous mettez à pleurer sur Femmes je vous aime, de Julien Clerc, n’a pas été trop éprouvante ?
Tout le monde me parle de cette séquence-là. J’avais peur. Elle était écrite au scénario, je l’imaginais comme ça, mais j’avais super peur. C’est difficile : on est toute une équipe, on ne sait pas à quelle heure elle va être tournée, si ça se trouve, on devra se dépêcher pour la tourner, on peut être vite déconcentré. Je m’étais vraiment préparée, assez bizarrement, techniquement à la chanson, pour réagir à certaines harmonies, certains mots. On a tous une petite cuisine… Après, parfois, c’est magique, mais je m’étais préparée au cas où cela n’aurait pas pris…

Il n’a d’ailleurs gardé que la sixième prise…
Le pire, c’est qu’il a pris celle-là alors que, de la première à la sixième, j’ai la sensation d’avoir toujours fait à peu près la même chose. Et Joachim me faisait recommencer. Je lui demandais ce qu’il voulait changer, et il me répondait : non, non, rien… Ah ? Bon, on y va (rire). À la sixième, je lui ai dit : ça suffit quand même, non ? (rire). Je crois que cela l’amusait de me voir recommencer.

Avec toutes les polémiques, comment appréhendez la sortie en salle ?
Pas trop mal. Déjà, vu comment ça s’est passé à Cannes, je me sens plutôt bien. De toute façon, ce qui est fait est fait. On verra. Il n’y a plus qu’à laisser faire…


Patrick Laurent

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