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Une Noémie Lvovsky parmi d’autres : interview

Publié le 21 septembre 2011 dans Actu ciné

L’Apollonide est un film de sensation, pas un film à thème positionné autour d’une question, style “faut-il ou non rouvrir les bordels ?”
Entretien à Cannes

Combien existe-t-il de Noémie Lvovsky ? Il y a la réalisatrice des "Sentiments", la scénariste de "Il est plus facile pour un chameau", de Valeria Bruni-Tedeschi, la comédienne, épouse d’Alain Marécaux dans "Présumé coupable" ou, ici, en patronne d’une maison close. C’est celle-là que nous avons rencontrée en mai dernier.

Comment êtes-vous entrée dans la maison close ?

Bertrand Bonello m’a téléphoné. On ne se connaît pas plus que cela, mais on apprécie le travail l’un de l’autre. Il voulait mon avis sur le scénario en tant que scénariste et réalisatrice. Je l’ai beaucoup aimé, mais j’avais des choses à lui dire. On s’est vus, et alors que je lui parlais, j’avais l’impression qu’il pensait à autre chose. Je sais ce que c’est quand on a longtemps travaillé sur un scénario et que quelqu’un vient avec des idées pour le retravailler. On n’en peut plus. Et puis, j’ai compris qu’il pensait à me proposer le rôle de Marie-France, ce qu’il a fait quelques semaines plus tard.

Cette femme a beaucoup de facettes.

Je l’espère. Quand j’étais sur le plateau, je sentais des choses multiples. Je ne pouvais pas me dire que j’exploitais les filles, car on défend toujours son personnage, mais j’avais beaucoup de tendresse pour elles, car j’étais passée par leur chemin, ayant été moi-même une prostituée. Mon idée pour en sortir avait été de devenir tenancière. Il y a une sévérité aussi, je veux qu’elles soient fortes, que la maison tourne.

Avec la forte présence de réalisateurs parmi les acteurs – Beauvois, Nolot, vous-même –, on est forcé de rapprocher la maison close du cinéma.

Bertrand se sent bien avec les réalisateurs, car il y a l’amour des films, des plateaux en commun. On peut établir un parallèle entre le salon et un plateau de cinéma, les filles sont en représentation. Il y a la cantine aussi, mais un tournage n’est pas un bordel (rires). Ce film est réussi, car quelque chose passe entre les actrices, les acteurs, le réalisateur et l’équipe. Bertrand s’est débrouillé pour qu’on forme un vrai groupe, on s’aimait beaucoup. Il n’y avait pas de personnage principal, pas de personnages secondaires, nous étions toutes à égalité.

Il vous arrive souvent de travailler avec d’autres metteurs en scène.

Oui, j’aime participer, me mettre au service des films auxquels je crois. A n’importe quel poste. Quand j’étudiais le scénario à la Femis, je me suis rendu compte que cela n’avait pas de sens d’écrire un scénario si on ne connaissait pas son réalisateur. Je croyais beaucoup au talent d’Arnaud Desplechin, il était chef op’ à l’époque, et voulait devenir réalisateur. Je l’ai aidé en devenant script sur "La vie des morts". Du coup, j’ai travaillé avec des réalisateurs que j’aimais comme Philippe Garrel, Xavier Beauvois. J’ai continué de réaliser. Un jour, quelqu’un m’a demandé de faire l’actrice, et j’ai adoré cela. J’aime les films personnels. Les films qui aiment la mise en scène, qui croient au cinéma.

Le film vous a-t-il fait réfléchir à la prostitution ?

Non. Les filles de "L’Apollonide" sont des prostituées, mais je trouve que le film parle de toutes les femmes. C’est un film de sensation, hanté par la fin, avec une grande mélancolie. Comme c’est un film de sensation, ce n’est pas un film à thème, il ne se positionne pas autour d’une question, style "faut-il ou non rouvrir les bordels ?". Le film parle du temps qui passe, des choses qui ont une fin, des fantômes qui subsistent. C’est un film sur la décadence.


Fernand Denis

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