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"Des choix stratégiques et artistiques" : entretiens avec Ben Stassen et Vincent Kesteloot

Publié le 14 août 2012 dans Actu ciné

Ben Stassen, le patron de nWave, explique l’évolution de son studio. Le coréalisateur de "Sammy 2", Vincent Kesteloot, a fignolé la mise en scène et la 3D.
La vision de “Sammy 2 – L’Aventure continue” ne laisse aucun doute : le studio bruxellois nWave vient de franchir une étape considérable dans son évolution artistique.
L’une des explications résident dans le choix de Ben Stassen, fondateur du studio, actionnaire principal, et jusqu’ici à la fois producteur et réalisateur des deux premiers longs métrages (“Fly me to the Moon” et “Le Voyage extraordinaire de Samy”), de se faire épauler d’un coréalisateur, Vincent Kesteloot. “La plus grande difficulté pour moi a toujours été de porter à la fois les trois casquettes de producteur, d’actionnaire principal et de réalisateur. J’en arrivai à des positions schizophréniques, où je devais me taper sur la tête pour ne pas dépenser plus d’argent, ce qui m’amenait à faire des sacrifices en termes de qualité”, précise Ben Stassen. “Dans le premier “Samy”, nous avons ainsi fait des choix artistiques délibérés. Nous avons travaillé de façon minimaliste. Par exemple, il n’y a jamais plus de deux ou trois personnages en plus de Samy dans chaque scène.”
Une autre raison qui a amené Ben Stassen à ouvrir le poste de réalisation à d’autres que lui est l’évolution stratégique de nWave. Depuis sa création, en 1994, nWave est devenu le leader mondial sur le marché des films en Imax-3D et à effets physiques (“rides” diffusés dans les parcs d’attractions, notamment). Le studio s’est ensuite distingué avec “Fly me to the Moon” (2008), premier film d’animation en images de synthèse belge et premier film de la nouvelle vague 3D, conçu spécifiquement pour une vision en relief. Le studio a attiré l’attention de Studio Canal qui, après avoir distribué “Le Voyage extraordinaire de Samy”, a intégré le capital de la société et conclu un contrat portant sur plusieurs films. Conséquence : nWave va désormais livrer un long métrage d’animation par an. C’est une bonne nouvelle pour l’équipe de quelque 130 animateurs et techniciens, qui est assurée de travailler en continu sur des films ambitieux. “Dans le cadre de cette association, nous sommes sur un plan de distribution d’un film par an. Le temps de production étant en moyenne de deux ans, cela signifie concrètement que nous avons désormais deux films en cours de production en parallèle : pendant que nous en terminons un, la production du suivant démarre. Nous devons donc avoir des réalisateurs distincts pour suivre ces projets. Notre prochain film, “The Enchanted House”, est déjà en cours de production. Il sera coréalisé par Jérémie Degruson. Vincent Kesteloot, pour sa part, travaille déjà sur ce qui sera notre cinquième long métrage, “Robinson Crusoé””, nous explique encore Ben Stassen, dans une pièce où est précisément affiché le storyboard de “The Enchanted House”.
Si nWave s’est fait un nom dans le cinéma Imax, son avenir repose maintenant essentiellement sur les longs métrages d’animation grand public. “Nous conservons notre catalogue Imax qui continue à se vendre très bien à l’international. Mais nous refusons désormais les commandes extérieures. Nous préférons travailler sur nos propres créations. Ce qui ne veut pas dire que nous ne ferons plus de films Imax ou pour parcs d’attractions. Nous venons d’ailleurs d’en faire deux liés au deuxième “Sammy” : j’en ai réalisé un pour les circuits des musées et des parcs scientifiques, et Vincent a conçu un “ride” pour le circuit des parcs d’attractions.”



Le coréalisateur Vincent Kesteloot a fignolé la mise en scène et la 3D.

Vincent Kesteloot n’est pas un nouveau venu chez nWave. Il y a été engagé à l’époque de la production de “Fly me to the Moon”, le premier long métrage d’animation du studio. “J’ai été engagé comme animateur, mais j’y ai fait également ce qu’on appelle du “prévise” – soit la mise en scène, ce qu’on appelait avant le layout en animation traditionnelle. Ben [Stassen] en a été content et m’a confié la supervision du “prévise” sur le premier “Samy”. Là, on a appris à mieux se connaître. Entre le premier “Samy” et celui-ci, j’ai réalisé à sa demande un film de douze minutes pour parc d’attractions. J’en ai assuré l’écriture du scénario, la direction artistique, le “prévise”, la réalisation. Suite à cela, Ben m’a proposé de coréaliser le “Sammy 2”. ”
“Vincent n’est pas un des plus anciens de la nWave, précise Ben Stassen. Mais il est un des rares du studio à avoir une vraie culture cinématographique. Dans les écoles d’animation ou d’infographie, on forme des animateurs, pas des cinéastes. Vincent, lui, connaît le langage du cinéma. Il a un vrai sens de la mise en scène.” “Sammy 2” bénéficie clairement du passé d’animateur de Vincent Kesteloot. Celui-ci insiste sur la dimension collective du travail. “Je n’étais pas dans la situation où je réalisais “mon” film. Je supervisais un travail d’équipe. Ben dit toujours que Pixar ne pourrait pas faire un long métrage avec les 24 millions de budget que nous avons. On est très ouvert aux idées des membres des autres départements. Chacun se responsabilise dans l’intérêt du film. Dirk De Loose, par exemple, qui a supervisé l’animation, a fait un boulot extraordinaire avec son équipe. Je pouvais me reposer sur eux, et on parlait essentiellement des intentions de chaque scène, pas de détails techniques. Tout est une question de confiance collective.”
Avec Ben Stassen, Vincent Kesteloot a eu pour ambition de pousser l’univers de Sammy plus loin. “On ne voulait surtout pas répéter la recette du premier. On voulait surprendre, mais aussi permettre à ceux qui n’ont pas vu le premier film d’apprécier le second. Enfin, on a voulu développer ici une structure narrative plus riche, avec des actions parallèles, des scènes plus rythmées,… ” La 3D, principale expertise de nWave, a aussi été affinée. “On n’est plus dans l’effet gimmick, comme quand un personnage pointe son doigt vers la caméra. La notion de point de vue, qui est essentielle dans le cinéma et dans les intentions de la réalisation, s’accompagne de l’idée que chaque fois qu’on va être en point de vue subjectif, on prend en compte le volume du personnage. Si on a un tout petit personnage ou un plus gros personnage, le déplacement de la caméra ne sera pas le même. Si on est au milieu d’un groupe, la caméra nous place comme un témoin de l’action. C’est ça qui donne aussi l’impression d’immersion.”
Un autre élément capital est l’absence de zoom : “Il n’y a pas de déplacement optique, mais uniquement des déplacements physiques de la caméra – on va vers les choses ou on s’en éloigne. Cette prise de conscience du volume caméra en relation avec le volume personnage fait la réussite du relief. On s’interdit aussi des changements brusques de distance. Pour prendre un exemple parlant, dans une scène de duel chez Sergio Leone, on peut passer d’un gros plan sur les yeux d’un acteur à un plan très large à 60 ou 80 mètres de distance où l’on voit les deux ou trois tireurs face à face. En 3D, c’est épuisant, ou alors il faut diminuer le relief. Dans “Sammy 2”, avec le personnage de Big Boss, qui est tout petit, la caméra est plus près de lui que des tortues, mais on évite avec lui de passer à un plan d’exposition large à un gros plan sur lui. Il faut travailler à la mise en scène un passage en douceur du plan large au gros plan.” Ces multiples apports confèrent à “Sammy 2” les qualités d’un film plus varié et mieux construit.

Alain Lorfèvre

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