Les Petites Marguerites

Titre original: Sedmikrasky
Réalisateur:
Origine:
  • République tchèque
Genre:
  • Comédie dramatique
Année de production: 1966
Durée: 1h16
Tout public
Synopsis : Généralement reconnu comme un chef-d'œuvre de la nouvelle vague cinématographique tchécoslovaque, le film présente l'histoire de deux jeunes filles, toutes deux appelées Marie, qui, en réponse au mal dans le monde, décident de devenir malfaiteurs à leur tour.
  • /10 Vous devez être connecté à votre compte pour coter ce film
    Il n'y a pas suffisamment de cotes (1)

Posters du film Les Petites Marguerites

Avis des internautes du film Les Petites Marguerites

Vous devez être connecté pour ajouter une critique Créez un compte
  • 1
Publié le 22 juillet 2012
Daisies (1966), soit Les Petites Marguerites en français : titre bien innocent pour ces frondeuses cousines tchécoslovaques de Dada et d'Anna Karina qui ne savent vraiment pas quoi faire. Et qu'est-ce qu'elles peuvent faire, sinon constater que puisque le monde est dégénéré, elles le seront aussi. Ces Blondes anti-hawksiennes passées à (sous?) acide (les bains de couleurs aléatoires, les passages de montage rapide animés qui annoncent l’œuvre de Svankmajer) retrouvent la violence aveugle du terrorisme envers la fiction pratiqué par les Marx Brothers avant qu'ils ne se fassent Irvingthalbergiser, et invente toute une poétique du raccord mouvement. Lorsque l'une des deux sœurs saucissonne leur repas avec les ciseaux de Harpo, c'est évident que la veine burlesque la plus débridée prime, en replaçant le corps au centre du dispositif fictionnel (après une séquence d'intro où chacune s'assure que son corps mécanique est bien huilé-graissé pour commencer le film), plus encore que les expérimentations farouches de la nouvelle vague. Et lorsqu'elle en vient à cisailler la tête de sa frangine, c'est carrément l'esthétique du cartoon des années 20 (Felix the Cat et Winsor McCay en tête) qui s'invite. Archaïque et moderne, en voilà une élégante volée de bois vert au bouillonnant mois de mai de deux ans plus tard, et qui reste d'actualité aujourd'hui. Mais la dimension qui élève le film tout en le propulsant en étendard de résistance aux pouvoirs en place, c'est bien sa dimension féministe, à un moment où le MLF se soulevait à peine, d'attaques systématiques contre le patriarcat (les rendez-vous galants se finissent toujours en moquerie des vieux prétendants par de chastes pirouettes burlesques sur le quai de gare). Dans Daisies deux langages contusionnent, l'image vire au vert, puis au marron, au jaune et au bleu avant un fondu au rouge, qui est plus celui du sang que du drapeau. Bizarrement aucun film ne situe aussi bien (Vera Chytilova l'a réalisé en 1966) le virage chromatico-politique de Godard de ses premières années (culminant avec Pierrot Le Fou en 1965) aux années Mao (La Chinoise, 1967). Tout est limpide lorsqu'une machine à écrire sonnant comme une mitraillette inscrit sur fond de bombardements la dédicace : « Ce film est pour tous ceux dont la seule source d'indignation est le bordel monstre ». Amusant : récemment un sondage inepte, probablement inexact mais interpellant (comme tous les sondages) révélait au prix de je-ne-sais-quel enquête pseudo-scientifique que les femmes avaient plus de pensées dans une journée pour la nourriture que pour le sexe, les hommes présentant la tendance contraire -bien entendu... Daisies en est le versant pratique, l'iconographie extrémiste, désagréable jusqu'au dégoût anar de la plus pure gratuité du saccage, la contrepartie politique au banquet « cour des miracles » du Viridiana de Bunuel. Près de cinquante ans après sa sortie, Daisies n'a rien perdu de sa verve, de son attaque en règle de la société de consommation (le dernier repas, saccagé, piétiné, gaspille la nourriture avec une innocence toute perverse qui en choquera plus d'un, toutes classes sociales confondues d'ailleurs) et de la société du spectacle, dans le refus de reconnaitre ces corps comme marchandises, ces personnages comme agréables, cette narration comme aristotélicienne, ce style comme séduisant, alternant au contraire les filtres de couleurs sur le 16mm le plus crade avec une jubilation psychédélique et toute enfantine. « Il n'y a de sens que nommé » (Barthes) ? Il n'y a de non-sens qu’innommable ! Faut pas pushing Daisies dans les orties.
  • 1

Suivez Cinebel