Keep the Lights On

Origine:
  • États-Unis
Genre:
  • Drame
Année de production: 2012
Durée: 1h41
Tout public
Synopsis : Erik est réalisateur de documentaire. Paul est avocat. Tous deux sont homosexuels, l’un assumant, l’autre pas. Ils se rencontrent un soir pour une aventure sans lendemain mais, très vite, décident de se revoir. À mesure que se développe leur relation, chacun, de son côté, continue de combattre ses propres pulsions et addictions.
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  • 1
Publié le 19 novembre 2012
Sensation première : jouissance déjà nostalgique, embaumée, digérée par l'époque en tout cas, de retrouver le grain, le piqué moindre et le principe d'incertitude de netteté du 16mm. La projection est certes digitale, mais quelque chose filtre, vibre encore du passé, et les palpitations des sels d'argent nous paraissent encore plus vivifiantes que lorsqu'on les avaient laissées. Le film prolonge ses sensations. Douloureusement inspiré au réalisateur par une relation étendue sur dix ans avec un consommateur régulier de crack, Keep The Lights On est le récit des temps forts et des éclipses de cet amour, de ses corps-à-corps passionnés et espiègles et de ses absences intolérables, du plein et du manque, etc. sur le mode du carnet de notes intime, mais heureusement tenu à bonne distance de toute complaisance possible. La réussite est d'autant plus frêle, surprenante et timide qu'elle s'arc-boute en permanence sur le violon chevrotant et la voix tremblée de Arthur Russell, situés hors du temps et presque de l'espace, dont les ballades concordent avec les longues déambulations somnambuliques des personnages dans la ville. La plus belle scène (la plus périlleuse aussi) fait se retrouver les deux amants Erik (Thure Lindhardt) et Paul (Zachary Booth) dans une chambre d'hôtel que ce dernier refuse de quitter. Paul demande à Erik de partir pour éviter de lui faire de la peine. Il commence alors à fumer son crack et recevoir un jeune prostitué. Erik attend dans le salon, hésite en entendant les râles de Paul, brûle un peu sa silhouette dans la lumière du dehors, puis retourne dans la chambre sombre. Il attrape la main de son compagnon pendant que le jeune prostitué le sodomise, dans un geste d'une infinie affection et tendresse. La réussite d'une pareille scène est possible par la distance respectueuse que Sachs impose avec ses sujets, mais aussi à ses sujets entre eux : Erik et Paul restent, d'un bout à l'autre de la décennie, qu'ils se disputent sur le statut de leurs métiers respectifs ou passent un temps considérable au lit, des mystères l'un pour l'autre, des effigies autant que des êtres opaques et insaisissables, et bientôt des fantômes. Forme elliptique et allusive, trajet d'une histoire d'amour sur dix ans racontée comme un « festival d'affects » barthésien, ce Keep The Lights On partage beaucoup avec le Laurence Anyways de Xavier Dolan, promenade au ressenti, par à-coups dans une décennie d'un « ni avec toi ni sans toi » invivable, sauf qu'ici la mode majeure de l'époque ne l'emporte jamais sur le mode mineur de l'intime. Ce cinéma de chambre évoque avec un luxe inouï de détails les sentiments en les ornant d'un réalisme photographique cru et de notations sur un quotidien qui tend vers les sommets de l'état de grâce (fussent-ils le fond de la dépression). Et si Sachs cite Nolot ("Avant Que J'oublie" et ses scènes de sexe filmées comme n'importe quelle autre scène) et Pialat ("L'Enfance Nue" et sa construction par événements successifs, par ricochets, association), c'est à Garrel qu'on pense le plus évidemment, la lumière crue et blafarde de New York au petit matin saisie par Thimios Bakatakis, le chef opérateur grec de "Kynodontas" et "Attenberg". Ira Sachs s’embarrasse du sentiment d'abandon, de la puissance douloureuse du souvenir sur l'euphorie du moment vécu en lui-même. Le parallèle avec "Shame" de Steve MacQueen (où l'homosexualité était associée sans plus de précautions au fin fond de la déchéance), autre ballade solitaire dans New York dont Keep The Lights On est l'antithèse absolue, permet de soulever ce qui éclaire ce film, à savoir cette lumière crue, son manque d'afféterie, sa mélancolie intime et pas du tout sociétale, son absence d'effets de manche ostentatoires. Sachs s’embarrasse de sentiments, et pas de formes apprêtées de mise en scène, et c'est bien là que le cinéma gagne. Keep The Lights On et son spleen garrelien ne sortiront pas sur grand écran en Belgique, et c'est bien dommage.
  • 1

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