À perdre la raison

Origine:
  • Belgique
Genre:
  • Drame
Public: Tout public
Année de production: 2012
Date de sortie: 30/05/2012
Durée: 1h51
Synopsis : Murielle et Mounir s’aiment passionnément. Depuis son enfance, le jeune homme vit chez le Docteur Pinget, qui lui assure une vie matérielle aisée. Quand Mounir et Murielle décident de se marier et d’avoir des enfants, la dépendance du couple envers le médecin devient excessive. Murielle se retrouve alors enfermée dans un climat affectif irrespirable, ce qui mène insidieusement la famille vers une issue tragique...

Vidéosdu film À perdre la raison

Actualités du film À perdre la raison

Joachim Lafosse, Emilie Dequenne et Olivier Gourmet triomphent aux Magritte

Le comédien belgo-italien Fabrizio Rongione était le maître de cérémonie de cette soirée, présidée par l'actrice et réalisatrice belge Yolande Moreau.

Record de candidats à l'Oscar du meilleur film étranger

Les favoris seront "Amour" et "Intouchables"
Afficher toute l'actualité de À perdre la raison

Avis des internautesdu film À perdre la raison

Vous devez être connecté pour ajouter une critique Créez un compte
Publié le 9 juin 2012
« A perdre la raison » suscitera sans probablement un clivage de réactions, scindées entre un public belge encore traumatisé par l’actualité dramatique récente à laquelle se réfère ce film sans le mentionner explicitement, et un public étranger non-initié qui devrait le percevoir plutôt comme une œuvre intimiste et/ou fictionnelle. Appartenant à la première catégorie, j’ai toutefois tenu à avoir un abord du film aussi neutre que possible, afin précisément de ne pas ne voir en filigrane de chaque scène que la réplique distillée du quotidien de vie des personnages qui l’ont inspiré. Tâche quasi-impossible cependant ; le film a beau se targuer de n’être qu’« inspiré » du fait divers infanticide que nous connaissons, les parallélismes circonstanciels et le noyau-même du récit en sont manifestement assez proches que pour pouvoir parler de biopic non avoué. On aura beau changer les prénoms, les lieux ou le nombre d’enfants (de 5 à 4), l’évolution psychologique des personnages et les circonstances qui ont pu mener au drame, sont évoquées dans un cadre narratif procédant avec un mimétisme qui n’autorise pas vraiment de doute quant à au désir manifeste de calquer aux circonstances réelles du drame. Le débat sur la pertinence de composer une œuvre de fiction aussi clairement inspirée d’évènements tragiques reste dès lors posée, en dépit du détachement artistique dont se revendique son metteur en scène. Mais autre débat. Pour ce qui concerne les choix artistiques du film, un mot s’impose d’abord quant à ceux de la mise en scène. Lafosse opte pour un mode « documentariste » patent qui privilégie les plans resserrés et filmés caméra à l’épaule. Mode opératoire qui semble du reste recueillir l’aval d’une frange croissante de réalisateurs français contemporains - parmi lesquels Jacques Audiard - soucieux de privilégier un réalisme détaché dans la dramaturgie de leur oeuvre. Ce n’est toutefois pas sans agacer. Le film lasse parfois par un abus systématiques de plans incluant délibérément un bout de porte ou de chambranle sur un côté de l’image par l’effet d’un cadrage se voulant à la fois distant et intimiste, mais qui, à force de réitération, finit par gaver le spectateur d’un effet qui eut pu s’exprimer sans doute avec davantage de variété ou moins d’insistance. Mais cet élément avalisé ou non, on n’en rentre pas moins pleinement dans un récit à l’intensité progressive qui se resserre peu à peu autour de la souffrance du personnage central, relatée avec une élision qui laisse le champ libre à l’empathie du spectateur. Le récit effleure, dans sa narration, les instants les plus dramatiques (en particulier l’infanticide) avec une discrétion de circonstance et une réserve qui ne souffrira bien entendu d’aucun débat. Le film repose largement sur une prestation sans reproches de la part de ses 3 principaux comédiens, avec une mention particulière à Dequenne et Arestrup. Là où le second incarne un docteur égocentrique sous des apparences d’empathie, et totalement inapte – ou non désireux – de percevoir la détresse grandissante d’une jeune femme plongée dans une réalité qu’il a lui-même façonnée, la première réussit pleinement à portraiturer cette jeune adulte amoureuse mais nantie d’un caractère sans doute trop peu affirmé, et qui se fait alors lentement asphyxier par un quotidien de vie à 3 qu’elle n’a pas choisi et qui la prive d’une nécessaire liberté et d’intimité conjugale. La prise sur soi d’une souffrance non exprimée, d’un refus d’écoute de la part des autres et d’un isolement psychologique grandissant où nul ne peut la rejoindre, sont incarnés avec justesse et brio par une Emilie Dequenne talentueuse, et méritant les éloges de ceux qui savent aussi qu’un jeu d’acteur s’exprime autant dans le facial et le non-dit que dans le verbiage. Au final, le film ne condamne personne ; il illustre la cohabitation de trois êtres persuadés chacun d’agir pour le bien mais engrangeant des mécanismes destructeurs chez l’autre avec l’issue fatale que l’on sait. C’est un film d’exposition d’une réalité humaine, faite de faiblesse, de dissemblances et de souffrance.

Publié le 7 juin 2012
Un bon film qui malgré quelques longueurs et un certain classicisme dans la mise en scène nous frappe en plein coeur... L'escalade du drame est très bien construite et analysée avec intelligence. Bouleversant.

Publié le 3 juin 2012
L'affaire Lhermitte n'est que le point de départ, le prétexte de ce film, qui est d'abord et avant tout fondamentalement un film de Joachim Lafosse. Le réalisateur y traite en effet un sujet qu'il avait déjà exploré dans Nue Propriété ou Folie privée : celui du huis clos familial étouffant jusqu'à la folie, jusqu'à la violence. Les acteurs sont tous d'une grande crédibilité et la mise en scène, sobre et efficace, fait de ce film un passionnant moment de cinéma.

Publié le 2 juin 2012
Je suis déçue de ce film et je ne comprends pas très bien la récompense décernée à Emilie Dequenne, je préfère de loin l'interprètation de Marion Cotillard dans "de rouille et d'os", un rôle beaucoup plus fort.

Publié le 1 juin 2012
Il reste décidément une frange psychorigide de la critique de cinéma en Belgique, obnubilée par le sujet et souvent incapable de voir au delà de lui les qualités proprement cinématographiques d'un film, déchiffrer le langage et les sujets d'un auteur derrière leur anecdote de façade. A lire la communication (il ne s'agit pas vraiment de parler du film...) publiée sur A Perdre La Raison avant sa présentation à Un Certain Regard, il semblerait que l'horizon de ces journalistes se limite à la rubrique des faits-divers. La réception clivée du film : tiède et méfiante pour les Belges, unanimement positive à Cannes pour le reste du monde, aurait pu en laisser plus d'un perplexe. Nous n'aurons droit qu'à un changement express de fusil d'épaule. Que discuter en effet ? Lafosse creuse un sillon qui n'appartient qu'à lui, aboutant tragédie antique et réalisme sociétal contemporain et poursuit des thèmes et motifs, qui au-delà de la simple signature d'auteur, tiennent d'une introspection à distance qui ne peut laisser insensible. Lafosse semble même craindre ici tout effet de mise en scène qui marquerait trop son empreinte : il brade quelque peu son esthétique de plans-séquences fermes et tendus pour la plus déliée des caméras épaules, qui évoque une frange peu originale du drame français standard. Mais cette réserve passée, en devançant les reproches absurdes de la critique concernant la « novellisation » en fiction d'un fait divers bien réel (eux-mêmes devancés par un carton au générique), il faut remarquer que Joachim Lafosse trouve là une marge où entrer dans le drame public pour l'amener à une dimension intime vertigineuse. Le voici qui tire sur son territoire des préoccupations particulières et quelques motifs récurrents : le rituel du repas où se distribuent les rapports de force, où on semble toujours cannibaliser les plus faibles, la prolifération et la claustrophobie dans les espaces domestiques, le trafic d'influence d'un aîné sur un plus jeune, la répétition assimilée à une aliénation de l'individu, etc. L'auteur y devient au passage aussi réputé comme celui de quelques grandes figures de méchants du cinéma belge : Niels Arestrup donne ici une stature presque irréelle, hitchcockienne à ce docteur raffiné qui précipite le drame et brûle les autres en pavant leur chemin de bonnes intentions. Nimber d'une zone opaque chaque geste de ce personnage s'avère non seulement une décision cruciale qui renvoie les détracteurs du film à leurs fausses polémiques, mais qui jette un trouble sur la signification du moindre mot, du moindre mouvement, qui détruit toute forme de connivence facile avec le spectateur pour poursuivre une ambivalence qui fait résonner longtemps les paroles en suspens. Les questions morales du réalisateur d'Élève Libre sont d'autant plus profondes qu'elles recoupent au fond des questions de cinéma : où s'arrête et où commence le montrable et l'immontrable (le hors-champ), comment activer des « effets de réels » pour les réutiliser différemment plus tard, comment faire exister par l'absence la transition entre deux états émotionnels ou physiques (l'ellipse). A Perdre la Raison pourrait aussi se regarder, sa finale exceptée, comme une comédie très (très) noire, et l'humour n'en est d'ailleurs jamais absent, jusqu'à l'extrême d'un plan-séquence en voiture sur fond de Julien Clerc qui achève d'en plaquer l'interprétation. Émilie Dequenne y trouve (et de loin) son meilleur rôle depuis Rosetta, justement récompensé par le jury présidé par Tim Roth. C'est avec cette esthétique de l'allusion, ces équations simples qui semblent mener vers une issue fatidique comme poussées par une logique irrépressible, cette éthique de la narration que Lafosse fait œuvre de cinéma : il s'approprie la vérité des faits pour la transférer dans une vérité des êtres.

Ils recommandent ce film

Partager

Suivez Cinebel