Matins calmes à Séoul

Titre original: Buk-chon-bang-hyang
Origine:
  • Corée du Sud
Genre:
  • Drame
Public: Tout public
Année de production: 2011
Durée: 1h19
Synopsis : Après avoir réalisé quatre films, Seongjun enseigne désormais le cinéma dans une faculté de province. Le jeune homme ne sait pas lui-même s’il traverse une crise ou s’il n’est plus capable de filmer. De passage à Séoul, il recroise des amis, des étudiants, des femmes. Il flirte, boit, discute, toujours aux mêmes endroits, jour après jour - à moins qu’il ne revive indéfiniment les expériences du premier jour ? Hong Sangsoo réalise des films inventifs sur la création de films. Dans Matins calmes à Séoul, il a placé sa caméra à la même position dans chaque lieu récurrent, livrant des plans qui semblent identiques, où se dissolvent les repères temporels. Le « Rohmer coréen » signe ici un jeu de miroirs ludique, conservant un ton légèrement mélancolique, rehaussé par le choix du noir et blanc.
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Publié le 30 janvier 2013
Hong Sangsoo en vient, par suite de principes de réduction et de minimalisme d'écriture et de mise en scène, à une condensation inouïe de son art. Depuis « Night & Day », expérience cruciale à l'étranger (le film fut tourné à Paris) et d'une longueur inusitée (2h18), Hong ne cesse de réduire la durée de ses films (celui-ci dure 1h18), de raffiner une figure de cinéaste-critique-protagoniste inactif en manteau à capuche et sac-à-dos et de présenter des héros déboussolés, voyageurs (Isabelle Huppert dans « In Another Country ») ou en transit (Seongjun ici). Cette faculté de bien se servir de ses moyens parce que leur nombre diminue se trouve ici catalysée dans une scène ou Seongjun retrouve son ex Kyungjin après une errance alcoolisée dans la nuit. Comme dans une scène analogue de « Hahaha » (2010), le héros se retrouve à pleurnicher comme un enfant au bord du lit tandis que la fille le réprimande sévèrement. Mais suite à une déclaration d'amour ruisselante de larmes et de soju, la fille craque et tombe à la renverse dans le lit. Seongjun rampe jusqu'à elle et ils confondent leur tristesse et leurs corps retrouvés. Cut abrupt : on retrouve leurs jambes sur le seuil, l'homme s'est déjà rechaussé et les deux amants font le serment de ne plus jamais s'envoyer de messages ou s'appeler. Hong frôle avec cette séquence l'essentiel de son art ; jamais il n'a mêlé de façon aussi proche le grotesque et le pathétique, la compromission et la droiture, le code moral autoproclamé et son infraction. N'importe quel autre réalisateur moins sûr de son art aurait situé cette scène après quarante minutes de film ou dans le dernier acte, voire en climax. Hong la situe à la quinzième minute, et son film parait une étape plutôt qu'une addition au canon de sa filmographie à la production exponentielle. Les zooms et panoramiques se font plus tendres qu'à l'habitude (dans le couloir à la sortie du bar notamment), les vieux amis cessent de se mettre systématiquement dans l'embarras lorsqu'ils passent à table (à part dans une scène hilarante avec l'acteur Jungwon), la nourriture devient presque un temps de partage, et le noir et blanc hivernal très défini contraste et temporise une nostalgie paradoxale, secrète et numérique. Et si les filles demandent toujours aux garçons quel genre de personnalité elles ont selon eux comme pour se jauger face au désir, la neige qui tombe près des deux fumeurs et le ton délié de leurs conversations laisse entrevoir ce qui, de loin (on approche pas chez Hong, on zoome), pourrait ressembler à de la tendresse. La tendresse, c'est peut-être au fond le seul tabou de ce cinéma qui n'est jamais cynique ou misanthrope mais simplement cru, brutal, qui aborde la sexualité de manière plus frontale (voir « La Femme Est l'Avenir de l'Homme ») que chez un Im Sangsoo qui forge dans sa complaisance de façade une marque de fabrique. La tendresse menace les dispositifs de Hong, propose pour ce The Day He Arrives un charme autre, incertain, plus éphémère peut-être, brodé sur le beau et limpide thème de piano de Yong-jin Jeong. Autre instant d'intimité non feinte : les larmes de Boram en plein détresse solitaire lors du repas à trois, dans une de ces séances rohmériennes où les personnages explicitent les traits de la personnalité des autres pour mieux parler de la leur. Le son direct dans The Day He Arrives est extrêmement agressif, toujours en plan très proche (a-t-on utilisé beaucoup de micros HF ?), du froissement des draps au réveil au sac plastique serré qui couvre les baisers des amoureux dans la nuit. La fin est presque parodique, une suite de rencontres fortuites dans la rue comme son cinéma en est constellé, grisantes à force de répétitions. Si une maitrise esthétique est ici à l’œuvre, elle tient probablement à une disponibilité toute particulière du cinéaste et sa méthode qui se raffine (sept jours de tournage, scénario écrit le matin du tournage, équipe réduite : choix économiques donc anticonventionnels) et d'une continuité de la démarche qui livre sa maturité avec une étonnante disposition émotionnelle. Plus serein, plus souriant (notamment dans le démontage des stratégies de drague, les trois étudiants qui imitent le comportement de Seongjun avant qu'il ne s'enfuie effrayé), The Day He Arrives présente aussi un Hong Sangsoo plus paisible et distant, qui aime nous donner ce fortuit et régulier rendez-vous du cœur de proche en proche, dont le dernier en date, « In Another Country » avec Isabelle Huppert, a confirmé l'inclination pour la comédie éperdue et la musique de chambre des sentiments.
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