Aurora

Origine:
  • Roumanie
Genre:
  • Drame
Année de production: 2009
Date de sortie: 20/07/2011
Durée: 3h01
Tout public
Synopsis : Viorel commence sa journée, habité par une inquiétude inexplicable. Sans chercher à y trouver un sens, il se laisse porter par les événements, et au gré du hasard traverse Bucarest d’un bout à l’autre, décidé à mettre fin à l’instabilité qui gouverne son existence depuis un moment déjà et qui a commencé à revêtir des accents douloureux suite à son divorce et à son procès en partage des biens. Viorel a 42 ans, il a deux petites filles et vient de démissionner de sa fonction d'ingénieur métallurgiste chez GRIRO SA.
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  • 7.5/10  Critiques de lalibre.be du film Aurora

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Publié le 7 mars 2012
Viorel, un quarantenaire qui vient d'être licencié (ou de quitter son emploi) couche avec une femme, en épie une autre marchant avec un enfant dans un terrain vague de la périphérie de Bucarest, se rend à l'usine, à l'armurerie, achète un fusil, mange ses tartines en voiture, prend une douche, essaie le fusil, fait des préparatifs pour rénover son appartement,... Vers 1h20 de film, il abat deux personnes dans le parking d'un grand hôtel. Il faudra en tout 3h de film pour comprendre ou du moins entendre ses motivations, et connaitre l'identité des victimes. Puiu le dramaturge a troqué l'absurde pour l'existentialisme, le Ionesco de La Leçon pour le Camus de l'Etranger, mais a gardé intact son humour noir, le cynisme de situations extrêmement tendues (une simple découpe de pommes de terre avec un regard oscillant de la lame du couteau à la jugulaire de la ménagère devient un suspens difficilement soutenable) puis déliées (innombrables gestes non-interprétatifs de Viorel, errances dans des appartements). Au fil d'erratiques plan-séquences semi-répétés pourtant pleins de panache et d'assurance, il coule une chape d'obscurité identificatrice sur ses scènes les plus « béhavioristes » qui contaminent jusqu'à la narration. Il trouve (comme le Rafi Pitts de The Hunter) dans la position du réalisateur-acteur une autre possibilité de ne pas laisser le spectateur s'identifier à son rôle, et jeter aux orties toute psychologie. Difficile d'établir les liens entre les personnages, leur relation d'appartenance les uns aux autres, le dialogue reste extrêmement laconique, les situations floues : tous les principes utilisés par Puiu concourent à brouiller l'intelligibilité de son récit, et c'est tant mieux, puisque ses buts ne sont pas là. Tout le film se dérobe à notre rationnel, notre volonté de rassembler les bribes d'information ; la résistance créée par ce procédé est jouissive pour peu qu'on accepte cette convention nouvelle. La caméra a pris ses distances pour se satisfaire le plus souvent de la captation pure du temps réel, des automatismes des actions humaines. Puiu désosse le thriller comme Skolimowski déshabillait le film d'action : pour en tirer une forme épurée, tendant vers l'abstraction, pour en purger une essence métaphysique qui se dérobe à nous lorsqu'on a le sentiment de l'attraper. Aurora, qui emprunte presque son titre à Murnau, pourrait tout aussi bien s'appeler Essential Killing. La représentation de la violence, qui est l'autre question de ces deux films, Puiu la traite avec un luxe de précision effarant (les préparatifs) et de réalisme terrifiant (le volume des détonations, la rapidité de l'acte) qui ne vire jamais à la boucherie gratuite. Ty Burrs du Boston Globe écrira avec beaucoup de justesse « It's refreshing to be in the hands of a director who knows what violence is ». Sur un plan plus classique, le sujet de la banalité du mal avec refus de psychologie a été vu dix mille fois dans le film d'auteur contemporain, mais peut-être jamais avec une telle obstination descriptive, une telle volonté d'éprouver le spectateur et de le hanter par le temps et la topographie des espaces filmés (la caméra est certes à l'épaule, mais comme chez Straub ou Rohmer, fixée en un seul point de la scène et panote sur son axe pour suivre l'action). 3h de film, ce n'est pas tellement long pour nous donner la sensation de l'importance que c'est d'ôter une vie humaine tout en assistant à l'effondrement moral d'un homme loin d'être un monstre, d'autant qu'aucun tic ou code de jeu d'acteur facile ne vient l'appuyer. « Je vais essayer d'être le plus précis possible » se confie finalement Viorel. Le plus effrayant dans le système Puiu, c'est peut-être encore sa glaçante précision. Ne dévoilons pas davantage l'excellent dialogue final, traversé d'une douce folie, qui nous laisse entendre un temps que nous nous serions fait avoir sur la santé mentale du protagoniste. Le réseau réflexif dans lequel Puiu nous invite à rentrer est bien celui d'un tueur à la frontière de la folie. Nouvelle conscience opaque masculine dans ce cinéma roumain contemporain, proche du policier de Politist, Adjectiv qui aurait basculé au delà de son questionnement sur les lois. Mais Aurora franchit un pas de plus dans la disparition de l'arrière-plan socio-politique qui apparente cette cinématographie nationale à une énième poussée du néo-réalisme. Rien que de l'humain en berne ici, dans des accès de glauque et de tragique en sourdine : c'est toute l'ambition comme la limite du principe. Rien que l'arrachage, méticuleux et finalement transgressif, d'un décorum à son époque, d'un document à sa fiction, de sa part d'ombre à un homme.
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