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Festival de Cannes: Jour 4

Publié le 20 mai 2019 dans Actu ciné

Réel succès en Espagne où il a trouvé l’affiche il y a déjà plusieurs semaines, Dolor y Gloria de Pedro Almodovar promettait-il de faire sensation à Cannes qu’il a conquis les festivaliers comme les journalistes. On ne pourra malheureusement pas en dire autant du pourtant très maîtrisé Little Joe de Jessica Hausner, un film à dessein clinique où la rigueur de la cinéaste allemande s’adoube de la froideur distanciée anglaise. Retour sur cette quatrième journée.
Dolor y Gloria était indéniablement l’un des titres qui promettait de séduire la Croisette et l’accueil qui lui a été réservé, tout comme l’engouement des badauds cherchant à apercevoir Penelope Cruz et Antonio Banderas, en font d’ores et déjà l’un des films phares de cette édition. Suave et mélancolique, Dolor y Gloria s’impose comme le film le plus personnel du réalisateur qui semble esquisser sa propre biographie tout en nous baladant, tendrement, au gré de sa propre filmographie, des codes qu’il a mis en place et de références à d’autres cinéastes. Ode à la figure maternelle qui trouve à la fois les traits fantasmés de Penelope Cruz et ceux adorablement chiffonnés de Julieta Serrano, Dolor y Gloria nous fond au ressenti d’un réalisateur en peine d’imagination et fatigué qui est hanté par un passé dont il doit, d’une manière certaine, faire le deuil afin d’enfin faire celui de celle dont il ne peut se résoudre à la mort. Antonio Banderas livre une prestation foudroyante tant le personnage qu’il interprète paraît authentique et nous livre l’intimité de ses sentiments amoureux (de la naissance de son désir à sa disparition). Nourri d’une mise en abyme qui confère à l’ensemble son caractère romanesque tout en nous conduisant à penser que le réalisateur se met lui-même à nu (en grossissant le trait pour mieux nous perdre), le film nous cueille. Préparez vos mouchoirs !

L’accueil glacial réservé au film de Jessica Hausner a comme intérêt de faire écho à l’approche esthétique de la réalisatrice qui signe pourtant un film pluriellement fantastique. Hypnotique dès son ouverture, Little Joe est un bijou de mise en scène tant d’un point de vue visuel que sonore (outre l’exacerbation clinique de l’approche générale, l’emploi de la musique est saisissant). Si d’aucuns y verront un énième film de genre, elle développe au fil d’une histoire de manipulation génétique un récit sans cesse complexifié autour de l’hypothèse-même de manipulation. La prestation de Jessie Mae Alonzo est étourdissante tant nous nous fondons à son ressenti comme à son point de vue tout en nous en méfiant incommensurablement… L’actrice interprète une chercheuse en biologie qui met au point au plante dont l’objectif est de rendre les gens heureux. Envisagée comme un objet de consommation pouvant remplacer les anti-dépresseurs, cette plante est à dessein stérile. Si son propriétaire s’en occupe avec soin – en lui assurant une bonne température, en lui parlant et en l’arrosant correctement – elle libère une odeur qui agit directement sur son cerveau. Fière de sa création, la chercheuse la partage avec son fils à qui elle offre un des spécimens. Pourtant un doute subsiste sur le caractère inoffensif de cette nouvelle plante qui pourrait transmettre un curieux virus… Le scénario est-il implacable qu’il est teinté d’un humour savoureux et permet à la réalisatrice de nous plonger au coeur d’un théâtre dont l’épure et l’artificialité évoque une certaine mécanisation d’un monde de plus en plus déshumanisé. Implacable.

Du côté des sections parallèles, nous avons vogué à la découverte du très réussi J’ai perdu mon corps de Jérémy Clapin à la Semaine de la critique (une animation maitrisée, un récit alliant suspens et mélancolie) et du très surprenant Zombi Child de Bertrand Bonello à la Quinzaine des Réalisateurs (un film libre et audacieux qui nous fait découvrir le phénomène de zombification et nous plonge dans les vertiges du vaudou).
La soirée se terminera par la projection de la copie restaurée (4K) du magistral Shining de Stanley Kubrick.

Nicolas Gilson

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