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A Gand, une belle expo Romy Schneider. Si si

Publié le 17 octobre 2012 dans Cinéphiles

Le festival du film de Gand a organisé le lancement de l’expo qui se tiendra jusqu’en janvier. Magda Schneider, Alain Delon, Claude Sautet et les autres qui ont compté dans les vies de cette icône. Visite
Chaque année, le festival du film de Gand accueille une exposition autour du 7 e art. A Ingmar Bergman, succède Romy Schneider. Ses parents, Wolf Albach-Retty et Magda Schneider, sont dans les années 30 deux grandes vedettes de la UFA, le grand studio berlinois. Quand on sait la place stratégique du cinéma dans l’arsenal de propagande nazi, il n’existe que deux possibilités pour les comédiens : partir comme Marlène Dietrich ou collaborer comme le feront les parents de la petite Romy née à Vienne en 1938 et donc Allemande pour cause d’Anschluss.

Etant donné les obligations professionnelles de ses parents - qui divorceront en 1943 -, elle est élevée par sa grand-mère à quelques kilomètres du nid d’aigle d’Hitler à Berchtesgaden. Sa mère étant proche du Führer, il arrivera à la petite Romy de jouer avec les enfants de dignitaires nazis. L’expo ne fait pas l’impasse sur cette dimension qui hantera Romy de plus en plus.

Au départ, Romy, diminutif de Rosemarie - les prénoms collés de ses deux grands-mères - ne se destine pas l’art dramatique comme ses parents et grands-parents, mais plutôt au dessin et à la mode. Toutefois, en 1953, la production des "Lilas Blancs" cherche une jeune comédienne pour jouer la fille de Magda Schneider. Celle-ci propose sa fille. Romy, 15 ans, est plutôt petite et potelée, mais elle passe brillamment les tests, car elle prend toute la lumière. La caméra l’adore et cela n’a échappé, ni à sa mère qui voit l’occasion de faire rebondir sa carrière déclinante ni aux producteurs et aux réalisateurs comme Ernst Marischka qui lui fait enfiler les somptueuses toilettes romantiques de "Sissi". L’une d’entre elles trône au centre du premier espace de l’expo au Caermersklooster.

Elle va tourner trois "Sissi" - et quelques autres sucreries germaniques - mais se rebiffe au quatrième. Elle plante maman, Marischka, le prince charmant, pour un tournage à Paris avec Pierre Gaspard-Huit. Le réalisateur de "Christine" lui propose même de choisir son partenaire sur photos. Tous des inconnus, alors, elle prend le plus beau, il s’appelle Alain Delon.

Elle s’installe avec son bel amant à Paris, rencontre Visconti qui, lui aussi, a repéré Delon. Il les voit bien tous les deux sur scène. Deux ans travail pour Romy, pour apprendre le français et son métier en compagnie d’un metteur en scène d’exception. Lorsqu’elle recevra son premier César en 1976, elle ne dira qu’une chose : "J’espère que Luca (Visconti) est content." En 1961, comme en témoigne un programme de la compagnie de Jean-Louis Barrault, Romy Schneider partage la scène avec Alain Delon dans "Dommage qu’elle soit une putain" de John Ford, le dramaturge élisabéthain.

Elle est désormais une vedette internationale, tourne avec Welles ("Le Procès") signe un contrat de sept ans avec la Columbia. Les affiches du deuxième espace le racontent. Elle est la partenaire de Jack Lemmon dans "Prête-moi ton mari", de Peter O’Toole dans "What’s New Pussycat ?", et Clouzot entend dévoiler son potentiel érotique dans "L’enfer" mais le film ne sortira jamais. Au centre, un tailleur Chanel, celui qu’elle porte dans le sketch de "Boccace 70", symbole de la métamorphose de la jeune fille en femme. Une femme qui vient de se faire plaquer. Alain Delon lui préfère désormais Nathalie. Et cela au plus mauvais moment, son échappée américaine s’avère décevante. Romy épouse en 1966 un metteur en scène allemand Harry Meyen et met sa carrière en veilleuse pour s’occuper de leur fils David.

Fin des années 60, c’est au tour d’Alain Delon de lui renvoyer l’ascenseur et la proposant comme partenaire dans "La piscine" de Jacques Deray. On est entré dans le troisième espace, sa période française, ses golden 70 que symbolise, garée dans un coin, une authentique Alfa Romeo Giulietta sprint grise, celle de Michel Piccoli dans "Les choses de la vie". C’est la rencontre miraculeuse d’un cinéaste et d’une interprète. En cinq films, ils vont capter l’air (enfumé) d’une époque. Sautet va styliser la beauté de Romy, l’ovale de son visage, la classe de son chignon et lui ouvrir le cœur des Français. Si l’on s’en tient à ses films, c’est la période la plus heureuse, la plus épanouie de sa vie.

La dernière salle s’intitule "drames". "Le vieux fusil" ou "Le train" témoignent de son engagement au côté des victimes du nazisme. Dans "La mort en direct" de Tavernier et "L’important c’est d’aimer" de Zulawski, elle se bat avec ses démons, la mort et la dépression, avec une intensité troublante. Son "lâcher prise" est tel qu’on ne sait plus si on est dans la fiction ou le documentaire, lorsqu’elle demande à des photographes de cesser de la photographier. C’est bien de la fiction, car la réalité sera plus atroce. En escaladant la grille de la propriété de ses grands-parents, son fils David, glisse et meurt empalé à 14 ans.

Tout au long du parcours, de grands portraits photographiques captent tous les visages d’un être tour à tour juvénile, rayonnant, amoureux, séduisant, gracieux, battant, douloureux, brisé. Autant de facettes d’une existence de star que la cigarette, l’alcool, les antidépresseurs, les somnifères aident à supporter. Jusqu’à ce 29 mai 1982 où elle dépassera la dose.

Fin de parcours ? Trente ans plus tard, cette expo initiée par la Deutsche Kinemathek l’élève au rang d’icône à l’image de ce mur de covers internationales. Elle est plus qu’une actrice car il y a la tache originelle, le succès qui n’attend pas, le couple mythique, des chefs-d’œuvre, une fin tragique en pleine gloire.

La commissaire de l’exposition, Daniela Sannwald tient toutefois rendre compte concrètement de son talent dans cinq mini-salles de ciné ou deux écrans se répondent. Dans une, on la voit en Sissi sur le petit écran alors que sur le grand, elle est en Elisabeth de Bavière, le même personnage mais vu tout autrement par Visconti dans "Ludwig, le crépuscule des dieux". Dans une autre, poignant, elle est "La Passante du Sans-Souci" où elle ne joue pas la dépression alors que sur l’autre écran se succèdent ses visages douloureux.

Grands tirages photos, affiches, robes, livres, films composent un hommage classieux à cette actrice grande comme son écriture, si ronde telle qu’on la voit sur du papier à en-tête de l’Amigo à Bruxelles, voici pile cinquante ans.


Fernand Denis


Jusqu’au 13 janvier,
Caermersklooster,
Vrouwebroersstraat, 6 à Gand.
Tél. : 09.269.29.10.
Tous les jours, 10-17h sauf le lundi.
Entrée : 8 €.
www.caermersklooster.be



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