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A Cannes, c’est le temps de l’amour

Publié le 21 mai 2012 dans Actu ciné

Michael Haneke, Ulrich Seidl, Cristian Mungiu. Trois auteurs confrontent l’amour à la mort, au sexe, à la passion.
C’est le temps de l’amour", chantait Françoise Hardy dans une scène adorable de "Moonrise Kingdom" de Wes Anderson, qui inaugurait le Festival de Cannes. Quelques jours plus tard, c’est toujours le temps de l’amour mais plus le temps des copains. Plutôt celui des Autrichiens.

Amour est le titre du dernier film de Michael Haneke, lauréat de la Palme d’or voici trois ans avec "Le Ruban blanc". C’est même le grand amour, celui qui dure toujours, lorsqu’on découvre ce couple de vieux (Emmanuelle Riva-Jean-Louis Trintignant) qui rentre du concert, si tendre l’un avec l’autre. Mais le lendemain, au petit-déjeuner, elle a une absence.

Médecin, examens, opération. Avec l’aide d’une chaise roulante et d’un lit médicalisé, la vie va pouvoir continuer comme avant. Enfin, pas vraiment. L’un s’occupe désormais de l’autre en permanence, c’est toujours tendre, mais c’est pesant, surtout pour celui qui est dépendant. Et puis arrive une deuxième attaque et ses conséquences.

Ce scénario, des millions de gens le connaissent dans sa grande ligne, seul le décor change. Sans se disperser du côté des péripéties médicales, sans digresser du côté des enfants, sans mener un chantage à l’émotion, Haneke regarde crûment la maladie au travail, ses effets sur l’un, sur l’autre, sur leur couple, sur leur amour. Il prend son temps, un temps qui d’ailleurs ne compte plus pour les protagonistes, et qui laisse de la place au spectateur pour réfléchir devant ce travail de mort. Haneke réussit un film bouleversant de simplicité, d’intensité où le spectateur, enfermé dans un appartement et des cadres fixes, est forcé de s’interroger lui-même sur ce que l’amour veut dire.

Pour Teresa, une Autrichienne d’âge mûr, l’amour, c’est ce qu’elle n’a plus fait depuis longtemps. Les hommes ont disparu de sa vie. Elle s’offre des vacances au Paradis, un hôtel kenyan posé au bord d’une plage de sable blanc, au milieu des cocotiers. A côté du cliché, hors du cadre de la carte postale, les éphèbes noirs attendent les "sugar mamas" pour leur vendre des bracelets, des colliers, et leur sexe aussi. Teresa aimerait qu’on lui fasse l’amour, mais elle voudrait aussi du sentiment. Le premier "beach boy" ne l’a pas compris, le second est plus futé. Il ne ménage pas ses flatteries, mais quand il lui demande de l’argent, c’est pour le bébé malade de sa sœur, son frère accidenté à l’hôpital, la classe surpeuplée de son cousin instituteur

Dans Paradis : Amour, le réalisateur autrichien Ulrich Seidl ("Import Export") regarde le tourisme sexuel frontalement. Mais dans les formes, celles de plans fixes d’une force expressive très dérangeante. Comme lorsque les touristes sur leur transat et les vendeurs de souvenirs se font face de part et d’autre d’une corde. Plutôt qu’un scénario traditionnel, le film avance au rythme des tableaux très signifiants et souvent très dérangeants représentant des formes de plus en plus obscènes de néocolonialisme. Il se laisse toutefois quelque peu emporter par son système alors que Teresa comprend que ces amours tarifés ne soulageront pas sa solitude sexuelle et affective. Dans un rôle très inconfortable, Margarethe Tiesl livre une performance extrême qui pourrait lui valoir le prix d’interprétation.

L’amour. Alina pensait que son amie Voichita partageait son idée : à la vie, à la mort. Elles ont grandi ensemble à l’orphelinat, se soutenant l’une l’autre, s’aimant l’une l’autre. Et puis l’administration les a séparées : Alina est partie travailler en Allemagne. Voici qu’elles se retrouvent, enfin, sur le quai d’une gare roumaine. Voichita va lui montrer où elle vit maintenant. C’est Au-delà de la colline : un couvent sommaire dont les bâtiments ne sont pas terminés. Voichita y est une nonnette sous l’autorité d’un pope orthodoxe qu’on appelle papa et d’une mère supérieure qu’on appelle maman. Après l’orphelinat, Voichita s’est trouvé une famille et un amour aussi : Dieu. Alina n’en croit pas ses yeux, ses oreilles, son cœur, et pète un câble. C’est une façon de voir les événements, mais il en est d’autres. Celle de Voichita ou celle du pope qui croit Alina possédée par le démon. Sans se prendre pour Kurosawa, Cristian Mungiu, Palme d’or avec "4 mois, 3 semaines, 2 jours", imbrique les points de vue dans un drame austère d’une tension constante de 2 h 40, où chacun a ses raisons et chacun a tort de faire des concessions.

L’amour, c’est une fratrie chez les Bondurant, une famille qui vit de la prohibition durant les années 30 aux USA. Les affaires roulent jusqu’au moment où un magistrat entend prendre sa commission sur le commerce illégal d’alcool. La guerre et déclarée. Les deux grands frères sont des durs mais le troisième est tendre, il va falloir lui apprendre à vaincre sa peur pour devenir invincible. Tel le thème de Lawless , film de genre, bien violent, bien sanglant, bien joué, qui permet à l’Australien John Hillcoat de montrer qu’il est un artisan de première force. Mais pas un auteur.


Fernand Denis

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