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"À perdre la raison", le film sur l'affaire Lhermitte qui va faire le buzz à Cannes - Entretien

Publié le 16 mai 2012 dans Actu ciné

Le réalisateur nie toute volonté de polémique et explique pourquoi il n’a pas rencontré les protagonistes de l’affaire Lhermitte
Le 22 mai prochain, le cinéma mondial aura les yeux braqués vers la Belgique. Et se souviendra d’un drame qui a secoué notre pays et suscité une émotion énorme sur tous les continents, le quintuple infanticide de Nivelles.

À travers À perdre la raison, Joachim Lafosse donne sa vision d’artiste de l’affaire Lhermitte. Même si, il insiste énormément là-dessus, “il ne s’agit que d’une fiction. Il y a une vérité judiciaire rendue par la justice, l’objectivité journalistique rapportée par les journalistes, et je n’ai rien à dire là-dessus. Je n’ai aucune difficulté à dire qu’on a lu tout ce que la presse a écrit sur l’affaire, on est allés voir le procès, on a lu le devoir d’enquête. En tant qu’artiste, mon boulot, c’est de faire réfléchir.

Après, on s’est renseignés auprès de spécialistes de l’infanticide. On a observé d’autres infanticides, notamment aux États-Unis. Cela nous a nourris, mes coscénaristes et moi-même. Quand on a tout rassemblé, on s’est dit qu’il y avait matière pour faire un film prenant, haletant, bouleversant. On a pris le temps qu’il faut pour faire un film juste, mais un vrai film de cinéma.

Il y a dans cette histoire quelque chose de l’ordre de la légende. Et c’est universel : on a tous des parents mais c’est très difficile d’imaginer qu’ils voudraient nous tuer. Et c’est très traumatisant de penser ça.

Le sujet est très sensible et a suscité énormément de réactions dès l’annonce du projet.
L’infanticide est un sujet complexe. J’étais dans ma voiture quand j’ai entendu parler de cette affaire. J’étais bouleversé. Cela me paraissait impossible, impensable, inimaginable.
J’en parle avec ma femme, mes amis : ils sont aussi dans l’effroi. Si quelque chose est impensable, peut-être alors que c’est une réponse d’en faire un film. Pas pour apporter des réponses, mais pour essayer de faire réfléchir là-dessus, de voir comment cela peut arriver.
Cela m’avait fort bouleversé peut-être aussi parce que ma grand-mère a eu une famille nombreuse. À la naissance de mon père, le 4e de ses enfants, elle a eu une dépression et elle n’a pas pu s’occuper de lui pendant les deux premières années. Cela fait partie aussi des raisons pour lesquelles cela m’a touché. Mais cette histoire-ci est hors norme.
On voulait faire un film à la Titanic. On sait ce qui s’est passé, mais James Cameron cherche à montrer comment cela a pu se passer. Notre trame narrative est assez similaire. Et on s’est aussi inspirés de Kramer contre Kramer, un vrai drame populaire.

Vous ne vous attendiez pas à susciter une telle polémique ? Beaucoup vous reprochent de vous faire de l’argent sur le malheur des autres…
Pas plus ou pas moins que n’importe quel autre film ! Le film n’est pas choquant : les producteurs suisses ou français disent tous que c’est juste, émouvant. Mais ils ont plus de distance que nous. Ce n’est pas parce que ce dont je m’inspire librement est arrivé près de chez nous qu’il ne faut pas en parler. Il faut faire des films sur l’infanticide, la dépression maternelle, la difficulté d’être une mère seule avec de nombreux enfants. Mais c’est très important : on ne veut pas choquer les gens, être scandaleux. On ne filme pas la mort des enfants.
Ce qui aurait été scandaleux, cela aurait été de faire un mauvais film. Je pense vraiment que la polémique n’est due qu’au sujet. Qui est intimement bouleversant pour chacun d’entre nous. Moi, je n’ai jamais voulu cette médiatisation à cause de la polémique. J’ai juste voulu faire une fiction.
D’ailleurs, on a tellement construit les personnages avec les acteurs qu’ils ressemblent plus à Joachim Lafosse, Émilie Dequenne ou Niels Arestrup. Ce ne sont pas les personnages de l’affaire. La fiction, ce n’est pas la réalité.


Patrick Laurent

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