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Valérie Donzelli, libre comme le cinéma : interview

Publié le 31 août 2011 dans Actu ciné

A propos de La guerre est déclarée : "Je suis le chef d'orchestre, mais c'est le film de tout le monde, c'est une énergie commune".
Entretien à Cannes

Au lendemain de la triomphale projection de "La Guerre est déclarée" en ouverture de la Semaine de la critique, on s’arrache Valérie Donzelli, la première révélation de la 64e édition du festival de Cannes.


Vous avez surmonté une terrible épreuve, mais êtes-vous capable de surmonter pareil succès ?

C’est la question que je me pose aujourd’hui. Je suis hyperémue de ce qui s’est passé. Je n’avais pas prévu que les gens recevraient le film aussi intensément, qu’ils ressentiraient aussi fort les valeurs de solidarité, cette conviction qu’on est plus fort à deux que tout seul. Cela me dépasse totalement. Ce film est particulier depuis le début. Edouard (Weill) a accepté de le produire, alors qu’il n’y avait rien de commercial. Comme s’il avait voulu participer, nous accompagner dans cette aventure. Il y a un sentiment de communauté autour du film.

On dirait un film d’autodidacte, il est plein de choses qui ne se font pas.

A l’école, j’étais mauvaise élève à cause des règles très précises. J’avais toujours l’impression de ne pas bien faire les choses, d’être un peu à côté. Le cinéma me libère par rapport à cela. Je me contrefous de comment faire des films, j’ai juste envie d’en faire. J’aime le cinéma, mais je ne suis pas cultivée, cinéphile. Je n’ai pas de spectres de grands metteurs en scène au-dessus de ma tête qui me rappellent que je ne ferai jamais aussi bien qu’eux. Pour moi, le cinéma est un moyen d’expression qui me convient dans sa liberté. C’est drôle, c’est magique, c’est ludique, c’est de la fabrique, du mensonge. Et c’est un travail génial de faire en sorte que cela fonctionne.

Justement, en toute logique, certaines scènes ne devraient pas fonctionner.

C’est l’instinct. Ça se passe dans ma tête, j’y pense tout le temps. J’utilise les choses que je vis, ce qu’on me dit. Tout est prétexte. On tournait dans le bureau d’une pédiatre. Un vrai bureau, car on a tourné que dans des endroits réels. J’ai vu ce téléphone d’enfant. J’ai dit à Béatrice (de Stael) : "Au moment de décrocher le téléphone, tu te trompes." Juste cela. Je savais qu’elle le ferait parfaitement, alors que ça ne marcherait pas avec d’autres acteurs. J’ai déjà travaillé avec elle, et je sais que c’est une actrice burlesque formidable. C’est pour cela que j’aime travailler en famille avec des gens que je connais.

Une chose qui ne se fait pas, c’est l’utilisation d’une musique connotée, comme le générique de “Radioscopie”.

J’adore travailler avec la musique. Elle entre très tôt dans le processus. Parfois, elle m’inspire des scènes. Un jour, j’ai entendu ce générique à la radio. Cela me rappelait quelque chose, ça m’a rendu nostalgique. C’est un sentiment dont j’avais besoin pour raconter la bulle de ce couple. Ils sont jeunes, insouciants; mettre une musique qui contient une nostalgie, c’est comme si on était déjà dans le passé, alors qu’on est dans le présent.

Comment garder une distance avec un scénario personnel ?

Je me projette comme spectateur : est-ce que cette histoire m’intéresse ? Non, mon histoire n’est pas intéressante, c’est le point de vue qui peut l’être. J’avais envie de montrer l’hôpital comme cela, de faire un film dans la vie. Pas dans l’angoisse de la mort, la douleur. Je crois à la bonne lumière.

A Cannes, vous faisiez l’ouverture comme réalisatrice et la clôture comme actrice dans “Pourquoi tu pleures”.

Je pense que je vais moins jouer. Je me sens beaucoup plus inhibée à l’idée de jouer dans les films des autres. J’ai peur d’être mauvaise. Le succès m’inquiète un peu. J’ai peur de ne plus pouvoir travailler dans l’insouciance. Avec l’expérience, on l’est un peu moins. L’important, c’est d’être libre. Le fait de réaliser avec peu de monde, peu de moyens, me donne une liberté. Je ne veux pas faire de gros films, j’aurais trop peur de les rater. C’est le besoin d’être ensemble qui m’importe. De sentir tout le monde très impliqué. Je suis le chef d’orchestre, mais c’est le film de tout le monde. Tout le monde est enthousiaste, car ils sentent qu’ils participent à quelque chose. Pas juste pour exécuter. C’est moi qui véhicule l’énergie, mais c’est une énergie commune.

Fernand Denis

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