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My Taylor was Liz

Publié le 24 mars 2011 dans Actu ciné

Survivante du Hollywood classique, Elizabeth Taylor s’est éteinte, mercredi, à l’âge de 79 ans. Et avec elle l’un des derniers mythes du 7e Art. Évocation.
Le mercredi 23 mars 2011 est une triste date pour les cinéphiles, celle où Cléopâtre s'en est allée rejoindre Marc Antoine, où Elizabeth Taylor est partie retrouver Richard Burton, l’un de ses sept maris... La légende d’Hollywood, qui n’avait plus paru à l’écran depuis 2001 s’est éteinte hier d’un arrêt du cœur à l’hôpital Cedars-Sinaï de Los Angeles, où elle avait été admise il y a six semaines pour des problèmes d’insuffisance cardiaque.

Que serait devenu James Dean s’il ne s’était tué à 23 ans ? Et Marilyn, qui serait aujourd’hui octogénaire ? A coup sûr, ni elle ni lui ne bénéficieraient du culte que leur valut leur mort dans la fleur de l’âge.

Pressentant le danger, Louise Brooks - l’inoubliable "Loulou" - raccrocha très tôt, préférant assumer un rôle de légende vivante dans le cœur de ses admirateurs, sans qu’elle ait pu prévoir qu’en sa soixantaine, elle ressusciterait sous les traits de "Valentina", dans d’audacieuses bandes dessinées de Guido Crepax. Et que dire de la "divine" Garbo qui se terra durant un demi-siècle, obstinément insensible au chant des sirènes ? A l’instar de cette "reine Christine", la reine Bardot contourna le problème sans pour autant s’imposer de réclusion volontaire car ce "mythe" n’est pas de tempérament érémitique : depuis 1974, la plus illustre - devenue la plus controversée - des Françaises contemporaines ne joua plus que les François d’Assise pour tous les loups de Gubbio du monde.

Comme Bardot (ou comme Jane Fonda, hier, par l’aérobiquisme), Liz Taylor - qui fut aussi fiévreusement belle que Maria Félix, Sophia Loren, Gina Lollobrigida, Ava Gardner ou Jane Russell (décédée il y a trois semaines) -, s’était, elle aussi, recyclée. Sa formidable énergie (dont purent témoigner ses maris successifs : Conrad Nicholson Hilton, Michael Wilding, Mike Todd, Eddie Fisher, Richard Burton, John Warner et Larry Fortensky) s’était ces dernières années quasi exclusivement vouée au service de l’anti-sida, notamment aux côtés d’un Michael Jackson aussi décadent qu’elle... Celle qui fut cléopâtrement impériale à l’écran présida des chapelets de dîners où tout croûton coûtait.

Née à Londres le 27 février 1932, Elisabeth Rosamonde Taylor était issue d’une famille américaine, dorée sur tranches. Si, sa vie durant, la Taylor fut riche, a-t-elle pour autant grandi au cœur d’un conte de fée ? Un de ses biographes "non autorisés", C. David Heymann, n’affirmait-il pas - suscitant la fureur de l’intéressée - que la Taylor retoucha ses souvenirs d’enfance, non point à la petite cuillère mais à la louche ?

Elisabeth Taylor que sa famille entraîna aux Etats-Unis lorsqu’éclata la guerre, y débuta, enfant, devant les caméras. Dans pareil cas, d’enfant à enfant terrible, il n’y a souvent qu’un pas - que Liz franchit allégrement. Ses débuts remontent à 1941, avec "There’s One Born Every Minute"; après Shirley Temple, l’Amérique se découvrait une nouvelle "petite fiancée", qui ne tarderait guère à collectionner les époux : n’avait-elle pas 19 ans lorsqu’elle divorça pour la première fois ? Hé oui ! Lorsqu’on parle de Liz (diminutif qu’elle exécrait), impossible de dissocier sa vie privée - volcanique - de son étincelante carrière. Car pour ce qui est de défrayer la chronique, la Taylor défraya.

Archétype de la femme fatale, armée d’une volonté d’acier mais victime d’une santé en dents de scie, créature qu’électrisait un véritable vertige de vivre, Liz Taylor était étonnamment photogénique. Comment ne l’eut-elle été avec des yeux d’un tel mauve qu’aucun diamantaire ne peut s’enorgueillir d’avoir jamais vu d’aussi radieux joyaux ? Avec de telles pierres précieuses, comment ne serait-elle pas devenue la croqueuse de diamants qu’elle devint, éclipsant sur ce terrain Jacqueline Kennedy/Onassis elle-même ?

Jackie... En épousant le sénateur Warner, Liz Taylor s’imagina, elle aussi, en First lady, Hollywood à la Maison-Blanche n’étant plus inconcevable depuis qu’un certain Ronald Reagan... Ni depuis qu’à Marlilyn Monroe, l’on prêta une liaison avec J.F.K. Mais la Liz au pays des Merveilles dut déchanter. Qu’importe ! A défaut d’avoir pu être la légitime d’un président, elle incarna la reine des impératrices dans le remake d’un des chefs-d’œuvre de Cecil B. De Mille.

Il y avait quelque chose de pathétique dans le destin de cette star que dirigèrent magnifiquement George Stevens, Vincente Minelli, John Huston, Mankiewicz ou Losey, car la gloire de cette comédienne aux cachets faramineux reposait prioritairement sur les tumultes d’une existence ponctuée de drames. C’est injuste, dans la mesure où elle fut émouvante dans "Géant", mais surtout bouleversante dans "La chatte sur un toit brûlant", "Soudain, l’été dernier" ou "Vénus au vison", voire dans le maximélo "Qui a peur de Virginia Woolf ?" (ces deux derniers films lui ayant valu l’Oscar en 1960 et 1966).

Exceptionnelle actrice, la sculpturale interprète du "Chevalier des sables" ? Son talent - aussi incontestable que limité - n’égala que rarement celui des Hepburn (Katharine et Audrey) ou de Jane Fonda. On le rapprochera plus volontiers de celui de l’Ava Gardner de "La Comtesse aux pieds nus" ou de l’admirable "Pandora". Mais c’est sa personnalité qui impressionnait.

Bonne, moyenne, médiocre comédienne ? Elle était davantage : elle était autre chose. Taillée dans un autre bois. Demande-t-on à un "mythe" d’avoir du talent ? Non. Ce qu’on lui demande, c’est d’être mythique, tout simplement. Ce qui est affaire de magnétisme. Comme le don de poésie, ou le charme, c’est inné. Ce don, Liz l’avait pour cent millions qui ne l’ont pas. Ce don, qui ne se rencontre que rarissimement chez les acteurs : Dietrich, Garbo, Louise BrooksAva Gardner, MarilynJames Dean, Brando, Mitchum, Grace Kelly, Clint Eastwood, Sophia Loren, Brigitte Bardot, Alain Delon...

Le visage de la Taylor ? L’un de ceux du XXe siècle, éternisé comme celui de Marilyn par Andy Warhol. Celui d’une actrice dont l’on ne retiendra probablement qu’une poignée de créations à l’écran, mais qui fascina les magazines par l’écho de ses amours, de ses accidents, maladies et opérations multiples, par l’éclat des bijoux que ses prétendants lui offrirent, se saignant l’âme pour ses beaux yeux. Mais aussi par ses naufrages dans l’alcool, ses remontées à la surface, ses maternités, ses caprices de diva.

Ses caprices ! Il n’y avait pratiquement plus qu’elle qui puisse arriver systématiquement aux cérémonies organisées en son honneur avec une ou deux heures de retard, et s’entendre applaudir lorqu’enfin elle paraissait. Mais une étoile n’a-t-elle pas pour devoir de se faire désirer ? Quelle trajectoire que la trajectoire de la Taylor ! Tantôt ténébreusement belle, tantôt plus bouffie qu’un baba au rhum arrosé de bourbon. Entre liane et boudin, auraient pu écrire de grossiers merles.

Phénoménale, en quelque sorte, fut cette femme qui métamorphosa son existence en roman. Alexandre Dumas ne souhaitait-il pas qu’on élevât la vie à la dignité du roman ? Jusqu’au lent sortir de l’été de son âge, Liz Taylor est demeurée inclassable. Rarement, put-on mieux parler qu’à son sujet de "monstre sacré" même si l’expression est galvaudée de nos jours.

L’actrice ? De sa filmo, ne surnageront sans doute que six ou sept titres, mais l’image que la foule conservera de Taylor est celle d’un ouragan vécu. Celle d’une femme qui magistralement se mit en scène sur l’écran de la vie. Le plus étourdissant de ses films ? Sa propre vie, où tout ne fut qu’excès, déchaînements, démesure. Quel scénariste eût jamais pu imaginer ceci ? Avoir Richard Burton pour partenaire dans un "Cléopâtre" à budget colossal, et l’épouser. Puis divorcer. Avant de le retrouver pour l’épouser une seconde fois, le temps qu’il vous offre le diam’le plus cher du monde pour vos 40 carats. C’est ce scénar-là qu’elle vécut bel et bien. Et qui fit battre d’innombrables cœurs. Il n’est dès lors qu’une réponse à la question : "Quel fut le plus grand rôle d’Elisabeth Taylor ?" Elizabeth Taylor.

Francis Matthys - La Libre Belgique

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