In girum imus nocte et consumimur igni

Réalisateur:
Origine:
  • France
Genre:
  • Documentaire
Année de production: 1978
Durée: 2h00
Tout public
Synopsis : Le cinéma de Guy Debord, associant images detournées et commentaires off, prolonge le refus critique du spectacle developpé par l'auteur dans ses livres et dans son activité au sein de l'Internationale situationniste.
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Publié le 29 novembre 2012
Le critique, toujours d'abord spectateur, ne peut qu'être saisi de stupeur et tremblements à l'idée d'entamer quelques lignes sur le cinéma de Guy Debord, a fortiori le toujours-brûlant « In girum imus nocte et consumimur igni », son dernier film. Celui qui se rêvait en anti-cinéaste, réfractaire à toute réception possible de ces films (son court-métrage « Réfutation de tous les jugements, tant élogieux qu’hostiles, qui ont été jusqu’ici portés sur le film "La Société du Spectacle" » le martèle avec une méchante conviction : les critiques sont qualifiés de « crétins », d' « apprentis bureaucrates », de « ramasse-miettes » ; ici il confie « Je me vois donc placé au-dessus de toutes les lois du genre. Aussi, comme disait Swift "Ce n'est pas une mince satisfaction pour moi que de présenter un ouvrage absolument au-delà de toute critique" »), qui n'a jamais tourné un seul plan de sa vie, cinéaste du banc titre et de la voix-off, inventeur du sampling en cinéma, apparait rétrospectivement dans une Histoire du cinéma encore à écrire comme le symbole ou l'exemple (seul, mais l'Histoire aime les héros solitaires) d'une forme spécieuse d'underground à la française au sens premier, straubien du terme, un cinéma placé en deçà du reste de la production, sous les autres, étouffé, stratifié, sous-prolétaire (« (...) je préfère rester dans l'ombre, avec ces foules, plutôt que de consentir à les haranguer dans l'éclairage superficiel que manipulent leurs hypnotiseurs. ») mais engrais d'une pensée assourdie qui peine toujours à se faire entendre, si tant est qu'elle parvienne aux oreilles. "In Girum Imus Nocte et Consumimur Igni" n'a rien du film-testament qu'on attend des grands auteurs classiques : c'est plutôt, sans vraiment exagérer, un film-kamikaze, une répétition de son futur suicide. Suicidaire, l’œuvre, toujours en phase avec la vie, de Guy Debord l'aura été depuis les poussées lettristes des "Hurlements en Faveur de Sade" en 1952 (Debord avait 21 ans). Le cinéma était-il commencé ? Il était déjà fini, bon à enterrer, déjà enseveli sous ces couches de discours que l'auteur levait dans les fulgurantes formules énoncées de sa voix cynique, monocorde et nasillarde. Ici Debord évoque sa jeunesse, son amour pour un Paris populaire et beau, défiguré et détruit petit à petit par un monde nouveau qui le dégoûte (thème déjà de « Sur Le Passage de Quelques Personnes A Travers Une Assez Courte Unité de Temps » (1959)) et pour lequel son indignation se soulève, comme à la base de l’œuvre elle-même. C'est aussi le temps du bilan sur l'après-mai 68, sur l'I.S. Sa génération, qui « tourne en rond dans la nuit et est dévorée par le feu » a si « parfaitement la forme et le contenu de la perdition » de la phrase originelle en latin, palindrome parfait enroulé sur lui-même, labyrinthe sans issue. Le désespoir de laisser ce monde est absolu (on se souviendra toujours de ce travelling sur l'eau d'un canal de Venise, débouchant sur la lagune à perte de vue), mais ne s'agit-il pas aussi du film le plus sentimental de son auteur, qui loin de s'abandonner au rejet sardonique de son époque lui préfère la lucidité douloureuse, la nostalgie gonflée de larmes de regret, du visage de l'homme âgé contemplant des clichés de lui jeune ? « L'ordre règne et ne gouverne pas. La perfection du suicide est dans l'équivoque » disaient deux des voix de "Hurlements...". Non-réconcilié : de la Nouvelle Vague Straub était l'objecteur de conscience, Garrel le poète ; Debord sera l'imperturbable et pince-sans-rire trouble-fête, renvoyant dos à dos l'un contre l'autre, les tendances et les modes, l'art et le spectacle. « Tout contre » (comme Groucho Marx), Guy Debord a inventé le cinéma d'arrière-garde. Ce que Mai 68 a porté comme espérances se devait, dix ans plus tard, passer à la caisse, avant de passer à la casse. La sagesse ne reviendra jamais : tout est encore-toujours « à reprendre depuis le début ».
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