Holy Motors
Réalisateur:
Synopsis :
De l'aube à la nuit, quelques heures dans l'existence de Monsieur Oscar, un être qui voyage de vie en vie. Tour à tour grand patron, meurtrier, mendiante, créature monstrueuse, père de famille... M. Oscar semble jouer des rôles, plongeant en chacun tout entier - mais où sont les caméras ? Il est seul, uniquement accompagné de Céline, longue dame blonde aux commandes de l'immense machine qui le transporte dans Paris et autour. Tel un tueur consciencieux allant de gage en gage. À la poursuite de la beauté du geste. Du moteur de l'action. Des femmes et des fantômes de sa vie. Mais où est sa maison, sa famille, son repos ?
Actualités du film Holy Motors
César: "Amour", "Camille redouble" et "Les adieux à la reine" favoris
Les nominations sont tombées et la Belgique est bien représentée
Avis des internautes du film Holy Motors
Publié le 16 juillet 2012
Holy motors, c'est déjà un joli titre; ça donne envie, envie d'être surpris, étonné, ce qui n'arrive plus souvent dans le cinéma du XXIème siècle. Dans ce film foisonnant, regorgeant d'idées miraculeuses, l'imagination est au pouvoir; on y voit des choses nouvelles, on s'émerveille, on s'irrite aussi parfois, et lorsque Manset chante Revivre, on se dit que ces 110 minutes nous ont procuré de bien belles images, qui vont nous accompagner encore longtemps.
Publié le 14 juillet 2012
En l'an sans grâce 2012, ce visuel rampant qui règne et gangrène les images, dit partout, très fort : « suivez mon regard, voyez ce que je regarde ». Les médias relaient la pure transmission des ordres ; or rien de plus opposé à une idée en cinéma que la communication. Holy Motors offre des images fortes, grotesques, brillantes (sublimes nuits de Caroline Champetier), parfois brutalement et absurdement complexes voire politiques (les flots d'immigrés déplacés dans les égouts traversés par M.Merde, dans le même segment le rhabillage du mannequin joué par Eva Mendes en niqab), les fiche profondément dans le crâne, visite l'inconscient et l'habite de ces images, puis nous émeut avec elle. Voilà la résistance et comment elle s'organise. Contre ces flux de contrôle omniprésents, Carax oppose : 1) Le silence, la retraite. Ce n'est pas rien d'être absent quand le monde réclame toujours plus de visibilité à tout et n'importe qui. Treize ans séparent Pola X et le présent Holy Motors, à peine temporisés par un sketch du film Tokyo! en 2008, notamment pour des questions financières (Carax a tenté de monter d'autres projets qui réclamaient de lourdes co-productions internationales). 2) Une réflexion très avancée et contemporaine sur le geste artistique et la nature des images. L’œuvre se présente avant tout comme une réflexion, vertigineuse comme peu l'ont été (« Barton Fink » des Coen, quelques Rivette, « Les Minutes d'Un Faiseur de Films » de Luc Moullet, « Elle a Passé Tant d'Heures Sous Les Sunlights » de Garrel) sur « qu’est-ce que l’acte de création ? » au cinéma. Cette question rappelle celle posée à Gilles Deleuze lors de sa fameuse conférence à la Fémis. Parole précieuse, mesurée, avancée avec prudence, toujours bonne à réentendre : « L’œuvre d’art n’a rien à faire avec la communication, {elle} ne contient pas la moindre information. En revanche, il y a une affinité fondamentale entre l’œuvre d’art et l’acte de résistance. Alors là, oui. Elle a quelque chose à faire avec l’information et la communication, oui, à titre d’acte de résistance,{mais} quel est ce rapport mystérieux entre une œuvre d’art et un acte de résistance ? Alors que les hommes qui résistent n’ont ni le temps ni parfois la culture nécessaire pour avoir le moindre rapport avec l’art, je ne sais pas. Malraux développe un bon concept philosophique. Malraux dit une chose très simple sur l’art, il dit “c’est la seule chose qui résiste à la mort“ ». De quels « moteur sacrés » s'agit-il alors ? Quel urgence de les enclencher pour résister à la mort ? Les moteurs, ce sont ceux de la création, de l'imaginaire ; l'urgence, c'est ni plus ni moins que la fin du monde (excusez du peu), la fin du/au cinéma (c'est la même chose en ce moment). Holy Motors est un film d'anticipation, dans le sens premier du terme : un monde « pas si éloigné du nôtre » où tout le monde joue à l'acteur. Ne serait-ce pas déjà le nôtre ? Les écrans font écran, on les regarde comme des fenêtres sur le réel mais leur invraisemblance plastique est telle que le contrechamp devient presqu'impossible (Lavant mangeant en regardant sur un écran la rue devant lui entre deux rendez-vous). Résultat, dans la scène la plus terrifiante, les images s'altèrent, se détériorent. Dans une angoisse spectatorielle qui tient du processus de distanciation (le DCP ou le projecteur déconne-t-il?), compressées, malaxées, étirées, ces images numériques révèlent le pixel comme leur bozon de Higgs à elles, elles sont un cauchemar dont (gag) se réveille Denis Lavant. L'idée est discrète mais géniale : aujourd'hui, les hommes rêvent en datamoshing. Les caméras ont disparu, celles dans lesquels tournaient quelque chose, et plus personne ne veut des machines visibles. Carax a cette réflexion lucide sur le numérique : on ne devrait plus dire « moteur » au début des prises, car rien ne tourne plus. « Ce n'est plus une machine qu'on met en branle lorsqu'on on fait un plan, c'est un ordinateur qu'on allume. Les films sont des calculs, (...) on les programme ». Holy Motors se double d'un sur le devenir d'un métier, de créateurs, des images, de l'âge des machines vers le tout-numérique et s'exprime sur la nostalgie des premières avec les moyens du second. Dans le prologue, Carax le créateur s'éveille de son sommeil artistique et trouve dans sa chambre « une porte qu'il n'avait jamais remarquée jusqu'à lors » (Kafka). Le caractère onirique du plan (d'un lit, on suit le rêveur en pyjamas déambuler devant une fenêtre donnant sur une piste d'atterrissage, puis un mur en trompe-l'oeil -une forêt en papier peint- avant que son doigt ne devienne clef) renseigne sur le refus de la logique cartésienne : avec la mise à nu du dispositif, l'enfant marchant vers l'écran se changeant en diaphane jeune fille au hublot (prisonnière de l'autre côté de l'écran), ce prologue rappelle aussi celui du Persona de Bergman.
Etienne-Jules Marey, abondamment cité pour sa cinématique (moteur humain), est aussi là pour mesurer la longueur du pont jeté par Carax à travers un siècle et des poussières de cinéma (mouvement) et de cinéma-tographe (écriture de ce mouvement), qui retrouve et renouvelle le charme et la nouveauté des premières fois, augmenté de la tristesse de la perte des êtres chers. Car après tout, toutes ces images se ferment sur celle de l'aimée, disparue à jamais, Katerina Golubeva, dans une dédicace qui fend véritablement l'âme. « On voudrait revivre », si c'était possible, éternellement cette primauté, cette origine du monde et des images. Holy Motors est le plus bel hommage qu'on puisse rêver à la puissance d'évocation du cinéma des premiers temps et à Méliès et Feuillade en particulier. Le premier plan est tellement étonnant et inouï qu'on croit y voir se plier le dispositif : une salle en plan large de spectateurs nous regarde, mais les spectateurs semblent endormis, les yeux fermés, plongés dans la pénombre. L'écran comme miroir aveugle. D'autres salles étaient présentes dans les films de la Compétition Officielle : on découvrira bientôt les rangées de spectateurs au début de Amour de Haneke et Vous N'avez Encore Rien Vu de Resnais, filmées frontalement elles aussi. En replaçant l'horizon vers lequel tend un film, c'est-à-dire sa réception par un public, certains films s'affirmaient là contre ceux qui se regardent le nombril, feignaient de s'étonner de leur propre audace auteuriste, jouant l'épate entre eux plutôt que face à un spectateur. « Les films nous regardent », trouvaille ou révélation des autres, effet de distanciation ou accès à une nostalgie d'un siècle de machines disparues (Holy Motors pourrait s'appeler « Goodbye 20th Century » comme l'album de Sonic Youth aussi bien que « De l'Origine du XXIè Siècle à Nos Jours », titre d'un court de Godard). Autre motif commun à un autre film de Cannes, tellement précis qu'il en est affolant : le schéma « 24 heures de la vie d'un homme en limousine » qu'on retrouve dans le Cosmopolis de Cronenberg. Cela été dit et redit : dans le film de Cronenberg, Eric Packer (R.Pattinson) se demande où dorment les limousines la nuit venue. La réponse est au terme du Carax, dans une pirouette humoristique qui n'efface pas la trainée de mélancolie laissée par le « Revivre » de Manset. Les limousines échangent ce dialogue d'une effrayante lucidité : « -Les hommes ne veulent plus de machines visibles. -Plus de moteurs ! -Plus d'action ! » Et Carax, dans un geste continué pour sa beauté, d'enchainer le sort du fumeux et éternel progrès de l'humanité à celui du cinéma. Contorsionniste, voltigeur en OS de motion capture, cascadeur, père de famille, patriarche mourant, clochard, corps burlesque ou nouvel vague (à l'âme), Denis Lavant et ses onze incarnations étai(en)t le véritable prix d'interprétation de ce Festival de Cannes : plus que le film lui-même c'est son corps qui traversait tout ce siècle de cinéma. Mais le plus touchant est peut-être encore de voir Carax se plier et réussir avec son acteur deux exercices de classicisme d'une retenue et d'une évidence de mise-en-scène qu'il n'avait jamais osées, la scène en voiture où le père parle à sa fille après une soirée (sa terrible conclusion : « Ta punition c'est d'être toi, ma pauvre Angèle... ») et celle de M. Vogan, mourant au chevet de sa petite-fille (le dialogue est inspiré d'un chapitre de Portrait de Femme de Henry James et visuellement de Vampyr d'Edvard Munch). Deux rôles féminins cruciaux sont pourtant les enjeux de ces séquences, où l'art de Carax se résume et se concrétise, dépouillé de toutes les prétendues scories post-modernistes dont ses détracteurs l'affligent, et que le présent film viendra probablement vaincre. La cinéphile, on a tendance à l'occulter à cause du phénomène de rejet que peut produire une référence placée par un auteur et qui nous échappe, est avant tout une affaire de sensations, de sentiments. Lorsque Edith Scob, le masque des Yeux Sans Visage de Franju (1960) dit à son mari « Je rentre à la maison » à la fin du film, la réplique est chargée de la même émotion que lorsque Michel Piccoli la prononce dans le film éponyme de Manoel de Oliveira (« Je Rentre à la Maison », 2001). La cinéphile de Carax n'est jamais envahissante et galvanise bien au contraire, syncrétise un carrefour de sensations esthétiques et de raisons éthiques, telle celle de Godard -père spirituel, dont Carax est peut-être le seul authentique héritier- dans Histoire du Cinéma(s). « On croit qu'il est midi/ Mais le jour s'achève » chante Gerard Manset dans Revivre. La nuit de ces vingt-quatre heures est élastique, déliée, on y tue et on y pleure, on y convoque sa mémoire, alors que le jour reposait sur une série d'apparitions fantas(ma)tiques (la mendiante, M.Merde au Père Lachaise). La nuit (de la création) dure plus longtemps que le jour. On en décompte même les minutes en montant les marches d'une Samaritaine fantomatique, au fil de la ballade « Who Were We ? » chantée par Kylie Minogue, point cathartique de l'émotion générée, dont les échos bercent le reste du film entre deux silences de l'habitacle. Holy Motors mérite le titre romantique de film crépusculaire, mais se double aussitôt d'un sourire, d'une ironie de tous les instants qui lui donne un ton rarement entendu au cinéma. Témoin et point-limite, cette avant-dernière scène où une énième incarnation de Denis Lavant rejoint le domicile de sa famille... chimpanzé. L'émotion qui se dégage de cette scène est pétrie d'un paradoxe peu commun, à la fois de l'effet de surprise absurde de cet humour loufoque, presque non-sens, et de la mélancolie existentielle jugulée par le piano-voix de la chanson de Manset, trouée de silences et de suspens aussi profonds que ce désespoir poli qu'ont les plus timides des créateurs de génie. Il faut voir au terme du récit M. Oscar dire combien il est fatigué, avancer la clef vers la porte de son domicile d'une nuit avant de s'effondrer contre le mur, égaré dans ce vertige d'identités mêlées, perdu dans le méandre de ces récits de vies possibles mais épuisé par l'implication qu'elle demandent. Et qui oubliera jamais l'image de cette famille solaire et lunaire à la fois, retrouvée à la fenêtre, dont les regards dreyeriens dans la nuit divergent ? Lui vers la lune, elle vers ailleurs, la fille presque dans l'axe de la caméra, nous retournant, du singe à l'homme, le plan originel de la salle regardant l'écran. Dire que son patron (Michel Piccoli) se faisait du mauvais sang pour lui : il arrivait qu'on le trouve parfois moins convaincant. Il aura fallu à M. Oscar incarner le terme d'une vie pour retrouver le souffle, l'envie de continuer (comme il a commencé) pour la beauté du geste. « Mais si personne n'écoute ? » demandera-t-il encore angoissé, sans trouver de réponse. Il faut être humain, c'est notre résistance que d'éprouver l'émotion, dit Carax, « On voudrait revire/ Ça veut dire : on voudrait vivre encore/ La même chose/ Refaire peut-être encore le grand parcours/ Et se sentir si loin, si loin de son enfance » chante Manset. Événement majeur de ce Festival de Cannes et de cette année cinématographique, Holy Motors est un mille-feuille sémantique dont l'inventivité permanente et l'humour rend complètement dérisoire les prétentions du reste du cinéma d'auteur en 2012. Dans une époque de rhétorique abusive, rendre une puissance aux termes « visionnaire » et « chef-d’œuvre » qui ne pourraient être plus justifiés qu'ici devrait faire sens. Disons-le sans emphase, on assiste ici au meilleur film français, sinon le meilleur film tout court depuis "Les Herbes Folles" de Resnais et "Le Roi de l’Évasion" d'Alain Guiraudie (2009). Elle est rare et forte, la sensation d'assister à une Histoire du cinéma qui s'écrit au présent sous nos yeux. Holy Motors est un film dont on parlera encore dans dix, dans cinquante, dans cent ans, tant que le cinéma vivra.
Publié le 12 juillet 2012
A éviter absolument, rien de plus a en dire.
Il n'y a rien, rien de rien a sauver dans ce film.
Ne vous fiez pas aux critiques a cause desquelles j'ai été le voir...
Donnez plutot 10€ à greenpeace, et regardez un bon film a la tv
Publié le 5 juillet 2012
Est ce que quelqu'un sait ou sortira Holy Motors ? Je sais que c'est le 11 juillet mais sans plus...
Audrey.
Cellist