Pater
Réalisateur:
Acteurs:
Origine:
- France
Genre:
- Comédie dramatique
Année de production: 2011
Date de sortie:
22/06/2011
Durée: 1h45
Synopsis :
Pendant un an, ils se sont vus et ils se sont filmés. Le cinéaste et le comédien, le président et son 1er ministre, Alain Cavalier et Vincent Lindon. Dans "Pater", vous les verrez à la fois dans la vie et dans une fiction qu’ils ont inventée ensemble.
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7.5/10 Cote de du film Pater
Avis des internautes du film Pater
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Publié le 5 août 2011
Le principe Cavalier, filmage en DV de l'intime, des traces laissées par les personnes aimées, d'un minimalisme parfois rugueux mais toujours secrètement lyrique s'ouvre après une décennie autarcique sublime (Le Filmeur, Irène) mais un peu flippante dans sa claustrophobie. A juste titre, Pater aura été le film le plus ovationné de la compétition officielle de Cannes, ce qui ne l'a pas empêché de repartir bredouille -autre grand moment d'humour "méta" d'imaginer le président du jury Robert De Niro découvrant cet OCNI et n'y pigeant rien. Ici donc, on ouvre les portes (du pouvoir), on joue. Mais on joue à quoi ? A la convention pittoresque d'un film « en costumes » ? A mettre ses plus beaux habits ? A guetter le grand sujet de l'exercice du pouvoir parmi les hommes ? A infiltrer une élite en contrebande, faire des cabanes et voir qui est le plus fort ? Cavalier joue avec Lindon, premier acteur professionnel depuis vingt ans, Cavalier avec le spectateur, au jeu gigogne du film sur le film en train de se faire. On a souvent parlé de minimalisme pour le cinéma de Cavalier ; c'est inexact, du moins pour Pater : il s'agit bien d'un cinéma de chambre comme il existe la musique de chambre (qui n'est pas la musique minimaliste !). Commencé sous les auspices du rituel le plus fondamental, celui de la nourriture et du repas, est ainsi explicité dès la première scène ce « lit du pouvoir » sur lequel se fonde d'abord une amitié, puis une envie : il est acteur, je suis réalisateur, quel film faire ensemble ? « Qu'est-ce qui empêche ? », question rituelle sur un plateau de cinéma pour savoir si toute l'équipe est prête à tourner, ne trouve forcément pas de réponse dans cette mise-en-place sublime de simplicité, c'est donc son écho qu'on entendra se prolonger durant tout le film qui sera ainsi le territoire de tous les possibles, celui d'enchainer les scènes comme les perles d'un collier mais aussi celui d'exhiber le squelette du processus de création. Cette construction par strates successives fonctionne aussi à merveille dans ses intermèdes les plus anecdotiques : un essai de cravates, sélectionnées patiemment pour leurs textures et couleurs, Cavalier filmant son chat, ou encore ces visites chez le boulanger et au café à la rencontre des gens, produisant des impromptus d'une poésie folle.
Chacun tient la caméra, à tour de rôle, chacun joue et est joué par l'autre, s'amuse à le surprendre. La scène de découverte de la photo compromettante de l'adversaire est une des improvisations les plus séduisantes vues à l'écran, le petit trio replié sur ses chuchotements opérant comme l'allégorie et discrète de toute la fonction politique. Autant d'espaces métonymiques créés à l'ombre des grandes sphères, traversés par une bande d'épicuriens éclairés. Scènes-visions aussi : cette jeune femme allongée dans le lit du Premier Ministre, cette tentative d'intimidation du capot de la voiture défoncé par cinq pioches. Scènes visionnaires également : le film a résonné curieusement avec l'éclatement de l'affaire DSK en plein Cannes et la mesure choisie pour défendre le programme du Premier Ministre, celle de la réduction des écarts de salaires entre patrons et salariés d'une société, se retrouve dans les programmes de la gauche française pour 2012. Chassez le réel il revient au galop (le film n'est ni documentaire ni fiction mais un des plus heureux équilibres entre les deux disciplines) : Vincent Lindon ne nous paraitra jamais aussi proche que dans cette colère de cinq minutes contre son propriétaire captées par l'humaniste Cavalier, un des grands cinéaste dépositaire de l'éthique et de l'empathie au cinéma, ensuite lui même face au miroir et réalisant soudain : « Je ressemble de plus en plus à mon père » et peut-être en écho discret avec la Légion d'Honneur remise à Lindon à la fin. On pourrait d'ailleurs soupçonner cette fin d'être doublée en master en champ sur Lindon pour le simple plaisir de l'entendre répéter : « Si c'est un film, c'est que c'est vrai ».
Pater, père à se trouver en l'autre, puis père à tuer évidemment, est jouissif pour peu qu'on y prenne part (tout nous y invite) : on découvre alors sous la couverture mince, outre l'humanité essentielle de ces hommes, outre leur passion affichée pour les cravates, le film le plus drôle de l'année.
La première vertu de Pater et non des moindres, c'est encore de nous rappeler que le cinéma est là, dans sa simplicité, qu'il pétille et frémit sous la surface du réel, ne demande qu'à poindre. Mettons un costume, une cravate, l'artifice et la convention nécessaires y sont. Le cinéma est partout, à portée de main. Il n'y a qu'à la tendre.
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Billy-Ray