My Soul to Take

Réalisateur:
Genres:
  • Thriller
  • Horreur
Année de production: 2010
Durée: 1h47
Tout public
Synopsis : L'histoire d'un serial-killer qui ressurgit quinze ans après sa prétendue mort pour tuer les sept enfants nés cette nuit-là.
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Publié le 3 septembre 2012
Pour le meilleur et pour le pire, dans sa filmographie en dents de scie mais qu'il faut défendre, Wes Craven a tellement infusé le genre jusqu'à le saturer de signes, de codes et de dispositifs spéculaires qu'il semblerait que certains de ses films tardifs, le présent My Soul To Take (2010, sorti en France ce mois-ci) et Scream 4 (2011), n'obéissent qu'à une vaste programmatique qui les dépasse en redistribuant ces signes dans un ordre vaguement variable, mais avec une joie de mettre en scène et une densité narrative furieuse et réjouissante. On peut véritablement parler de cinéaste en courant alternatif, tour à tour adoré et détesté, entre ses échecs abyssaux (Music of the Heart, Cursed,...) et ses réussites éclatantes (Hills Have Eyes, Nightmare on Elm Street, Shocker, Scream 1 & 4,...). Il y avait les couples hitchcockiens, qui se formaient dans le suspens et la poursuite, sous la menace et il y a les communautés craveniennes, fondées dans et par l'horreur et le meurtre. Éric Rohmer rêvait jadis d'un ordinateur qui distribuerait des synopsis de film : on dirait que Wes Craven l'a inventé. Mais My Soul to Take (magnifique titre) ne donne pas le temps de se reposer sur ces beaux gosses décervelés et brutaux, forcément capitaines de l'équipe de rugby, ce trio de mean girls, dont la meneuse froide révèle forcément une sœur fragile, cette WASP rousse forcément fervente tendance Shyamalan, cet aveugle plus lucide que tous et ce duo de nerds, buddies parfois digne du burlesque (l'instant magnifique où ils s'observent à faire les mêmes gestes et dire les mêmes choses dans le couloir avant d'entamer une chorégraphie proche de la scène du miroir de Duck Soup des Marx Brothers). Craven part du cliché, le plus éculé possible, pourvu qu'il n'y parvienne jamais : le burlesque mène au tueur (comme dans Nightmare), les poursuites sur des fausses pistes où la tension se perd soudain, les niveaux de réalité enchâssés s'écrasent les uns sur les autres dans une perplexité partagée par le spectateur, un peu déceptive mais enterrée sous un goût facétieux pour les coups de théâtre à répétition. A ce titre, Craven est l'opposé d'un Shyamalan dont il aime moquer les archétypes (la rousse wasp précitée, très Bryce Dallas Howard dans The Village) : Craven tourne des pastiches là où Shyamalan réalise des fables très premier degré. Le premier utilise l'horreur visible, la soif de monstration, mais aussi vise à une certaine platitude dans l'accumulation absurde des morts et des rebondissements, il est très américain ; le second est un cinéaste du suspense et la croyance pure, ralentit sans cesse la narration et retarde si possible jusqu'à l'annuler la vision de l'horreur, mise sur le hors-champ, avec une sensibilité dans l'héritage des cinéastes européens (Hitchcock et Tourneur). Une même admiration mêlée d'envie de sabordage des codes narratifs hollywoodiens les unit, mais les sépare radicalement dans le traitement qu'ils leur réservent, l'un plein de discorde et de rage (New Nightmare, la tétralogie Scream), et l'autre de respect (le fabuleux Lady in the Water, Signs, Unbreakable). Craven n'est jamais aussi habile que lorsqu'il enfile les actions à vitesse dans l'étourdissante séquence d'introduction en flashback, aux points de vues aussi schizophrènes pour le tueur que pour le spectateur, où lorsqu'il côtoie le grotesque d'une balade en forêt qui vire à la mauvaise plaisanterie, puis suspend son déroulé pour un coup de téléphone involontairement létal. Virtuosité : les communications téléphoniques, qui empoisonnaient déjà la saga Scream dès son meurtre matriciel semblent obséder Craven (une scène brillante de Scream 4 y était dédiée), et jouent un rôle subversif de frein aux folles embardées du récit, notamment parce qu'elles détournent toujours momentanément l'attention (et dans le film d'horreur, seul le moment et l'instant sont fatals) et suspendent les scènes les plus capitales de l'action, en même temps qu'elles signalent au spectateur la lame qui va venir saigner les personnages. Sociologue qui s'ignore, Craven n'a jamais radioscopé ou disséqué tel un entomologiste l'adolescence et ses « mal-êtres » (qui sont souvent des aspirations d'« être-ailleurs ») comme Gus Van Sant l'a fait par exemple ; il a véritablement été avec les adolescents. Si on sépare les cinéastes entre ceux qui analysent les jeunes générations de l'extérieur et ceux qui s'y intègrent et parlent pour elle, Craven fait partie des seconds. C'est son humanisme à lui, anti-carriériste dans un système hollywoodien qui n'attend que des carrières et pas des œuvres, derrière les boucheries agathachristesque de ses fausses bande-dessinées et le graphisme de ses flots d’hémoglobine. A ce titre empathique (et emphatique), il crée ici un de ses plus beaux personnages, l'anti-héros Bug (Max Thieriot) assailli par les âmes des morts autant que par les fausses pistes et chausse-trappes du récit, dont la plus grande culpabilité est d'être trop naïf et l'incertitude d’être au monde est la plus grande douleur. La fin du film, décevante, est la conséquence des dégâts collatéraux qui ont affectés le film. Réécritures, recastings, retakes, blocages des distributeurs : en tout plus de trois ans (Craven répétait à sa femme : « Celui-ci aura ma peau! », quelques années après son quadruple pontage), sans parler de la réception critique désastreuse du film aux États-Unis expliquent ce retard du film en Europe où il a failli ne jamais sortir. Mais cette finale simple au whodunit est finalement bienvenue : elle dégonfle avec une dérision peu commune un scénario de tous les possibles dans un univoque qui aplatit le genre à sa propre suffisance : un réveil poisseux de la métempsycose.
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