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Hany Abu-Assad et la génération perdue
Publié le 23 octobre 2013 dans Actu ciné
A l'occasion de la sortie du thriller Omar, Alain Lorfèvre a rencontré le réalisateur palestinien.
Hany Abu-Assad est né à Nazareth en 1961. Il a émigré aux Pays-Bas en 1980. Son oscar du meilleur film étranger pour "Paradise Now", en 2006, fut d’autant plus remarqué qu’il récompensait en pleine ère Bush un film ayant pour personnages principaux des terroristes arabes… La récompense lui a ouvert les portes d’Hollywood : le réalisateur va y tourner le remake de "Sympathy for Mr Vengeance", de Park Chan-wook.
Utilisez-vous le thriller pour toucher un public plus large ?
Pas directement. Il se trouve que j’aime vraiment les thrillers, qu’ils soient américains, français, asiatiques. Tout thriller est fondé sur la paranoïa. Et c’est le thème de mon film : qui est le traitre, qui ne l’est pas ? En tant que Palestinien, j’ai grandi et j’ai été éduqué dans la paranoïa. On nous apprend à voir un agent secret ou un policier potentiel en chacun. C’est pourquoi j’aime les thrillers : c’est ma vie. Je suis vraiment paranoïaque.
Encore aujourd’hui ?
Oh oui! Sur le tournage de "Paradise Now", j’étais sûr qu’il y avait un mouchard dans notre équipe. L’armée israélienne parvenait toujours à savoir où nous tournions. Mais peut-être avaient-ils simplement mis mon téléphone cellulaire sur écoute. Mais pour en revenir à votre question initiale, il est sans doute possible qu’inconsciemment, aussi, je cherche à toucher un public large avec mon film. Je n’ai pas de honte à essayer de susciter l’intérêt et l’excitation des spectateurs. Pourquoi ne pas mêler fond et divertissement ?
Une des premières images d’"Omar" montre le mur. Et on découvre que ce mur sépare non pas les Palestiniens des Israéliens, mais les Palestiniens entre eux.
Oui, personne ne le sait. Ce mur a été "vendu" par les Israéliens comme un élément de protection. En réalité, il contribue surtout à compliquer la vie des Palestiniens. La société palestinienne n’existe pas : elle est divisée en petites poches. Qui sont plus faciles à contrôler et à réduire.
Dans vos films récents, les personnages principaux sont tous des jeunes. C’est comme si les personnes âgées, les parents étaient absents.
C’est la réalité. Ma génération a démissionné. Nos parents sont venus avec de grands espoirs. Ils espéraient pouvoir changer les choses. Ce fut un échec. Ceux qui s’en sont sortis, ils ont abandonné leurs idéaux, sont devenus des capitalistes et ont fait leur vie à l’étranger. Ce n’est pas vrai que pour les Palestiniens : en règle générale, les idéaux des années 50 ou 60 qu’ils ont pu avoir ont été sacrifiés sur l’autel du consumérisme. Nous, on nous avait promis la libération. Ce n’est pas arrivé. Les jeunes qui nous suivent sont sans espoir. Quel héritage ou expérience leur a-t-on transmis ? La culture de l’échec ? Même dans le monde occidental, les parents ont laissé aux médias ou à des personnes extérieures à la famille le soin d’élever leurs enfants. Pour moi, les parents sont absents - pas seulement en Palestine. Je m’intéresse donc plus à la jeune génération. J’essaie de comprendre ce qui peut les mouvoir. C’est une génération qui doit chercher son chemin seule. Ils n’ont pas de guide.
Votre film plonge d’ailleurs Omar dans un labyrinthe - comme dans les deux scènes de poursuite qui font penser à celles de "Point Break", de Kathryn Bigelow.
Que je n’ai toujours pas vu ! Mais j’avais en tête un autre film américain : "French Connection", de William Friedkin. La sensation de labyrinthe est juste : je veux refléter par là l’égarement d’Omar. Cela fait partie de ce que les Américains appellent l’évolution psychologique du personnage. Il cherche une échappatoire, mais il ne sait pas où la trouver.
Rami, l’agent israélien, peut-il être perçu comme un père de substitution ?
Tout à fait. Je me suis inspiré de plusieurs affaires similaires. Et il apparaît que les agents israéliens ont souvent joué sur l’absence du père pour créer une relation père-fils avec leur contact palestinien. La dernière scène est aussi inspirée de la réalité. C’est arrivé au moins trois fois selon mes informations.
Utilisez-vous le thriller pour toucher un public plus large ?
Pas directement. Il se trouve que j’aime vraiment les thrillers, qu’ils soient américains, français, asiatiques. Tout thriller est fondé sur la paranoïa. Et c’est le thème de mon film : qui est le traitre, qui ne l’est pas ? En tant que Palestinien, j’ai grandi et j’ai été éduqué dans la paranoïa. On nous apprend à voir un agent secret ou un policier potentiel en chacun. C’est pourquoi j’aime les thrillers : c’est ma vie. Je suis vraiment paranoïaque.
Encore aujourd’hui ?
Oh oui! Sur le tournage de "Paradise Now", j’étais sûr qu’il y avait un mouchard dans notre équipe. L’armée israélienne parvenait toujours à savoir où nous tournions. Mais peut-être avaient-ils simplement mis mon téléphone cellulaire sur écoute. Mais pour en revenir à votre question initiale, il est sans doute possible qu’inconsciemment, aussi, je cherche à toucher un public large avec mon film. Je n’ai pas de honte à essayer de susciter l’intérêt et l’excitation des spectateurs. Pourquoi ne pas mêler fond et divertissement ?
Une des premières images d’"Omar" montre le mur. Et on découvre que ce mur sépare non pas les Palestiniens des Israéliens, mais les Palestiniens entre eux.
Oui, personne ne le sait. Ce mur a été "vendu" par les Israéliens comme un élément de protection. En réalité, il contribue surtout à compliquer la vie des Palestiniens. La société palestinienne n’existe pas : elle est divisée en petites poches. Qui sont plus faciles à contrôler et à réduire.
Dans vos films récents, les personnages principaux sont tous des jeunes. C’est comme si les personnes âgées, les parents étaient absents.
C’est la réalité. Ma génération a démissionné. Nos parents sont venus avec de grands espoirs. Ils espéraient pouvoir changer les choses. Ce fut un échec. Ceux qui s’en sont sortis, ils ont abandonné leurs idéaux, sont devenus des capitalistes et ont fait leur vie à l’étranger. Ce n’est pas vrai que pour les Palestiniens : en règle générale, les idéaux des années 50 ou 60 qu’ils ont pu avoir ont été sacrifiés sur l’autel du consumérisme. Nous, on nous avait promis la libération. Ce n’est pas arrivé. Les jeunes qui nous suivent sont sans espoir. Quel héritage ou expérience leur a-t-on transmis ? La culture de l’échec ? Même dans le monde occidental, les parents ont laissé aux médias ou à des personnes extérieures à la famille le soin d’élever leurs enfants. Pour moi, les parents sont absents - pas seulement en Palestine. Je m’intéresse donc plus à la jeune génération. J’essaie de comprendre ce qui peut les mouvoir. C’est une génération qui doit chercher son chemin seule. Ils n’ont pas de guide.
Votre film plonge d’ailleurs Omar dans un labyrinthe - comme dans les deux scènes de poursuite qui font penser à celles de "Point Break", de Kathryn Bigelow.
Que je n’ai toujours pas vu ! Mais j’avais en tête un autre film américain : "French Connection", de William Friedkin. La sensation de labyrinthe est juste : je veux refléter par là l’égarement d’Omar. Cela fait partie de ce que les Américains appellent l’évolution psychologique du personnage. Il cherche une échappatoire, mais il ne sait pas où la trouver.
Rami, l’agent israélien, peut-il être perçu comme un père de substitution ?
Tout à fait. Je me suis inspiré de plusieurs affaires similaires. Et il apparaît que les agents israéliens ont souvent joué sur l’absence du père pour créer une relation père-fils avec leur contact palestinien. La dernière scène est aussi inspirée de la réalité. C’est arrivé au moins trois fois selon mes informations.