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Bérénice Bejo, une bonne perdante gagnante

Publié le 29 mai 2013 dans Actu ciné

Rencontre avec Bérénice Bejo, prix d’interprétation à Cannes pour “Le Passé”, qui sort ce 29 mai.
Notre rencontre avec Bérénice Bejo s’est déroulée sur la terrasse d’un grand hôtel quelques jours avant que Steven Spielberg et son jury ne lui décernent le prix de la meilleure actrice pour sa performance dans Le Passé. La suite des événements rend donc certaines de ses réponses assez cocasses. Notamment concernant la récompense à laquelle elle ne croyait pas une seule seconde. “Les prix, je suis surtout habituée à les rater ! A part le César, je les ai tous perdus ! Cela permet de relativiser. Pour moi, désormais, c’est juste une petite cerise sur le gâteau. Je suis sincère : Michel (Hazanavicius) et Jean (Dujardin) montaient systématiquement sur scène, et moi, je restais sur ma chaise. J’ai toujours été bonne perdante, mais là, pour le coup, j’ai vraiment bien appris à perdre. Si on monte sur scène à la fin du festival avec le film, je suis ravie. Sinon, je suis quand même très fière de mon travail. Et la vie continue.


Lire aussi : La critique du Passé sur lalibre.be et dh.be



Dans The Artist, vous jouez une diva américaine des années 20. Dans Le Passé, qui est un drame, une maman française actuelle. Vous aimez les grands écarts ?
Un rôle comme celui dans “The Artist”, je craignais qu’il ne me colle à la peau très longtemps, et finalement, non. J’ai eu beaucoup de chance de pouvoir enchaîner avec un autre personnage très fort, Marie. Je ne suis pas maîtresse de mon destin. C’est Asghar Farhadi qui m’a choisie. Nos routes se sont croisées au bon moment. C’est de la chance. Il y a beaucoup de rôles forts pour les hommes et moins pour les femmes.

Le passé pèse sur chaque personnage de manière insidieuse…
Asghar aime les situations fortes, intenses, qui amènent à se poser des questions. Comment gère-t-on nos vies ? Pourquoi sommes-nous tellement en crise aujourd’hui ? Il ne donne pas nécessairement la réponse pour mieux nous faire réfléchir. Même si moi, en tant que comédienne, je laisse le personnage sur le plateau. Je n’ai pas besoin de me torturer pour jouer une scène d’émotion. Je trouve en moi les chemins pour me faire pleurer, être en colère, etc., mais dès que la scène est finie, je fais des blagues sur le plateau. Je joue pour m’amuser, ce n’est donc pas quelque chose que je garde en moi en rentrant à la maison.




Qu’est-ce qui vous a le plus amusée ?
Hurler après les petits enfants, me mettre en colère contre ma fille, crier très fort que je déteste quelqu’un, c’est très rigolo. Dans la vie, on se met rarement dans ces états-là. Ce sont des situations terribles, lourdes de conséquences, mais à jouer, qu’est-ce que c’est amusant ! Asghar nous fait beaucoup répéter en amont pour digérer totalement nos personnages. On les comprend, et sur le plateau, il ne faut plus réfléchir à la manière de jouer : c’est comme si on avait déjà tourné le film. J’étais donc très sereine, avec un sentiment de confiance et de liberté que j’ai rarement connu sur un plateau.

Quel aspect vous a le plus touché ? La relation mère-fille, la famille recomposée ?
En premier, la relation entre Marie et Ahmad. C’est toujours intéressant de voir deux personnes qui se sont aimées, détestées, quittées et qui se retrouvent. On sent l’attachement au passé. Ils se sont séparés malgré eux, et on le ressent dans le film de manière très subtile. Il y a beaucoup d’histoires dans ce film, et on y réagit différemment en fonction de son âge ou de son vécu. C’est très riche. Comme dans les films de Claude Sautet, tant les rapports humains ressemblent aux nôtres. Cassavetes aussi chopait bien les instants de vie. Pour moi, le cinéma d’Asghar entre dans cette lignée.

Entretien : Patrick Laurent.

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