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Un "signal fort" pour l'exception culturelle

Publié le 24 mai 2013 dans Actu ciné

La résolution adoptée jeudi par le Parlement européen d'exclure les services culturels et audiovisuels des négociations de libre échange entre l'Union européenne et les Etats-Unis constitue un signal politique fort, estime le président du CNC français (Centre national du cinéma), Eric Garandeau. Le vote s'est fait avec 381 pour la résolution, 191 contre et 19 abstentions. 

Lors d'une conférence qui s'est tenue lundi en marge du 66e Festival de Cannes, la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, a réaffirmé que la France n'accepterait pas que les services audiovisuels soient inclus dans le mandat de négociation de l'exécutif européen, position également défendue par la ministre du Commerce extérieur, Nicole Bricq.


Si la position du Parlement ne constitue qu'un simple avis, c'est à lui qu'il reviendra de donner son quitus ou d'opposer son veto, in fine, à tout accord. La Commission européenne, tout en s'engageant à préserver l'exception et la diversité culturelles, ne veut pas exclure a priori les services audiovisuels des négociations avec Washington.


"Le fait d'avoir une résolution votée à la majorité des deux tiers est forcément un signal politique et démocratique très fort. Il implique que cette question ne peut pas être traitée de manière technocratique et étroitement juridique", a déclaré Eric Garandeau à Reuters vendredi. "C'est un signal politique qui (...) aura un impact sur le mandat final qui sera adopté par le conseil des ministres".


La fermeté de la position française, épaulée par plusieurs pays européens, une pétition signée par plus de 5500 professionnels du cinéma européens pour préserver l'exception culturelle, et la résolution de Strasbourg permettent d'espérer l'émergence d'une minorité de blocage au sein du Conseil des ministres du Commerce extérieur de l'UE qui doit valider le 14 juin le mandat présenté par la CE, a observé Eric Garandeau.


"Ça rend plus probable l'apparition d'une minorité de blocage sur cette question de l'exclusion des services audiovisuels du mandat de négociation de la Commission", a-t-il dit. "Grosso modo, il faut avoir deux Etats importants et deux Etats plus modestes" pour déclencher cette minorité de blocage qui obligerait la Commission à revoir sa copie, a-t-il ajouté.


Les Etats-Unis et l'UE ont convenu en février de lancer d'ici juin des négociations en vue de conclure un pacte commercial susceptible non seulement d'élargir les échanges de part et d'autre de l'Atlantique mais aussi de contribuer à l'élaboration de règles, en matière de protection du droit d'auteur ou de lutte contre le piratage par exemple, à vocation internationale.


Pour Eric Garandeau, il n'est pas légitime d'adopter un calendrier aussi serré, "de vouloir précipiter les négociations sur un sujet aussi important avec une Commission qui est en bout de course". Il rappelle que le mandat de l'actuelle CE, présidée par José Manuel Barroso, arrive à échéance en octobre 2014.


L'un des principaux dangers tenant à la position défendue par la Commission européenne - estime Eric Garandeau - est qu'il établirait une dichotomie entre les médias traditionnels, bénéficiant de mécanismes de protection, de quotas et de soutien financier établis par la force publique, et un monde numérique - en l'espèce les services dispensés via internet - entièrement libéralisé et donc non soumis à ces mêmes obligations.


Une fracture d'autant plus dommageable que la France souhaite que le principe de l'exception culturelle s'applique aussi aux géants du web tels que Google, Amazon.com , Apple ou encore NetFlix, afin qu'ils contribuent financièrement à la création des oeuvres.


Le rapport de la mission Lescure "Acte II de l'exception culturelle à l'ère du numérique", remis au président François Hollande le 13 mai, pose ainsi le principe d'une taxation des smartphones et des tablettes à cette fin.


"La France a par exemple notifié (à la commission européenne) un régime d'aide automatique à la vidéo à la demande (VàD) pour les sites (internet) situés sur son territoire", a expliqué Eric Garandeau. "La Commission européenne refuse pour l'instant d'autoriser ces aides alors même qu'elles existent déjà pour la vidéo physique, alors même que le programme MEDIA finance aussi des plateformes de VàD", a-t-il ajouté.


"On sent très bien qu'il y a une tentation de considérer que ce qui est du domaine numérique échappe à l'exception culturelle. C'est une illustration très concrète, notre dossier est bloqué depuis plusieurs mois". Le programme européen MEDIA, qui se dénommera Europe Créative à partir de 2014, est un ensemble d'aides à la production, la distribution, la télédiffusion et la formation dans les médias. Il a consacré 116 millions d'euros à cette tâche l'an dernier.

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