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Vu à Cannes : "Nebraska" d'Alexander Payne

Publié le 23 mai 2013 dans Actu ciné

Nebraska ou la balade dans la beauté cachée de l'Amérique profonde.
Un vieil homme marche sur le bord de la route. D'où vient-il ? Où va-t-il ? C'est la deuxième fois qu'il fugue. Pourquoi ? Une lettre lui a annoncé qu'il avait gagné un million de dollars à une loterie. Une technique de pub tellement pourrie qu'on se demande comment elle marche encore. Mais c'est son idée fixe désormais. Finalement, son fils décide de le conduire jusque Lincoln : 1500 - 2000 km. On passera au moins un peu de temps ensemble, se dit-il.

On voit venir le road-movie, on se souvient de la Nappa Valley dans Sideways. Sauf que le père n'est pas du genre bavard, plutôt du genre alcoolo. Entre le bar et la chambre du motel, il trouve le moyen de s'ouvrir le crâne. Pas trop grave mais Lincoln attendra. L'occasion de passer par Hawthorne, sa ville natale, de revoir son frère, d'organiser une petite réunion de famille. Le père montre autant d'enthousiasme que si on lui proposait d'aller écouter le discours du 1er mai de Paul Magnette. Arrivé sur place, on comprend. Et quand tout le bled croit que Woody va devenir millionnaire, c'est pire.

Nebraska, c'est l'Amérique profonde, la route infinie, la station essence posée nulle part, des petits bourgs tous pareils, quasi déserts, presque fantômes depuis que la crise est passée. Nebraska, c'est un peu l'Amérique profonde et rurale qui rencontre la comédie italienne, la féroce, celle de L'argent de la vieille et Affreux, sales et méchants. Faut voir les hommes devant le poste de télé, s'accrochant à leur bière comme un homme à la mer à sa bouée. Et les femmes ne sont pas moins maltraitées.

Comment Woody a-t-il pu survivre 40 ans, à la langue de vipère de sa femme ? Cette vision de l'Amérique rappelle la plage d'Hawaï des Descendants, grise et bien bétonnée (au moins elle ne sentait pas la gaufre). Payne plonge les clichés de l'americana et de la famille dans un bain d'acide, qui fait apparaître une beauté cachée. Son humour caustique et imprévisible; sa manière de nous balader dans un paysage comme dans une métaphore; sa façon de remettre les gens au volant de leur vie sans passer par la case sentimentale; sa musique, guitare sèche et trompettes; sa direction d'acteurs, Bruce Dern tient le rôle de sa vie; il y a tout ce qu'on aime dans le Nebraska d'Alexander Payne.

Fernand Denis, à Cannes.

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